Vu le pourvoi, enregistré le 24 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Boubacar A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1005640/8 du 11 août 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un document provisoire de séjour en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°) statuant en référé, d'ordonner au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un document provisoire de séjour en application de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aymeric Pontvianne, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blondel, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à Me Blondel, avocat de M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ; qu'aux termes de l'article L. 522-3 du même code : Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ;
Considérant que, pour rejeter par application de la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative la demande en référé présentée par M. A sur le fondement de l'article L. 521-2 du même code afin d'obtenir la délivrance d'un document provisoire de séjour, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a estimé que l'intéressé devait être regardé comme ayant pris la fuite au sens de l'article 19 du règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et qu'en conséquence l'atteinte grave au droit d'asile dont il se prévaut n'était pas établie ; qu'en déduisant toutefois de ces motifs, qui portent une appréciation sur le bien-fondé de la demande de référé, que cette demande n'était pas recevable, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que l'article 19 de ce règlement prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et que ce délai peut être porté à dix-huit mois si l'intéressé prend la fuite ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ;
Considérant il résulte de l'instruction que M. A, de nationalité guinéenne, a sollicité l'asile le 26 mai 2009 auprès des services de la préfecture du Val de Marne ; que le préfet de ce département a toutefois refusé de lui délivrer un document provisoire de séjour au motif que sa demande relevait de la compétence de l'Espagne ; que les autorités espagnoles ont donné, le 6 octobre 2009, leur accord à la réadmission de l'intéressé ; que le préfet a pris, en conséquence, le 20 octobre 2009, une décision de réadmission de M. A vers l'Espagne ; que ce dernier n'a pas tenu compte de la notification de cette décision et s'est maintenu sur le territoire français ; que, convoqué à la préfecture le 13 novembre 2009, M. A ne s'y est pas présenté ; que, dans ces conditions, il a pu, sans illégalité manifeste, être regardé comme s'étant soustrait de façon intentionnelle au contrôle de l'autorité administrative afin de faire obstacle à la mesure d'éloignement le concernant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. A sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun en date du 11 août 2010 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Boubacar A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.