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21/03/2011 | FRANCE | N°345979

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 21 mars 2011, 345979


Vu l'ordonnance n° 1007324 du 18 janvier 2011 par laquelle le président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Marseille, avant de statuer sur la demande de M. et Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2009 par lequel le maire de Villemus a constaté l'incorporation dans le domaine privé de la commune de la parcelle cadastrée C - 118 ainsi que de la délibération du conseil municipal du 14 septembre 2007 sur le fondement de laquelle il a été pris, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958

portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transm...

Vu l'ordonnance n° 1007324 du 18 janvier 2011 par laquelle le président de la 8ème chambre du tribunal administratif de Marseille, avant de statuer sur la demande de M. et Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2009 par lequel le maire de Villemus a constaté l'incorporation dans le domaine privé de la commune de la parcelle cadastrée C - 118 ainsi que de la délibération du conseil municipal du 14 septembre 2007 sur le fondement de laquelle il a été pris, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° de l'article L. 1123-1 et de l'article L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2010 au greffe du tribunal administratif de Marseille, présenté par M. et Mme Lucien A, demeurant ..., en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code civil ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques, notamment ses articles L. 1123-1 et L. 2222-20 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques : Sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 et qui : / 1° Soit font partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté ; / 2° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de trois ans les taxes foncières n'ont pas été acquittées ou ont été acquittées par un tiers. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 1123-2 du même code : Les règles relatives à la propriété des biens mentionnés au 1° de l'article L. 1123-1 sont fixées par l'article 713 du code civil , lequel dispose que Les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Toutefois, la propriété est transférée de plein droit à l'Etat, si la commune renonce à exercer ses droits ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques : Lorsque la propriété d'un immeuble a été attribuée, dans les conditions fixées à l'article L. 1123-3, à une commune ou, à défaut, à l'Etat, le propriétaire ou ses ayants droit sont en droit d'en exiger la restitution. (.. .) ;

Considérant que l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques a pour objet de distinguer deux catégories de biens pouvant être regardés comme étant sans maître, la première, correspondant au 1° de cet article, étant celle des biens sans maître proprement dits, dont les règles d'acquisition sont fixées à l'article 713 du code civil, lequel retient une appropriation de plein droit par les communes n'impliquant à ce titre l'accomplissement d'aucune formalité préalable de leur part, et la seconde, correspondant au 2° de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques, étant celle des biens pour lesquels, eu égard à leur nature particulière, d'une part, est organisée à l'article L. 1123-3 de ce code une procédure préalable d'enquête avant leur incorporation dans le domaine communal afin de permettre au propriétaire, s'il existe, de se faire connaître et, d'autre part, est expressément prévue, à l'article L. 2222-20 du même code, en cas d'appropriation irrégulière par la commune, une indemnisation du propriétaire si le bien ne peut lui être restitué ;

Considérant que M. et Mme A ne soulèvent la question de la constitutionnalité du 1° de l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques qu'en tant qu'il ne prévoit pas de procédure d'enquête et de publicité préalablement à l'appropriation par la commune des biens qu'il définit ; que ces biens sont, ainsi qu'il a été dit, ceux dont le propriétaire, identifié, est décédé depuis plus de trente ans sans héritier ou en laissant des héritiers n'ayant pas accepté, expressément ou tacitement, la succession pendant ce délai et qui doivent être regardés, de ce fait, comme y ayant renoncé dès lors que l'expiration de ce délai a éteint leur droit de recueillir ces biens conformément à la prescription applicable aux successions ; qu'en ne prévoyant pas d'autres modalités, notamment d'enquête et de publicité préalables, que celles énoncées à l'article 713 du code civil pour l'acquisition par les communes de ces biens, qui ne peuvent plus, compte tenu de leur situation juridique, être revendiqués par un héritier, le législateur n'a pas méconnu le droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et n'est, en tout état de cause, pas resté en deçà de la compétence qui lui est assignée par l'article 34 de la Constitution pour prévoir le régime de la propriété ;

Considérant que, si les dispositions de l'article L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques n'organisent de procédure de restitution que pour les biens dont la propriété à été attribuée aux communes, dans les conditions fixées à l'article L. 1123-3 du code, lequel ne s'applique qu'aux biens définis au 2° de l'article L. 1123-1, et non à ceux relevant du 1° du l'article L. 1123-1, celles-ci n'ont ni pour objet, ni pour effet d'exclure tout droit à restitution des biens en cause dans le cas où la commune les aurait irrégulièrement incorporés dans son domaine ; qu'ainsi, en organisant, à l'article L. 2222-20, une procédure de restitution pour les seuls biens mentionnés au 2° de l'article L. 1123-1, le législateur n'a pas davantage méconnu le droit de propriété et n'est pas non plus resté en-deçà de la compétence qui lui est assignée par l'article 34 de la Constitution ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Lucien A, au Premier ministre et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Marseille.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 345979
Date de la décision : 21/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2011, n° 345979
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:345979.20110321
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