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28/03/2011 | FRANCE | N°312658

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 28 mars 2011, 312658


Vu, 1° sous le n° 312658, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 29 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE RÉGIONALE DE MÉTIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE, dont le siège est 42 rue Titon à Châlons-en-Champagne (51000), représentée par son président ; la chambre régionale de métiers demande au Conseil d'Etat ;

1°) d'annuler le jugement du 27 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 17 octobre 2006 par laquelle son vice-présiden

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Vu, 1° sous le n° 312658, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 29 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE RÉGIONALE DE MÉTIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE, dont le siège est 42 rue Titon à Châlons-en-Champagne (51000), représentée par son président ; la chambre régionale de métiers demande au Conseil d'Etat ;

1°) d'annuler le jugement du 27 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 17 octobre 2006 par laquelle son vice-président a placé M. Claude A en situation de congé sans solde et lui a enjoint de verser à M. A une indemnité calculée sur la base des prescriptions de l'article 41 du statut des personnels administratifs des chambres des métiers ;

2°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le n° 319927, l'ordonnance du 12 août 2008, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 août 2008, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE ARDENNE ;

Vu le pourvoi, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 29 janvier 2008, par lequel la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE présente les mêmes conclusions que sous le n° 312658 ;

Vu le jugement attaqué ;

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

Vu le statut du personnel administratif des chambres de métiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la CHAMBRE RÉGIONALE DES MÉTIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE et de la SCP Laugier, Caston, avocat de M. Claude A,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la CHAMBRE RÉGIONALE DES MÉTIERS DE CHAMPAGNE- ARDENNE et à la SCP Laugier, Caston, avocat de M. Claude A ;

Considérant que les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article R 811-1 et du 7° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires et agents des collectivités publiques, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes supérieures au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; que l'article R. 222-14 fixe ce montant à 10 000 euros ; qu'enfin, l'article R. 222-15 précise qu'il est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance et que les demandes d'intérêts et celles présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont sans effet sur la détermination de ce montant ;

Considérant que, devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, M. A a présenté des conclusions tendant à ce que, après avoir annulé la décision du 17 octobre 2006 par laquelle le vice-président de la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE l'a placé en congé sans solde, cette dernière soit condamnée à lui verser les traitements, salaires et indemnités dont il a été privé depuis cette décision, ainsi qu'une somme de 3 000 euros par mois dans l'attente du jugement à venir ; que, quelle que soit l'étendue des obligations qui pèseraient sur l'administration au cas où le tribunal y ferait droit, une telle demande ne peut être regardée comme comportant des conclusions tendant au versement de sommes supérieures au montant mentionné deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ; que, par suite, le litige ne peut être regardé comme entrant dans le champ de l'exception à la règle suivant laquelle le tribunal administratif statue en dernier ressort sur les litiges relatifs à la situation individuelle des agents publics ; qu'ainsi, les conclusions de la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE tendant à l'annulation du jugement du 27 novembre 2007 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ont le caractère d'un pourvoi en cassation relevant de la compétence du Conseil d'Etat ;

Sur le pourvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 34 du statut des personnels des chambres de métiers : L'agent qui n'exerce pas ses fonctions par suite d'une maladie, d'un accident, d'une maternité ou de fonctions électives autres que celles prévues à l'article 29, est placé en position de congé ; que l'article 41 du même statut dispose que : En cas de maladie ou d'accident mettant l'agent dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, il est de droit mis en congé (...) L'agent en congé pour maladie ou accident bénéficie : / 1. pendant trois mois de la différence entre ses émoluments et le montant de l'indemnité journalière qui lui est effectivement versée par la sécurité sociale ; / 2. pendant les trois mois suivants, de la moitié de cette différence. En cas de congés successifs, les avantages cessent dès que l'agent totalise, pendant douze mois consécutifs, six mois d'interruption de travail pour maladie ou accident ayant donné lieu aux indemnités prévues ci-dessus(...) ;

Considérant qu'après avoir relevé que M. A avait été déclaré inapte à la reprise de ses fonctions au sein des services de la chambre et que, s'il avait été déclaré apte à la reprise d'un poste similaire dans une autre institution, les tentatives de reclassement engagées à cette fin n'avaient pas abouti, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision plaçant l'intéressé en situation de congé sans solde et condamné la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE à verser à l'intéressé une indemnité calculée sur la base des dispositions de l'article 41 du statut ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que ces dispositions n'étaient pas applicables à M. A, déclaré apte à la reprise du travail, le tribunal a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le jugement du 27 novembre 2007 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'il résulte d'un principe général du droit dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, son licenciement ; que si, aux termes de l'article 46 du statut du personnel administratif des chambres de métiers : Après trois ans de congés continus ou trois ans de congés successifs pour cause de maladie (...) sur une période de six ans comptés à partir de la première constatation médicale, l'agent qui ne peut reprendre ses fonctions peut être, au vu d'un certificat médical établi par le médecin du travail, reclassé dans un emploi pouvant lui convenir, ou licencié pour inaptitude physique (...) , ces dispositions, relatives à la durée maximale du congé pour maladie, ne font pas obstacle à ce qu'il soit fait application du principe général du droit rappelé ci-dessus pour les agents se trouvant en situation d'inaptitude à occuper leur emploi et à l'égard desquels les recherches de reclassement ont été infructueuses ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le reclassement de M. A n'ayant pas été possible, il appartenait à la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE de prononcer son licenciement, ainsi qu'il le soutient, alors même que les conditions posées par l'article 46 du statut du personnel des chambres de métiers n'étaient pas remplies ; qu'en revanche, elle ne pouvait placer l'intéressé en position de congé sans solde ; qu'ainsi le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision du 17 octobre 2006 le plaçant dans cette position ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que, s'il appartient à M. A, s'il s'y croit fondé, de saisir la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE d'une demande tendant au versement d'une indemnité calculée en tenant compte des sommes dont il a été illégalement privé du fait de la décision illégale de le placer en congé sans solde, il ne saurait toutefois, en l'absence de service fait, prétendre au versement de ses traitements et indemnités depuis le 1er novembre 2006 ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de la chambre à lui verser de telles sommes ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre de métiers le versement à M. A d'une somme de 2 000 euros au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 27 novembre 2007 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La décision du 17 octobre 2006 du vice-président de la CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE est annulée.

Article 3 : LA CHAMBRE REGIONALE DE METIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE RÉGIONALE DE MÉTIERS DE CHAMPAGNE-ARDENNE et à M. Claude A.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 312658
Date de la décision : 28/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE EN PREMIER ET DERNIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - ACTIONS INDEMNITAIRES N'AYANT PAS DONNÉ LIEU À UNE ÉVALUATION CHIFFRÉE DANS LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D'INSTANCE DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF - CAS DANS LESQUELS LE MONTANT DEMANDÉ N'EST PAS DÉTERMINABLE - JUGE UNIQUE STATUANT EN DERNIER RESSORT.

17-05-012 En vertu des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 et du 7° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative (CJA), le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires et agents des collectivités publiques, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes supérieures à un montant, fixé par l'article R. 222-14 du même code, à 10 000 euros.... ...Une requête comportant des conclusions présentées par un fonctionnaire tendant à ce que son administration soit condamnée à lui verser les traitements, salaires et indemnités dont il a été privé depuis une décision de placement en congé sans solde annulée au contentieux, ainsi qu'une somme de 3 000 euros par mois dans l'attente du jugement à venir, ne peut, quelle que soit l'étendue des obligations qui pèseraient sur l'administration au cas où le tribunal y ferait droit, être regardée comme comportant des conclusions tendant au versement de sommes supérieures au montant mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du CJA. Par suite, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en cassation du jugement du tribunal administratif rendu sur ce litige.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CONTENTIEUX DE LA FONCTION PUBLIQUE - CONTENTIEUX DE L'INDEMNITÉ - ACTIONS INDEMNITAIRES N'AYANT PAS DONNÉ LIEU À UNE ÉVALUATION CHIFFRÉE DANS LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D'INSTANCE DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF - CAS DANS LESQUELS LE MONTANT DEMANDÉ N'EST PAS DÉTERMINABLE - JUGE UNIQUE STATUANT EN DERNIER RESSORT [RJ1].

36-13-03 En vertu des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 et du 7° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative (CJA), le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort dans les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires et agents des collectivités publiques, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes supérieures à un montant, fixé par l'article R. 222-14 du même code, à 10 000 euros.... ...Une requête comportant des conclusions présentées par un fonctionnaire tendant à ce que son administration soit condamnée à lui verser les traitements, salaires et indemnités dont il a été privé depuis une décision de placement en congé sans solde annulée au contentieux, ainsi qu'une somme de 3 000 euros par mois dans l'attente du jugement à venir, ne peut, quelle que soit l'étendue des obligations qui pèseraient sur l'administration au cas où le tribunal y ferait droit, être regardée comme comportant des conclusions tendant au versement de sommes supérieures au montant mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du CJA. Par suite, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en cassation du jugement du tribunal administratif rendu sur ce litige.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour les litiges de pensions, CE, 16 juin 2004, Dufau, n° 262070, T. p. 638. Comp. CE, Section, 5 mai 2006, Mme Bisson, n° 280223, p. 231.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 mar. 2011, n° 312658
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Marie-Françoise Lemaître
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:312658.20110328
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