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30/03/2011 | FRANCE | N°315066

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 30 mars 2011, 315066


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril et 11 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-Pierre A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 06PA00300 du 11 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0505759 du 30 novembre 2005 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à la décharge des cotisations suppl

émentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales a...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril et 11 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-Pierre A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 06PA00300 du 11 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0505759 du 30 novembre 2005 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1996, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, à la décharge des impositions demeurant en litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'EURL JMP Investissements , dont M. Jean-Pierre A est l'unique associé, a acquis, en 1992, 390 parts de la SNC Pérou pour un montant de 390 000 F et 4 parts de la SNC Vestalia pour un montant de 200 000 F ; que, par deux actes des 30 juin 1994 et 20 février 1996, l'EURL JMP Investissements a cédé à la SA Medotels la totalité des parts détenues dans la SNC Pérou pour un montant de 292 500 F, dégageant une moins-value apparente de 97 500 F, et la totalité des parts détenues dans la SNC Vestalia pour un montant de 264 400 F, dégageant une plus-value apparente de 64 400 F ; que, les associés de ces deux SNC n'ayant pas contribué à l'apurement des pertes antérieures, le montant des pertes cumulées à la clôture des exercices précédant les dates de cession des parts sociales, calculées au prorata des quotes-parts détenues par l'EURL JMP Investissements , s'élevait respectivement à 549 523 F pour la SNC Pérou et à 382 219 F pour la SNC Vestalia ; qu'à raison du transfert à la SA Medotels de l'obligation de comblement des passifs sociaux de ces deux SNC, l'administration fiscale, pour établir les plus-values de cession dégagées, a minoré les prix d'acquisition des parts sociales de ces deux sociétés du montant des déficits qui avaient été déduits par M. A de ses revenus imposables pendant la période de détention des titres et a imposé, entre les mains de ce dernier, le gain net résultant de la différence entre les prix de cession des parts et les prix d'acquisition ainsi rectifiés ; que l'administration fiscale a, par ailleurs, réintégré dans les résultats de l'EURL JMP Investissements des frais financiers correspondant à l'acquisition des parts des deux SNC ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 17 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre le jugement du 30 novembre 2005 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1996 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure devant la cour que M. et Mme A se sont prévalus des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime pour s'opposer à l'application, aux opérations de cessions des parts des SNC Pérou et Vestalia réalisées en 1994 et 1996, des règles de calcul des plus-values qui ont été précisées par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 9 mars 2005 ; qu'en jugeant que le principe de sécurité juridique ne pouvait être utilement invoqué en vue de faire échec à l'application de dispositions du code général des impôts, dès lors que celles-ci n'ont pas pour finalité la mise en oeuvre du droit communautaire, alors que ce principe est reconnu tant en droit interne que par l'ordre juridique communautaire, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a jugé qu'ils ne pouvaient utilement se prévaloir, pour s'opposer à l'application, aux opérations de cessions des parts des SNC Pérou et Vestalia réalisées en 1994 et 1996, de l'interprétation des dispositions de l'article 92 K du code général des impôts résultant de la décision du Conseil d'Etat du 9 mars 2005, du principe général de sécurité juridique, au motif que ce principe serait seulement invocable à l'encontre des actes pris par les autorités françaises pour mettre en oeuvre le droit communautaire ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A ;

Sur les bénéfices industriels et commerciaux :

Considérant que M. et Mme A soutiennent que l'administration a refusé à tort à l'EURL JMP Investissements la déduction de ses résultats, au titre de l'année 1996, de frais financiers supportés à l'occasion de l'acquisition des parts des SNC Pérou et Vestalia ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que l'EURL JMP Investissements , qui ne participait pas, dans le cadre de sa détention de parts sociales dans les SNC Pérou et Vestalia , à l'activité commerciale de ces sociétés hôtelières, ne peut être regardée comme une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole ; qu'elle ne peut, dès lors, déduire les frais financiers qu'elle a supportés pour l'acquisition de ces parts, alors même que les revenus retirés de ces participations seraient imposables entre les mains de son unique associé, M. A, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que la réponse ministérielle du 23 octobre 1995 à laquelle l'administration fiscale s'est référée n'a fait que rappeler le principe mentionné ci-dessus ; que si, sur la base de l'instruction administrative référencée 4 A-7-96 du 1er août 1996, publiée le 14 août 1996, invoquée par M. et Mme A, l'administration fiscale a abandonné le redressement relatif aux frais financiers au titre de l'année 1995, cette instruction, qui interdisait la déduction des frais financiers, précisait dans son paragraphe 10 que : les règles mentionnées ci-dessus sont applicables à compter de la publication de la présente instruction ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à se prévaloir de cette instruction pour obtenir une mesure de dégrèvement pour les déductions des frais financiers au titre de l'année 1996 ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur les plus-values de cession des parts sociales :

Considérant qu'aux termes de l'article 92 K du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels ainsi que des articles 92 B et 150 A bis, le gain net retiré de la cession de droits sociaux mentionnés à l'article 8 est soumis à l'impôt sur le revenu au taux prévu à l'article 200 A./ Le gain net est constitué par la différence entre le prix effectif de cession des droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. / (...) ; que, dans le cas où un associé cède les parts qu'il détient dans une société ou un groupement relevant ou ayant relevé de l'un des régimes prévus aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts, le résultat de cette opération doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique de ces sociétés et groupements, en retenant comme prix d'acquisition de ces parts, au sens de l'article 92 K précité du code, leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part, de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux revenus imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et, d'autre part, des pertes correspondant à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée, en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a effectivement déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices correspondant à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, en application des règles rappelées ci-dessus, l'administration fiscale a calculé les plus-values dégagées par l'EURL JMP Investissements lors de la cession des parts qu'elle détenait dans les SNC Pérou et Vestalia en déduisant du prix d'acquisition initial de ces parts la quote-part des pertes sociales subies par ces SNC, non comblées par les associés, que M. A avait déduites de ses revenus imposables ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale n'aurait pas fait une exacte application des dispositions de l'article 92 K du code général des impôts pour le calcul des plus-values en litige doit être écarté ;

Considérant, toutefois, que M. et Mme A ont invoqué devant le Conseil d'Etat, dans le cadre du règlement de l'affaire au fond, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'interprétation de l'article 92 K du code général des impôts figurant dans l'instruction 5-B-7-91 du 11 mars 1991, selon laquelle le prix d'acquisition à prendre en compte pour la détermination du gain net imposable correspond au montant de la contrepartie que le titulaire des droits sociaux a dû fournir pour acquérir la propriété de ces droits. En cas d'acquisition à titre onéreux, le prix est celui qui a été convenu entre les parties augmenté, le cas échéant, de toutes charges et indemnités stipulées au profit du cédant ainsi que des frais supportés à cette occasion. ; qu'en s'abstenant de prévoir, pour la détermination du prix d'acquisition des droits sociaux, la prise en compte des pertes subies par la société de personnes, déduites par les associés et non comblées par ceux-ci, cette instruction donne de la loi fiscale une interprétation formelle ; que M. et Mme A, qui ont calculé le prix d'acquisition des parts des SNC Pérou et Vestalia conformément à la doctrine administrative précitée, sont fondés à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 5-B-7-91 du 11 mars 1991 au soutien de leur demande de décharge des impositions en litige ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête relatifs aux plus-values de cession des parts sociales, que M. et Mme A sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1996 en conséquence des rehaussements des résultats de l'EURL JMP Investissements correspondant à l'imposition des plus-values de cession de parts des SNC Pérou et Vestalia ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 4 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 11 février 2008 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 30 novembre 2005 est annulé en tant qu'il rejette le surplus de la demande de M. et Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1996 en conséquence des rehaussements des résultats de l'EURL JMP Investissements correspondant à l'imposition des plus-values de cession de parts des SNC Pérou et Vestalia .

Article 3 : M. et Mme A sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1996 en conséquence des rehaussements des résultats de l'EURL JMP Investissements afférents à l'imposition des plus-values de cession de parts des SNC Pérou et Vestalia .

Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean-Pierre A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 mar. 2011, n° 315066
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 30/03/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 315066
Numéro NOR : CETATEXT000023886615 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-03-30;315066 ?
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