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30/03/2011 | FRANCE | N°327970

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 30 mars 2011, 327970


Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Ablavi Akpéné A, ayant élu domicile chez son avocat, Me Nathalie C, dont le cabinet est ...; Mlle A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 mars 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'ambassadeur de France au Togo du 9 août 2006 lui refusant un visa d'entrée et de long séjour en France afin de rejoindre son

père, M. Kouakou B, au titre du regroupement familial ;

2°) d'enjoindr...

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mlle Ablavi Akpéné A, ayant élu domicile chez son avocat, Me Nathalie C, dont le cabinet est ...; Mlle A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 mars 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'ambassadeur de France au Togo du 9 août 2006 lui refusant un visa d'entrée et de long séjour en France afin de rejoindre son père, M. Kouakou B, au titre du regroupement familial ;

2°) d'enjoindre à l'autorité compétente de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 99-566 du 6 juillet 1999 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que Mlle A, ressortissante togolaise, demande l'annulation de la décision du 5 mars 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision de l'ambassadeur de France au Togo du 9 août 2006 lui refusant un visa d'entrée et de long séjour en France afin de rejoindre son père, M. Kouakou B, au titre du regroupement familial ;

Considérant que pour rejeter le recours de Mlle A dirigé contre la décision de l'ambassadeur de France au Togo refusant le visa de séjour sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, d'une part, sur le fait qu'aucune preuve de filiation par reconnaissance ou par jugement n'est apportée et, d'autre part, sur la circonstance que les mandats transmis, postérieurs à la date du dépôt de la demande de regroupement familial, ne peuvent être considérés comme des éléments probants du maintien de liens entre M. B et sa fille ;

Considérant que si le visa d'entrée et de long séjour en France a été demandé dans le cadre d'une procédure de regroupement familial qui a été engagée en vue de permettre à Mlle A de rejoindre son père en France et qui a donné lieu le 5 février 2004 à une décision favorable du sous-préfet de l'Haÿ-les-Roses, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire usât du pouvoir qui lui appartient de refuser la délivrance dudit visa en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; qu'au nombre des motifs d'ordre public de nature à fonder légalement le refus de délivrance d'un visa sollicité dans le cadre de la procédure du regroupement familial, figure la circonstance que les documents produits pour établir le lien de filiation entre la requérante et son père sont dépourvus de valeur probante ;

Considérant, cependant, que si le ministre soutient que la requérante n'a produit ni jugement, ni reconnaissance établissant sa filiation paternelle, il ressort des pièces du dossier qu'en application de l'article 165 du code des personnes et de la famille togolais, le lien de paternité peut être établi par la possession d'état ; que l'acte de naissance de Mlle A fait mention de son père dont elle a toujours porté le nom, sans que la circonstance que sa naissance ait été déclarée par sa grand-mère paternelle et non par son père permette d'en établir le défaut d'authenticité ; que la possession d'Etat est corroborée par d'autres pièces dont l'authenticité n'est pas contestée, notamment par un certificat de nationalité togolaise établie pour Mlle A le 27 juin 2000 et par un jugement de délégation d'autorité parentale du tribunal de première instance de Lomé du 2 août 2002, autorité qui a été attribuée au père, à la demande de la mère de l'intéressée ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment de la correspondance échangée entre M. Kouakou B et Mlle A, et de la fréquence et des montants des différents mandats versés par M. B, que des liens familiaux ont été maintenus entre ces derniers malgré l'installation en France de M. B ; que, dans ces circonstances, en estimant que les documents produits par la requérante n'étaient pas de nature à établir la réalité de son lien de filiation avec M. Kouakou B, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation ; que Mlle A est, par suite, fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 3 du décret du 6 juillet 1999, repris à l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'âge des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 14 du décret du 6 juillet 1999, repris à l'article R. 421-28 du même code : La demande de visa doit être formulée dans un délai qui ne peut excéder six mois à compter de la notification au demandeur de la décision du préfet (...) autorisant le regroupement familial ;

Considérant que si l'administration, dont la décision de rejet d'une demande a été annulée par le juge, statue à nouveau sur cette demande en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision, il en va différemment lorsqu'une disposition législative ou réglementaire prévoit qu'un élément de cette situation est apprécié à une date déterminée ;

Considérant que l'annulation d'un refus de visa qui aurait dû normalement être octroyé en raison de l'autorisation de regroupement familial donnée par le préfet et en l'absence de tout motif d'ordre public permettant de s'y opposer, entraîne en principe l'obligation pour l'administration, statuant à nouveau sur la demande, de délivrer le visa sollicité ; que dès lors qu'en application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'âge du bénéficiaire du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande de regroupement familial sur laquelle le préfet a statué, la circonstance que le demandeur qui bénéficiait, à la date à laquelle il avait présenté sa demande de visa, d'une autorisation de regroupement familial lui donnant droit à entrer et séjourner sur le territoire français, ait atteint l'âge de dix-huit ans à la date à laquelle les autorités consulaires, qui ont été saisies dans le délai réglementaire de six mois à compter de l'autorisation de regroupement familial, laquelle n'a été ni retirée ni abrogée, statuent à nouveau sur sa demande, ne peut faire obstacle à la délivrance du visa, qui ne peut dès lors être refusé que pour des motifs d'ordre public, à l'exclusion de toute invocation d'un risque de détournement du visa à des fins migratoires ; que, dans ces circonstances, eu égard aux motifs de la présente décision et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif d'ordre public ferait obstacle à la venue en France de Mlle A, l'exécution de cette décision implique nécessairement que lui soit délivré un visa d'entrée et de long séjour, sans que la circonstance qu'elle ait atteint sa majorité depuis l'intervention de la décision attaquée puisse y faire obstacle ; que, par suite, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de prescrire au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer à Mlle A un visa d'entrée et de long séjour en France dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mlle A au titre des frais exposés par l'intéressée et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 5 mars 2009 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer à Mlle A un visa d'entrée et de long séjour en France dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mlle A une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Ablavi Akpéné A, à M. Kouakou B, et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 327970
Date de la décision : 30/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2011, n° 327970
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Tuot
Rapporteur ?: M. Tanneguy Larzul
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:327970.20110330
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