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30/03/2011 | FRANCE | N°334553

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 30 mars 2011, 334553


Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Fatiha A, demeurant ..., régulièrement représentée par Me Nathalie VITEL, 50 boulevard de la liberté, les Lilas (93260) ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Fès refusant un visa d'entrée et de long séjour en France à l'enfant Aniss B ;

2) d'

enjoindre au consul de délivrer le visa de séjour demandé, sous astreinte de 150 eu...

Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Fatiha A, demeurant ..., régulièrement représentée par Me Nathalie VITEL, 50 boulevard de la liberté, les Lilas (93260) ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Fès refusant un visa d'entrée et de long séjour en France à l'enfant Aniss B ;

2) d'enjoindre au consul de délivrer le visa de séjour demandé, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et ce, dans les vingt jours suivant la notification de la décision à intervenir,

3) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et notamment son article 3 paragraphe 1 ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme et notamment son article 8 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que Mme A, de nationalité française, conteste le rejet implicite, par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, du recours qu'elle a formé contre la décision du consul général de France à Fès (Maroc) refusant un visa d'entrée en France à l'enfant Aniss B, de nationalité marocaine, né le 22 février 2007 à Oujda, qui lui a été confié régulièrement par un acte de kafala homologué par ordonnance du 28 décembre 2007 du tribunal de première instance d'Oujda ; qu'il ressort des pièces du dossier que pour rejeter ce recours, la commission s'est fondée d'une part, sur ce que Mme A se serait livrée à une tentative de détournement de la procédure d'adoption internationale et d'autre part sur le fait que les conditions d'accueil en France de l'enfant seraient contraires à son intérêt ;

Considérant que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;

Considérant que si le ministre allègue que le jugement de kafala rendu au bénéfice de Mme A aurait manifesté de la part de cette dernière la volonté de détourner la procédure d'adoption internationale, une telle circonstance, à la supposer établie, ne suffit pas par elle-même à justifier légalement le refus de délivrance du visa de séjour litigieux ;

Considérant que si les conditions matérielles d'accueil de l'enfant Aniss B en France sont modestes, il ressort des pièces du dossier que la volonté réelle de Mme A de subvenir à ses besoins n'est pas contestable ; que né de père inconnu, cet enfant a été abandonné par sa mère et ne peut espérer aucune sorte de vie familiale au Maroc, pays dans lequel le seul lien établi le concernant est celui qui l'unit à sa nourrice ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en particulier au fait que le fait de priver cet enfant de la possibilité de rejoindre celle qui exerce désormais l'autorité parentale à son égard, reviendrait à le priver de toute vie familiale, la décision a méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'autorité compétente de délivrer le visa sollicité par Mme A pour l'enfant Aniss B dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A de la somme de 1200 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France confirmant le refus de délivrer un visa à l'enfant Aniss C est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre- mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de délivrer le visa sollicité par Mme A pour l'enfant Aniss D dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Fatiha A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 334553
Date de la décision : 30/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2011, n° 334553
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Tuot
Rapporteur ?: M. Tanneguy Larzul
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:334553.20110330
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