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30/03/2011 | FRANCE | N°336765

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 30 mars 2011, 336765


Vu le pourvoi, enregistré le 17 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1, 2 et 3 de l'arrêt n° 08PA03326 du 17 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a respectivement rejeté son recours dirigé contre l'article 1er du jugement n° 0407711 du 20 mars 2008 du tribunal administratif de Paris déchargeant la société civile des succursales du Crédit Industriel et Commerci

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Vu le pourvoi, enregistré le 17 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1, 2 et 3 de l'arrêt n° 08PA03326 du 17 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a respectivement rejeté son recours dirigé contre l'article 1er du jugement n° 0407711 du 20 mars 2008 du tribunal administratif de Paris déchargeant la société civile des succursales du Crédit Industriel et Commercial, aux droits de laquelle vient la société Crédit Industriel et Commercial, de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage perçue dans la région Ile-de-France à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 2002 à raison des locaux de l'agence bancaire située au 64 rue de la Chaussée d'Antin à Paris (75009) à concurrence du montant de la taxe correspondant aux bureaux occupés par les conseillers financiers, fait droit à l'appel incident de la société contestant le montant de la taxe correspondant au bureau occupé par le directeur de cette agence et mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Balat, avocat de la société Credit Industriel et Commercial,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Balat, avocat de la société Credit Industriel et Commercial ;

Considérant qu'aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : I. - Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France (...). / III. - La taxe est due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif ; / 2° Pour les locaux commerciaux, qui s'entendent des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves attenantes couvertes ou non et des emplacements attenants affectés en permanence à la vente ; / (...) V. - Sont exonérés de la taxe : / (...) 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 m², les locaux commerciaux d'une superficie inférieure à 2 500 m², (...) ;

Considérant que, pour rejeter le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique dirigé contre l'article 1er du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris avait déchargé la société civile des succursales du Crédit Industriel et Commercial de la taxe prévue par ces dispositions, mise à sa charge au titre de l'année 2002, à concurrence du montant de cette taxe correspondant aux locaux occupés par les conseillers financiers dans l'agence bancaire située au 64, rue de la Chaussée d'Antin à Paris (9ème arrondissement) et pour accueillir l'appel incident présenté par la société Crédit Industriel et Commercial, venant aux droits de cette société, à hauteur du montant de la taxe correspondant aux locaux occupés par le directeur de cette agence, la cour administrative d'appel de Paris a d'abord jugé, sur le terrain de la loi fiscale, que les locaux occupés tant par ces conseillers que par le directeur étaient imposables dans la catégorie des locaux à usage de bureaux définie au 1° du III de l'article 231 ter de ce code et non dans celle des locaux commerciaux définie au 2° du III de cet article ; qu'elle a ensuite jugé que la société pouvait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 20 de l'instruction administrative 8 P-1-99 du 18 mars 1999 selon lequel, s'agissant des locaux destinés à la réalisation de prestations de service de nature commerciale, seuls entrent dans le champ de la taxe les locaux auxquels le public a normalement accès ; que, pour ce faire, la cour a estimé que les conseillers financiers utilisaient leurs bureaux pour le placement et la vente de produits et de services financiers à toute personne intéressée et en a déduit que la société était fondée à soutenir que ces bureaux, normalement accessibles au public, devaient être regardés comme des locaux commerciaux au sens de ce paragraphe ; qu'elle a, de même, estimé que le bureau du directeur de cette agence était destiné à la réception de la clientèle et qu'il devait également être regardé comme un local commercial au sens du même paragraphe de l'instruction du 18 mars 1999 ; que, dès lors que ces locaux occupaient une superficie inférieure à 2 500 m², la cour a jugé qu'ils relevaient, par suite, de l'exonération prévue par le 3° du V de l'article 231 ter du code général des impôts ;

Considérant qu'en statuant ainsi, la cour s'est méprise sur la portée du paragraphe 20 de l'instruction administrative 8 P-1-99 du 18 mars 1999 et, par suite, a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors que ce paragraphe, qui relève d'ailleurs de la sous-section 2 relative aux locaux commerciaux et non de la sous-section 1 relative aux locaux à usage de bureaux, a pour seul objet de commenter la portée des dispositions de l'article 231 ter du code général des impôts qui soumettent à la taxe les locaux commerciaux et non de préciser le régime applicable aux locaux qui, en vertu de la loi, ont le caractère de locaux à usage de bureaux ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à demander l'annulation des articles 1 à 3 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que les locaux d'une agence bancaire dans lesquels des prestations de service de nature commerciale sont effectuées sont imposables dans la catégorie des locaux commerciaux mentionnée au 2° du III de l'article 231 ter du code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que les locaux occupés par les conseillers financiers de l'agence en cause, alors même qu'ils seraient séparés par des cloisons des autres zones de l'agence, sont utilisés pour la réalisation de prestations de service de nature commerciale auprès du public intéressé et que le local occupé par le directeur de l'agence est également utilisé à des fins de réception de la clientèle ; que l'ensemble de ces locaux entrent ainsi dans la catégorie des locaux commerciaux définie au 2° du III de l'article 231 ter du code général des impôts ; que la superficie de ces locaux étant inférieure au seuil de 2 500 m² prévu par le 3° du V de l'article 231 ter du même code, ils sont exonérés de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage perçue dans la région Ile-de- France ; qu'il suit de là, d'une part, que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Crédit Industriel et Commercial de la taxe à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 à raison des locaux de cette agence occupés par ces conseillers et, d'autre part, que cette société est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette taxe, pour la part correspondant au local occupé par le directeur ;

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 4 500 euros à verser à la société Crédit Industriel et Commercial, a titre des frais exposés par elle devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt du 17 décembre 2009 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : Le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 3 : La société Crédit Industriel et Commercial, venant aux droits de la société civile des succursales du Crédit Industriel et Commercial, est déchargée de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage perçue dans la région Ile-de-France à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'année 2002 à concurrence de la somme correspondant au local occupé par le directeur de l'agence bancaire située au 64, rue de la Chaussée d'Antin à Paris (9ème arrondissement).

Article 4 : Le jugement du 20 mars 2008 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à la société Crédit Industriel et Commercial la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Crédit Industriel et Commercial.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 336765
Date de la décision : 30/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2011, n° 336765
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : BALAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:336765.20110330
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