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05/04/2011 | FRANCE | N°347949

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 05 avril 2011, 347949


Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme B...L..., M. J...L..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Laura-MariaL..., BobiL..., et Gheorghe-Iulian Gabor, M. O...X..., Mme A...X..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leurs enfants mineurs Catalin-LucianX..., AnamariaX..., Sarah-AlexandraX..., Alexandru-AdrianX..., Mme AG...C...agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son enfant mineur AU...C..

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Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme B...L..., M. J...L..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Laura-MariaL..., BobiL..., et Gheorghe-Iulian Gabor, M. O...X..., Mme A...X..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leurs enfants mineurs Catalin-LucianX..., AnamariaX..., Sarah-AlexandraX..., Alexandru-AdrianX..., Mme AG...C...agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son enfant mineur AU...C..., M. M...O..., Mme S...N..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Paulina O...et Paul-CornelO..., M. AD...O..., Mme AQ...O..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leur enfant mineur AV...O..., M. G...AN..., Mme AE...O..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leur enfant mineure AX...AN..., M. AP...V...et Mme R...K..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leurs enfants mineures Geanina-PersidaV..., ElenaV..., Maria Olguta, M. AF...P...et Mme AA...K..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leurs enfants mineures SaraK..., NataliaP..., GeorginaP..., Mme D...K..., Mme S...O..., Mme Z...W...et M. AB...P..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leurs enfants mineurs Nicolae-Silviu P...et Constantin-RicardoP..., M. AR...AJ...et Mme AS...AJ..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leurs enfants mineurs Stivan Emilov et Simona Ivanova, Mme AC...AM..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Tinito U...et Zlatka Angelova, M. E...U..., Mme F...Q..., M. AC...AH..., Mme AT...AI..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Sevda, Svelta, Sashka, Milena, M. AW...AJ...I..., M. T...Y...et Mme H...Y..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentante légale de leurs enfants mineurs Tranian-Stefan Y...et Sava-NicolaeY..., Mme AK...AO..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Tercuta AO...et Larisa-CireasaY..., élisant domicile ...( ; Mme L...et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102189 du 22 mars 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 mars 2011 du préfet de la Seine-Saint-Denis ayant fait commandement à l'ensemble des habitants d'un terrain situé le long du chemin de halage sur les communes de Bobigny et Noisy-le-Sec de quitter et libérer ce lieu au plus tard dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'acte ;

2°) de suspendre l'exécution de cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que l'ordonnance attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ; que la procédure suivie par le préfet permet l'exécution d'office d'une mesure d'évacuation forcée qui porte une atteinte grave à l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, telles que la liberté d'aller et venir, composante de la liberté personnelle, et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la déclaration de 1789 ; que, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, en l'absence de garantie tenant à l'existence d'un recours suspensif préalable, la mise en oeuvre d'une telle procédure s'avère manifestement illégale, faute d'assurer une conciliation entre la nécessité de sauvegarder l'ordre public et les droits et libertés constitutionnellement garantis ; que les imprécisions concernant le terrain concerné entachent l'arrêté litigieux d'une illégalité et ne permettent pas de vérifier la compétence du préfet ainsi que le champ d'application de l'arrêté ; que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte grave et manifeste à leur droit à une vie privée et familiale normale et à l'intérêt supérieur de leurs enfants ; que la mesure d'évacuation prise par l'arrêté n'est ni adéquate ni proportionnée ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 mars 2011, présenté pour Mme L... et autres, qui reprennent les conclusions de leur requête et les mêmes moyens et produisent de nouvelle pièces ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête est irrecevable dès lors qu'elle a été transmise au Conseil d'Etat, par voie de télécopie, le 29 mars 2011 à 15 h 12, soit après l'exécution totale de l'arrêté d'évacuation ; que la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet, la décision administrative vise à préserver un impératif de sécurité publique compte tenu des risques graves d'électrocution ou d'incendie liés au comportement imprudent des occupants du campement ; que l'ordonnance attaquée est suffisamment motivée ; que l'arrêté contesté n'est pas fondé sur les dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de sécurité intérieure mais sur celle du 1° de l'article L. 2215-3 du code général des collectivités territoriales ; que la condition tenant à l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n'est pas remplie ; que les requérants n'ont pas été privés de leur droit au recours effectif et ont eu la possibilité de saisir le juge des référés ; que, si l'arrêté préfectoral ne précise pas les parcelles cadastrées visées par l'évacuation, les termes de sa décision sont suffisamment explicites pour localiser le campement visé ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis était compétent pour prendre une mesure de police administrative, le campement se situant sur le territoire de deux communes ; que l'arrêté préfectoral n'est fondé que sur les risques pour la sécurité des personnes qui justifient qu'il soit procédé, en urgence et d'office, à l'évacuation ; que cette mesure était nécessaire et proportionnée afin d'assurer la sécurité des occupants compte tenu des dangers encourus ; que l'arrêté préfectoral ne porte pas une atteinte grave et manifeste aux droits des requérants à mener une vie privée et familiale normale, à l'intérêt supérieur de leurs enfants, à leur liberté d'aller et venir dès lors que la mesure d'évacuation a été réalisée pour protéger leur sécurité et celle de leur voisinage et que leur vie privée et familiale normale peut se poursuivre à un autre endroit et n'empêche pas la scolarisation de leur enfants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B...L...et autres, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 1er avril 2011 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;

- les représentantes des requérants ;

- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu les nouvelles pièces produites au cours de l'audience ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. " ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : (...) / 3° Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune (...) " ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris le 16 mars 2011 un arrêté faisant commandement à l'ensemble des occupants d'un terrain situé le long du chemin de halage sur les communes de Bobigny et Noisy-le-Sec de quitter et libérer ce lieu au plus tard dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'acte ; que les occupants de ce terrain ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, pour demander la suspension de cet arrêté ; qu'ils font appel de l'ordonnance rejetant cette demande ;

Considérant, en premier lieu, que l'absence de texte prévoyant un recours suspensif contre l'arrêté préfectoral contesté est sans incidence sur l'office du juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, dès lors qu'il appartient à ce juge d'ordonner dans de brefs délais toute mesure nécessaire à la protection des libertés fondamentales auxquelles une atteinte grave et manifestement illégale aurait été apportée ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté désigne le campement implanté sur le chemin de halage situé sur les communes de Bobigny et de Noisy-le-Sec, près du rond point de Bondy, place Saint-Just ; que cette désignation est suffisamment précise, sans qu'il ait été besoin de préciser les parcelles cadastrales concernées ; que le champ d'application de l'arrêté excédant le territoire d'une commune, le préfet était compétent en vertu du 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que depuis le mois de décembre 2010, des branchements frauduleux ont été effectués par les occupants du campement concerné par l'arrêté contesté ; que si les services d'ERDF sont intervenus à plusieurs reprises, dont au moins une fois en présence d'un interprète, les branchements frauduleux ont été systématiquement réinstallés après leur départ ; qu'une plainte a été déposée par ERDF auprès du procureur de la République le 14 janvier 2011 ; que les branchements en cause, situés en amont et à proximité de l'alimentation d'un poste de transport de gaz, présentaient d'une part un danger d'électrocution et d'incendie, et d'autre part un risque résultant de la baisse de tension d'alimentation du poste de gaz rendant inopérant le système de protection de ce poste permettant de couper le gaz en cas de danger ; qu'un autre campement situé à proximité, comportant lui aussi des branchements frauduleux, a été détruit par un incendie le 14 mars 2011 ; que dans ces conditions, compte tenu de la gravité des risques encourus, et alors qu'il n'apparaît pas que des tentatives de médiation aient été de nature à prévenir efficacement ces risques, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une méconnaissance manifeste des conditions de nécessité et de proportionnalité au regard des exigences de la sécurité publique ; qu'eu égard à la nécessité de sécurité publique justifiant l'arrêté contesté, et alors même qu'il implique le départ des occupants du campement, notamment des enfants scolarisés, cet arrêté ne porte pas une atteinte manifestement illégale à leur liberté d'aller et venir, à leur vie privée et à l'intérêt supérieur des enfants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, que Mme L...et les autres occupants du campement ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée ; que par suite leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de Mme L...et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...L...et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Les autres requérants seront informés de la présente ordonnance par Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-035-03-04-01 PROCÉDURE. PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. RÉFÉRÉ TENDANT AU PRONONCÉ DE MESURES NÉCESSAIRES À LA SAUVEGARDE D'UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE (ART. L. 521-2 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. MESURES SUSCEPTIBLES D'ÊTRE ORDONNÉES PAR LE JUGE DES RÉFÉRÉS. - ARRÊTÉ PRÉFECTORAL ORDONNANT L'ÉVACUATION DE TERRAINS - ABSENCE DE TOUTE DISPOSITION PRÉVOYANT UN RECOURS SUSPENSIF CONTRE UN TEL ARRÊTÉ - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE SUR L'OFFICE DU JUGE DES RÉFÉRÉS STATUANT SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L. 521-2 DU CJA.

54-035-03-04-01 L'absence de texte prévoyant un recours suspensif contre l'arrêté préfectoral ordonnant aux occupants d'un terrain de l'évacuer sous 48 heures est sans incidence sur l'office du juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), dès lors qu'il appartient à ce juge d'ordonner dans de brefs délais toute mesure nécessaire à la protection des libertés fondamentales auxquelles une atteinte grave et manifestement illégale aurait été apportée.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 avr. 2011, n° 347949
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 05/04/2011
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 347949
Numéro NOR : CETATEXT000023853387 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-04-05;347949 ?
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