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19/04/2011 | FRANCE | N°332177

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 19 avril 2011, 332177


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 13 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nazir C et M. Sher B, demeurant ... et M. Mohammed A, demeurant ... ; Mme C, M. B et M. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme C et de M. B dirigé contre la décision du 13 mai 2009 par laquelle le consul général de France à Islamabad

(Pakistan) a refusé de leur délivrer des visas d'entrée en France et d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 13 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nazir C et M. Sher B, demeurant ... et M. Mohammed A, demeurant ... ; Mme C, M. B et M. A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme C et de M. B dirigé contre la décision du 13 mai 2009 par laquelle le consul général de France à Islamabad (Pakistan) a refusé de leur délivrer des visas d'entrée en France et de long séjour au titre du regroupement familial ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à titre principal, de délivrer les visas sollicités, à titre subsidiaire, de réexaminer la demande de visas, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme C et autres,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de Mme C et autres,

Considérant que Mme C, M. B et M. A demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme C et de M. B dirigé contre la décision du 13 mai 2009 par laquelle le consul général de France à Islamabad a refusé de leur délivrer des visas d'entrée en France et de long séjour au titre du regroupement familial ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la venue en France de Mme C et de M. B a été autorisée au titre du regroupement familial par une décision du préfet du Val-d'Oise du 17 décembre 2008 ; que, lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter les demandes de visas dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes de mariage ou de filiation produits ;

Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle concerne Mme C :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour confirmer le refus de visa opposé à Mme C, la commission de recours a estimé que l'acte de mariage de l'intéressée et de M. A était apocryphe ; que, toutefois, si l'administration met en cause l'exactitude de la date de la célébration, elle ne conteste pas la réalité du mariage ; que les autres mentions portées sur l'acte de mariage sont corroborées par celles figurant sur l'acte de naissance de Mme C, dont l'authenticité n'est pas contestée, et sur le titre de séjour de M. A ; qu'ainsi, la commission de recours a commis une erreur d'appréciation en fondant sa décision sur l'absence de sincérité du mariage des requérants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation du refus de visa attaqué en tant qu'il concerne Mme C ;

Considérant que l'annulation de la décision en tant qu'elle concerne Mme C implique nécessairement la délivrance à l'intéressée du visa sollicité ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire délivrer à Mme C ce visa dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle concerne M. B :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 211-2, 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat [...] 4° Bénéficiaires d'une autorisation de regroupement familial ; ; que si, en vertu de ces dispositions, la décision de refus de visa opposée à M. B, ressortissant pakistanais bénéficiant d'une autorisation de regroupement familial, devait en principe être motivée, il ressort des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 qu'une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation ; que dans cette hypothèse, l'article 5 de la même loi prévoit qu'à la demande de l'intéressé, les motifs de toute décision implicite de rejet doivent lui être communiqués dans le mois suivant cette demande ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait demandé à la commission de recours la communication des motifs du refus implicite de sa demande de visa ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision implicite attaquée ne saurait être retenu ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, pour confirmer le refus de visa opposé à M. B, la commission de recours a estimé que les documents produits à l'appui de la demande de visa étaient apocryphes ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'acte de naissance et le certificat de scolarité produits à l'appui des demandes de regroupement familial et de visa indiquaient que M. B était né en 1991, ce qui lui permettait de bénéficier du regroupement familial ; que, toutefois, les vérifications effectuées tant par l'intermédiaire d'un avocat agréé auprès du consulat général de France à Islamabad qu'à partir d'un autre acte de naissance produit par le ministre en défense et dont l'authenticité a été confirmée par les autorités locales au Pakistan font apparaître que M. B est né en 1987 ; que, dans ces conditions, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'inexactitude matérielle des faits et n'a commis ni erreur d'appréciation ni erreur de droit en se fondant sur l'inauthenticité des documents produits ;

Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu de l'âge du requérant et de la circonstance que sa mère n'est pas dans l'impossibilité de lui rendre visite au Pakistan, la commission de recours n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant la décision contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle concerne M. B ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, et dans cette mesure, de rejeter leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardée, dans la présente instance, comme la partie perdante, le versement aux requérants de la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée en tant qu'elle refuse un visa d'entrée et de long séjour en France à Mme C.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire délivrer à Mme C un visa d'entrée et de long séjour en France dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C, M. B et M. A la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Nazir C, à M. Sher B, à M. Mohammed A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 332177
Date de la décision : 19/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 avr. 2011, n° 332177
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Maugüé
Rapporteur ?: M. Pierre Chaubon
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:332177.20110419
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