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04/05/2011 | FRANCE | N°338677

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 04 mai 2011, 338677


Vu le pourvoi, enregistré le 15 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT02087 - 09NT02088 du 5 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement n° 0602969 - 0604165 du 25 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 29 novembre 2005 de son maire demandant au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan de prendr

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Vu le pourvoi, enregistré le 15 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NT02087 - 09NT02088 du 5 février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement n° 0602969 - 0604165 du 25 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 29 novembre 2005 de son maire demandant au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan de prendre en charge Mme Joëlle A et lui a enjoint de la réintégrer dans les effectifs de la commune et, d'autre part, a annulé cette décision et lui a enjoint de réintégrer Mme A au sein de ses effectifs ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes de Mme A et du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan ;

3°) de mettre à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabrice Aubert, Auditeur,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE et de la SCP Gaschignard, avocat du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat de la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE et à la SCP Gaschignard, avocat du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : (...) dans les litiges énumérées aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en va de même pour les litiges visés aux 2° et 3° de cet article, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; que les dispositions du 2° de l'article R. 222-13 concernent les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 351-2 du même code : Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A, adjoint administratif principal de 2ème classe de la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE, a été mise à disposition de l'organisme de gestion de l'office du tourisme de la communauté d'agglomération Cap L'Orient le 8 février 2004 ; que Mme A a sollicité et obtenu sa réintégration dans les effectifs de la commune ; que toutefois par une délibération du 22 décembre 2004, le conseil municipal a prononcé la suppression de l'emploi précédemment occupé par l'intéressée, au motif que la compétence tourisme était désormais confiée à la communauté d'agglomération, et a placé Mme A en position de surnombre dans les effectifs de la commune ; qu'au terme d'une année de placement en surnombre, le maire de Larmor-Plage a demandé, par un courrier du 29 novembre 2005, la prise en charge de l'intéressée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan, en application des dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 ; que Mme A et le centre de gestion ont demandé l'annulation de cette décision au tribunal administratif de Rennes, qui, après jonction de leurs requêtes, a fait droit à leurs conclusions par un jugement du 25 juin 2009 ;

Considérant que le litige ainsi soumis au tribunal administratif ne portait pas sur une mesure disciplinaire, ni sur l'entrée ou la sortie du service, Mme A ayant été prise en charge par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan sans qu'il soit mis fin à sa carrière administrative ; que les demandes présentées au tribunal ne comportaient aucune conclusion tendant au versement ou à la décharge d'une somme supérieure au montant défini par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; que, par suite, le litige ressortissait à la compétence en premier et dernier ressort du tribunal administratif ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Nantes était incompétente pour statuer sur le jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 juin 2009 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son arrêt du 5 février 2010 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu de regarder les conclusions présentées par la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE devant la cour administrative d'appel de Nantes comme des conclusions de cassation dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 juin 2009 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable au présent litige : I. - Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique paritaire. Le délégué régional ou interdépartemental du Centre national de la fonction publique territoriale pour un emploi de catégorie A, et le président du centre de gestion, pour un emploi de catégories B et C, dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement sont rendus destinataires, en même temps que les représentants du comité technique paritaire, du procès-verbal de la séance du comité technique paritaire concernant la suppression de l'emploi. Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité ou l'établissement lui est proposé en priorité ; la collectivité ou l'établissement, (...) et le centre de gestion examinent, chacun pour ce qui le concerne, les possibilités de reclassement. Est également étudiée la possibilité de détachement du fonctionnaire sur un emploi équivalent d'un autre cadre d'emplois au sein de la même collectivité ou de l'établissement. Au terme de ce délai, le fonctionnaire de catégorie A est pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale et le fonctionnaire de catégorie B ou C par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement (...) ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 juin 2009, en tant qu'il statue sur la demande du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que par une lettre du 29 novembre 2005, le maire de Larmor-Plage a indiqué au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan qu'aucun emploi n'avait pu être proposé à Mme A au terme d'un an de placement en surnombre dans les effectifs de la commune et a demandé sa prise en charge ; que la mise à disposition de l'intéressée auprès du centre de gestion, de plein droit en vertu des dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 2004, ne pouvait toutefois intervenir sans que la commune en fît la demande ; qu'ainsi le tribunal n'a pas inexactement qualifié cette correspondance d'acte faisant grief et n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs en reconnaissant à la fois que la prise en charge de l'intéressée découlait nécessairement des dispositions la loi du 26 janvier 2004 et que la lettre du maire de Larmor-Plage du 29 novembre 2005 présentait un caractère décisoire ;

Considérant, d'autre part, que le tribunal n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la commune n'était pas dans l'impossibilité de reclasser Mme A dans un poste correspondant à son grade eu égard à ses tableaux d'effectifs, faisant notamment mention de la transformation en poste permanent, au 1er janvier 2006, d'un emploi occupé par agent administratif (catégorie C) dans le secteur culturel et à l'avis de la commission administrative paritaire, d'une part, défavorable à la suppression de l'emploi de Mme A et à son maintien en surnombre et, d'autre part, faisant état d'emplois municipaux non pourvus et d'un détachement envisageable de l'intéressée dans une autre filière ; qu'il suit de là que le tribunal administratif de Rennes n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son jugement de dénaturation en estimant que la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE n'établissait pas avoir sérieusement examiné les possibilités de reclassement ou de détachement de Mme A et avait ainsi méconnu les dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions du pourvoi tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 juin 2009, en tant qu'il statue sur la demande du centre de gestion de la fonction publique territoriales du Morbihan doivent être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Rennes du 25 juin 2009, en tant qu'il statue sur la demande de Mme A :

Considérant, que le tribunal a accueilli cette demande sans examiner la fin de non-recevoir, tirée de l'absence de moyens de droit, que lui opposait la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE ; que celle-ci est dès lors fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation et doit être annulé, en tant qu'il statue sur cette demande ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du 25 juin 2009 est devenu définitif en tant que, statuant sur la demande du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan, il a annulé la lettre du 29 novembre 2005 du maire de Larmor-Plage et enjoint à la commune de réintégrer Mme A dans ses effectifs ; que les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par Mme A sont dès lors devenues sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer ; qu'il en va de même des conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement présentées par la commune ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune le versement au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 5 février 2010 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : Le jugement du 25 juin 2009 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de Mme A.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de première instance de Mme A, ni sur les conclusions de la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE tendant au sursis à exécution du jugement du 25 juin 2009 du tribunal administratif de Rennes.

Article 4 : La COMMUNE DE LARMOR-PLAGE versera au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE LARMOR-PLAGE devant le Conseil d'Etat et devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE LARMOR- PLAGE, au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan et à Mme Joëlle A.

Copie en sera adressée, pour information, à la Communauté d'agglomération du pays de Lorient.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 338677
Date de la décision : 04/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-05-012 COMPÉTENCE. COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE. COMPÉTENCE EN PREMIER ET DERNIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS. - NOTION DE « SORTIE DU SERVICE » (ART. R. 222-1 CJA, 2°) - PRISE EN CHARGE D'UN AGENT PUBLIC PAR UN CENTRE DE GESTION DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE À LA SUITE DE LA SUPPRESSION DE SON EMPLOI - EXCLUSION [RJ1].

17-05-012 La prise en charge d'un agent public par un centre de gestion de la fonction publique territoriale à la suite de la suppression de l'emploi qu'il occupait ne constitue pas une « sortie du service » au sens du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative (CJA). Par suite et vertu de ces dispositions combinées à celles de l'article R. 811-1 du même code, le jugement statuant sur un litige relatif à une telle prise en charge n'est, en l'absence de conclusion tendant au versement ou à la décharge d'une somme supérieure au montant défini par les articles R. 222-14 et R. 222-15, pas susceptible d'appel.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour la fin du détachement sur un emploi fonctionnel, CE, 25 novembre 2009, M. Dross, n° 305682, T. pp. 674-675-816-905-908.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 mai. 2011, n° 338677
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Fabrice Aubert
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP BOUTET ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:338677.20110504
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