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12/05/2011 | FRANCE | N°348774

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 12 mai 2011, 348774


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS (GISTI), dont le siège est situé 3, Villa Marcès à Paris (75011) ; le GISTI demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la circulaire n° NOR IOVC1108038C du 23 mars 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, relati

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Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS (GISTI), dont le siège est situé 3, Villa Marcès à Paris (75011) ; le GISTI demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la circulaire n° NOR IOVC1108038C du 23 mars 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, relative aux conséquences à tirer de l'avis contentieux du Conseil d'Etat du 21 mars 2011 sur la directive retour ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour apprécier la légalité de la circulaire attaquée ; que la requête est recevable comme dirigée contre une circulaire impérative, dont il a intérêt, compte tenu de son objet statutaire, à demander l'annulation et qui n'a pas fait l'objet d'une publication de nature à faire courir le délai de recours contentieux ; que l'urgence est constituée dès lors que la circulaire a été appliquée en série dès sa diffusion aux préfets, que le différé d'exécution des arrêtés de reconduite qu'elle prescrit a pour effet de rendre définitifs des arrêtés faute de recours exercé dans le délai, que l'application directe de la directive qu'elle prévoit est contraire au droit de l'Union européenne et que son application a un impact sur l'assistance apportée aux étrangers par le GISTI dans le cadre de ses permanences ; qu'il existe un doute sérieux sur la légalité de la circulaire contestée ; qu'en effet, cette dernière prescrit son application immédiate en méconnaissance du décret du 8 décembre 2008 faute de mise en ligne sur le site prévu par ce décret ; que les termes du point 4 de la circulaire, s'agissant de la mise en oeuvre des obligations de quitter le territoire français, de l'exécution d'office des arrêtés de reconduite à la frontière après un délai de 7 jours révolus et du placement en rétention passé ce même délai, méconnaissent les articles 7, 8 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ; que la circulaire fait une application directe verticale descendante des termes de l'article 7 de la directive qui est contraire au droit de l'Union européenne et à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Vu la circulaire dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS ;

Vu le mémoire en intervention, enregistré le 5 mai 2011, présenté par la Cimade, dont le siège est situé 64, rue Clisson à Paris (75013), qui tend aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ; elle soutient avoir intérêt à agir en raison de son objet statutaire ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les associations requérante et intervenante n'ont pas un intérêt suffisant pour être recevable à demander la suspension de l'exécution de la circulaire contestée ; que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que l'application de la circulaire litigieuse n'est pas par elle-même susceptible d'affecter de manière suffisamment grave et immédiate les intérêts que l'association requérante entend défendre, les prescriptions de la circulaire se révélant favorables pour les étrangers susceptibles de faire l'objet d'une mesure de reconduite ; que le nombre des mesures de reconduite exécutées est en baisse notable depuis l'expiration du délai de transposition ; que le projet de loi de transposition est en voie d'adoption, après avoir été examiné par une commission mixte paritaire le 4 mai 2011 ; qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire contestée ; que la circulaire a été mise en ligne sur le site prévu par le décret du 8 décembre 2008 le 28 avril 2011, la circonstance qu'elle ait pu être appliquée avant cette date de mise en ligne étant sans incidence sur la légalité de la circulaire ; que le délai d'un mois laissé avant l'exécution d'office d'une obligation de quitter le territoire français est conforme à l'article 7 de la directive ; que la circulaire n'interdit pas aux préfets de proroger ce délai ; que la circulaire n'a pas pour objet ou pour effet d'empêcher les préfets d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à 7 jours lorsqu'ils prennent un arrêté de reconduite à la frontière ; que le report de l'exécution d'office de l'arrêté de reconduite permet de satisfaire l'exigence de laisser un délai de départ volontaire ; que la circulaire ne prescrit pas le placement en rétention à l'expiration du délai de 7 jours, lequel ne peut intervenir que dans les conditions de droit commun ; que la circulaire ne conduit pas à une application directe de la directive qui serait contraire au droit de l'Union européenne ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n°2008-1281 du 8 décembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Vu le procès-verbal de l'audience du 10 mai 2011 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- le représentant du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS ;

- le représentant de la Cimade ;

- les représentants du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que le Parlement européen et le Conseil ont adopté, le 16 décembre 2008, la directive 2008/115/CE relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que le délai imparti aux Etats membres pour transposer cette directive expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010 ; qu'à la suite de l'avis rendu le 21 mars 2011 par le Conseil d'Etat, saisi par le tribunal administratif de Montreuil sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, quant à la portée et l'applicabilité, en l'absence de mesures de transposition, des articles 7 et 8 de la directive, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a adressé, le 23 mars 2011, au préfet de police et aux préfets une circulaire dont l'objet était de préciser les conséquences à tirer, à titre transitoire, de l'avis du Conseil d'Etat du 21 mars 2011 dans l'attente de la transposition de l'ensemble de la directive que permettra l'adoption prochaine, par le Parlement, du projet de loi relatif à l'immigration, l'intégration et la nationalité ; que le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS, qui a formé un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de cette circulaire, demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution de certains des termes de cette instruction ;

Sur l'intervention :

Considérant que la Cimade a intérêt à la suspension de l'exécution de la circulaire contestée ; qu'ainsi son intervention au soutien de la requête du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS est recevable ;

Sur les conclusions à fin de suspension :

Considérant qu'aux termes de l'article 7, relatif au départ volontaire , de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; qu'il résulte clairement de cet article 7, ainsi que l'a indiqué l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 21 mars 2011, qu'une décision de retour doit indiquer le délai, approprié à chaque situation, dont dispose le ressortissant d'un pays tiers pour quitter volontairement le territoire national, sans que ce délai puisse être inférieur à sept jours, sauf dans les cas prévus au paragraphe 4 de cet article, ni être supérieur à trente jours, à moins que des circonstances propres à la situation de l'étranger ne rendent nécessaire une prolongation de ce délai, comme le prévoit le paragraphe 2 du même article ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la directive, intitulé éloignement : 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ; qu'il résulte clairement de cet article que les États membres prennent toutes les mesures pour mettre à exécution une décision de retour ne comportant, lorsque cela est autorisé, aucun délai ou lorsque le délai laissé au ressortissant de pays tiers est expiré, à moins que l'un des risques mentionnés à l'article 7, paragraphe 4, n'apparaisse au cours de ce délai, auquel cas la décision de retour peut être immédiatement exécutée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la directive, intitulé rétention : 1. A moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque : / a) il existe un risque de fuite, ou / b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. / Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise (...) ;

Considérant, ainsi que l'a indiqué l'avis du Conseil d'Etat rendu le 21 mars 2011, que les articles 7 et 8 de la directive énoncent des obligations en des termes non équivoques, qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à l'intervention d'aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des États membres ; qu'il s'ensuit que ces articles, en particulier en ce que l'article 7 prévoit que doit être laissé un délai approprié pour permettre à un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement de quitter volontairement le territoire national, sont susceptibles d'être directement invoqués et de faire ainsi l'objet d'une application directe à leur bénéfice ; qu'en revanche, aussi longtemps que n'ont pas été fixés, conformément à ce que prévoient les dispositions du 7) de l'article 3 de la directive, les critères objectifs sur la base desquels doit être appréciée l'existence d'un risque de fuite , la faculté prévue par le paragraphe 4 de l'article 7 dans une telle hypothèse de fixer un délai inférieur à sept jours ou de ne pas accorder de délai de départ volontaire n'est pas, en l'absence de transposition, susceptible d'être mise en oeuvre directement par les autorités administratives ;

Considérant que la circulaire contestée a pour objet de préciser à l'intention des préfets, après l'intervention de l'avis du Conseil d'Etat et pour la période transitoire courant jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions législatives assurant la transposition de la directive, les conditions dans lesquelles certaines mesures d'éloignement peuvent continuer d'être prises dans le respect des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises des articles 7 et 8 de la directive ; qu'en particulier elle prescrit à cet effet de laisser aux étrangers qui sont susceptibles, conformément à l'article 7 de la directive, d'en revendiquer le bénéfice, un délai pour quitter volontairement le territoire national ; qu'elle interdit d'opposer le risque de fuite pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire d'au moins sept jours ; qu'en apportant ces précisions, de façon à faire bénéficier, dans l'attente de la transposition et de façon générale, les étrangers faisant l'objet de mesures d'éloignement du délai de départ volontaire prévu par la directive, la circulaire n'a pas manifestement méconnu les exigences qui découlent du droit de l'Union européenne ; que le moyen tiré de l'impossibilité pour une autorité nationale de prescrire aux autorités administratives de faire directement application de la directive en l'absence de transposition n'est, par suite, pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la circulaire contestée ;

En ce qui concerne le point 4. a) de la circulaire :

Considérant que cette partie de la circulaire indique aux préfets qu'il n'y a pas lieu de modifier leur pratique en ce qui concerne les obligations de quitter le territoire faisant suite à un refus de séjour, au motif que le droit en vigueur est déjà conforme à la directive en ce qu'il prévoit un délai d'un mois pour permettre un retour volontaire ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la circulaire contestée : L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa ; qu'aux termes du troisième alinéa du même I : L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration ;

Considérant que ces dispositions laissent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'un tel délai d'un mois est en tout état de cause égal ou supérieur à la durée de 30 jours prévue par l'article 7 de la directive à titre de limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire ; que les dispositions de l'article L. 511-1 ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'apparaissent pas manifestement incompatibles avec les objectifs des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces articles de la directive n'est pas de nature à faire sérieusement douter de la légalité du point 4. a) de la circulaire contestée ;

En ce qui concerne le point 4. c) de la circulaire

Considérant que cette partie de la circulaire donne instruction aux préfets, s'agissant des arrêtés de reconduite à la frontière susceptibles d'être pris en vertu du 1°, du 2° et du 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ne pas procéder à l'exécution d'office de tels arrêtés avant un délai de sept jours révolus à compter de la notification de la décision, pour laisser à l'intéressé un délai de départ volontaire conforme à la directive et de mentionner dans l'arrêté, pour respecter la directive, que la mise à exécution de la mesure d'éloignement est différée ; que la circulaire précise, en conséquence, que les étrangers concernés ne pourront ni être placés en rétention ni être assignés à résidence avant l'expiration du délai ainsi laissé, la mesure d'éloignement n'étant pas exécutoire durant cette période, et que ce n'est qu'une fois ce délai expiré que les étrangers pourront être placés en rétention administrative dans les conditions de droit commun ou assignés à résidence sur le fondement de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant en premier lieu, ainsi que l'a indiqué l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 21 mars 2011, que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que, toutefois, les dispositions de la directive ne font pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, à la condition que cette mesure soit assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé, lequel doit nécessairement, dans l'attente de la transposition, être supérieur à sept jours ;

Considérant que le point 4. c) de la circulaire entend prescrire aux préfets, à titre transitoire dans l'attente de l'entrée en vigueur de la loi procédant à la transposition de la directive, de ne pas procéder à l'exécution d'office d'un arrêté de reconduite à la frontière avant l'expiration d'un délai de départ volontaire, conforme à la directive, devant être mentionné dans l'arrêté ; qu'un tel report d'exécution revient nécessairement à laisser à l'étranger qui fait l'objet de la mesure un délai pour quitter volontairement le territoire national comme le prévoit la directive ; que si la circulaire ne fait état que d'un délai de sept jours révolus, cette indication, donnée à titre illustratif, n'a pas pour objet et ne pourrait avoir légalement pour effet de priver les préfets de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation pour déterminer, dans chaque cas au vu de la situation de la personne concernée, le délai approprié prévu par la directive pour un retour volontaire, délai compris entre sept et trente jours et susceptible, en cas de nécessité, d'être prolongé, conformément aux paragraphes 1 et 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, la circulaire, qui vise à permettre aux étrangers de bénéficier du délai de départ volontaire prévu par les dispositions précises et inconditionnelles de l'article 7 de la directive après l'expiration du délai de transposition, n'apparaît pas traduire de méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit de l'Union européenne ; que, par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance des articles 7 et 8 de la directive ainsi que de l'impossibilité pour une autorité nationale de prescrire aux autorités administratives de faire directement application de l'article 7 de la directive ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ces termes de la circulaire contestée ;

Considérant, en second lieu, que le point 4. c) de la circulaire se borne, pour le surplus de ce qui en est contesté, à préciser qu'un placement en rétention administrative ou une assignation à résidence ne pourront intervenir qu'après l'expiration du délai laissé pour le départ volontaire ; qu'en apportant cette seule précision afin d'expliciter les conséquences qui s'attachent au délai de départ volontaire et en relevant, d'ailleurs, que le placement en rétention ne pourra intervenir que dans les conditions de droit commun, la circulaire n'a pas prescrit de procéder au placement en rétention dans des conditions qui seraient contraires à ce que prévoit l'article 15 de la directive ; qu'elle n'a pas non plus entendu rappeler, ce qu'elle n'était nullement tenue de faire, l'ensemble des conditions selon lesquelles le placement en rétention administrative peut être décidé ou mis à exécution ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette partie de la circulaire conduirait à des placements en rétention prohibés par l'article 15 de la directive n'est pas de nature à faire sérieusement douter de sa légalité ;

En ce qui concerne l'applicabilité de la circulaire :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la circulaire contestée a fait l'objet, le 28 avril 2011, d'une mise en ligne sur le site internet prévue par le décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ; que, par suite et en tout état de cause, eu égard à l'office du juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le moyen tiré de ce que les termes de la circulaire prescrivant son application immédiate méconnaîtraient, faute de mise en ligne préalable, les dispositions du décret du 8 décembre 2008 n'est pas de nature à justifier la suspension de l'exécution de la circulaire contestée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration non plus que de se prononcer sur la condition d'urgence, que le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution des termes critiqués de la circulaire qu'il conteste ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'intervention de la Cimade est admise.

Article 2 : La requête du GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRÉS, à la Cimade et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 348774
Date de la décision : 12/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2011, n° 348774
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:348774.20110512
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