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30/05/2011 | FRANCE | N°336134

France | France, Conseil d'État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 30 mai 2011, 336134


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la S.A.S VINLI, dont le siège est situé base de Garancière en Beauce lieudit Dièpe à Auneau (28700), représentée par son président directeur général en exercice ; la S.A.S VINLI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 octobre 2009 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial lui a refusé l'autorisation de créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 1 700 m² à l'enseigne Intermarché à

Escolives-Sainte-Camille (Yonne) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la so...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la S.A.S VINLI, dont le siège est situé base de Garancière en Beauce lieudit Dièpe à Auneau (28700), représentée par son président directeur général en exercice ; la S.A.S VINLI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 octobre 2009 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial lui a refusé l'autorisation de créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 1 700 m² à l'enseigne Intermarché à Escolives-Sainte-Camille (Yonne) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce, modifié notamment par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu l'arrêté du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Coulanges-la-Vineuse et autres,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Coulanges-la-Vineuse et autres,

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant que si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ; qu'en l'espèce, la commission nationale a satisfait à cette obligation ; que le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit donc être écarté ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement et de l'arrêté du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire que la sous-directrice du cadre de vie, dont l'acte de nomination a été publié au Journal officiel de la République française le 19 novembre 2008, avait de ce fait qualité pour signer au nom du ministre l'avis du 20 octobre 2009 recueilli par le commissaire du gouvernement au titre de l'article R. 752-51 du code de commerce ;

Sur la légalité interne :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, issu de la même loi du 4 août 2008 : Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. ; qu'aux termes de l'article R. 752-7 du même code, la demande d'autorisation est accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : (...) 3° La gestion de l'espace ; / 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; / 5° Les paysages et les écosystèmes (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

Considérant que, pour apprécier la conformité à ces dispositions du projet litigieux, la commission nationale a relevé, d'une part, que celui-ci compromettait la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire en ce qu'il était susceptible de nuire à l'animation de la vie rurale des communes avoisinantes et d'entraîner une augmentation significative des flux de transport, sans que la sécurité de la desserte routière puisse être regardée comme suffisante ni que des liaisons puissent être assurées par un réseau de transports en commun ; que la commission a retenu, d'autre part, la méconnaissance de l'objectif de développement durable du fait de la présence de captages d'eau à proximité du terrain d'assiette du projet, dont elle a pu légalement tenir compte au titre du critère de qualité environnementale énoncé par l'article L. 752-6 du code de commerce et précisé à l'article R. 752-7 du même code, et a également pris en considération la localisation du terrain en zone inondable, de nature à compromettre la protection des consommateurs ; que, dès lors, la commission nationale d'aménagement commercial, qui ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts, n'a pas commis d'erreur de droit ni fait une inexacte application de ces dispositions en refusant de faire droit à la demande d'autorisation présentée par la S.A.S VINLI ;

Considérant qu'il résulte tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la S.A.S VINLI n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la S.A.S VINLI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, en application de ces mêmes dispositions, le versement à la commune de Coulanges-la-Vineuse et autres de la somme globale de 3 500 euros ; qu'enfin, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre, dans un mémoire enregistré le jour de la séance publique, par les sociétés Les Etablissements Georges Schiever et fils et Mazagran services ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la S.A.S VINLI est rejetée.

Article 2 : La S.A.S VINLI versera à la commune de Coulanges-la-Vineuse et autres la somme globale de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions des sociétés Les Etablissements Georges Schiever et fils et Mazagran services tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A.S VINLI, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la société Les Etablissements Georges Schiever et fils , à la société Mazagran services , à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la commune de Coulanges-la-Vineuse, premier défendeur dénommé. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Nicolaÿ, de La Nouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03 COMMERCE, INDUSTRIE, INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. RÉGLEMENTATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES. ACTIVITÉS SOUMISES À RÉGLEMENTATION. URBANISME COMMERCIAL. RÈGLES DE FOND. - CADRE D'EXAMEN DES DEMANDES D'AUTORISATION D'AMÉNAGEMENT COMMERCIAL APRÈS L'INTERVENTION DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008 - APPRÉCIATION LIMITÉE AUX CRITÈRES D'ÉVALUATION MENTIONNÉS À L'ARTICLE L. 752-6 DU CODE DE COMMERCE, PRÉCISÉS À L'ARTICLE R. 752-7 DU MÊME CODE - CRITÈRES À PRENDRE EN COMPTE POUR APPRÉCIER LA QUALITÉ ENVIRONNEMENTALE DU PROJET [RJ1].

14-02-01-05-03 Il résulte de la combinaison des dispositions du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles de l'article L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce, et précisés à l'article R. 752-7 du même code. Au titre du critère de la qualité environnementale du projet énoncé par l'article L. 752-6 et précisé à l'article R. 752-7, la commission doit tenir compte non pas de la seule conception de l'aménagement envisagé, mais, de façon générale, de l'ensemble des questions environnementales que pose le projet.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 23 décembre 2010, SARL ELysée Vernet, n° 337268, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation: CE, 30 mai. 2011, n° 336134
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Bruno Bachini
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Formation : 4ème et 5ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/05/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 336134
Numéro NOR : CETATEXT000024448203 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-05-30;336134 ?
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