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08/06/2011 | FRANCE | N°310524

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 08 juin 2011, 310524


Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 8 novembre 2007, 8 février et 14 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant au..., ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 03MA01320 du 6 septembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 9808888 du 28 avril 2003 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'

impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1...

Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 8 novembre 2007, 8 février et 14 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant au..., ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 03MA01320 du 6 septembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 9808888 du 28 avril 2003 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1993, 1994 et 1995 et des pénalités correspondantes et à la décharge de ces cotisations supplémentaires ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. B...,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. B...;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 1993 à 1995, M.B... a fait l'objet de demandes de justifications en application des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales, puis d'une taxation d'office au titre de revenus d'origine indéterminée ; que les impositions correspondantes ont été assorties d'une pénalité de 40 % en application de l'article 1729 du code général des impôts ; que M. B...demande l'annulation de l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ;

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les pénalités correspondantes, relatives à l'année 1993 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...). Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite." ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, l'administration ne peut adresser à un contribuable, en application du deuxième alinéa de l'article L. 16 A de ce livre, une mise en demeure de compléter sa réponse à une demande d'éclaircissements et de justifications avant l'expiration du délai de réponse fixé par cette demande en application du premier alinéa de cet article ; que, par suite, en jugeant, après avoir relevé qu'en application des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration avait adressé, le 11 juillet 1996, à M. B..., qui en a accusé réception le 13 suivant, une demande de justifications aux termes de laquelle il était invité à justifier, dans un délai de deux mois, de la nature, de l'origine et du caractère non imposable des sommes inscrites sur ses comptes bancaires au titre de l'année 1993 et que le contribuable avait fait parvenir sa réponse le 8 août 1996 sans manifester son intention d'apporter ultérieurement d'autres explications, que la circonstance que le vérificateur avait adressé au requérant le 29 août 1996 une mise en demeure de compléter sa réponse, sans attendre l'expiration du délai de réponse de deux mois fixé par la demande de justifications, n'était pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, la cour a commis une erreur de droit au regard de l'application de ces articles ; que, dès lors, M. B...est fondé à demander dans cette mesure, pour ce motif et en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 1993 ainsi que des pénalités correspondantes, l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes, relatives aux années 1994 et 1995 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures

fiscales dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portées à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (...). Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59 " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 59 du même livre dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire prévue à l 'article 1651 du code général des impôts (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 " ; qu'aux termes de l'article L. 11 du même livre : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification. " ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de ces articles rappelées ci-dessus que, lorsqu'un contribuable, taxé d'office en application de l'article L. 69 du même livre à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, lui a fait parvenir, dans le délai minimum de trente jours, mentionné à l'article L. 11 du même livre, qui lui a été imparti par l'administration fiscale, ses observations, l'administration est tenue de lui faire connaître que le désaccord persiste afin de le mettre en mesure de solliciter la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, dès lors, la cour a commis une erreur de droit en écartant le moyen du requérant tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition en l'absence d'une telle saisine au motif qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'administration, après avoir invité le contribuable à produire ses observations, à réitérer l'information contenue dans la charte du contribuable vérifié relative à la possibilité de cette saisine ; que, toutefois, l'administration demande au Conseil d'Etat de substituer au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué le motif tiré de la tardiveté de la réponse du contribuable, postée le 12 mai 1997 et reçue par l'administration le 14 mai suivant, à la notification de redressements relative à ces années dont il avait accusé réception le 11 avril 1997 ; que faute d'avoir présenté des observations dans le délai imparti, le contribuable doit ainsi être regardé comme ayant accepté les redressements de sorte qu'il ne subsistait aucun désaccord avec l'administration, ouvrant la possibilité de saisir la commission départementale ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif ;

Considérant que, en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, contrairement à ce que le requérant soutient, la cour, qui a relevé l'importance des sommes ayant fait l'objet d'une taxation au titre des revenus d'origine indéterminée, dont le montant représente entre cinq et huit fois le revenu imposable déclaré par l'intéressé, l'absence de justification sérieuse de l'origine des sommes taxées et le caractère répété de ces infractions sur les années en litige, a suffisamment motivé son arrêt en jugeant que l'administration devait être regardée, eu égard au caractère délibéré des infractions révélées par les dissimulations de revenus, comme justifiant du bien-fondé des majorations mises à sa charge en application de cet article ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond en ce qui concerne les cotisations supplémentaires mises à la charge et des pénalités correspondantes de M B...au titre de l'année 1993 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application des dispositions des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales, l'administration a adressé, le 11 juillet 1996, à M. B..., qui en a accusé réception le 13 suivant, une demande de justifications aux termes de laquelle il était invité à justifier, dans un délai de deux mois, de la nature, de l'origine et du caractère non imposable des sommes inscrites sur ses comptes bancaires au titre de l'année 1993 et que le contribuable avait fait parvenir sa réponse le 8 août 1996 ; que le vérificateur a adressé au requérant le 29 août 1996 une mise en demeure de compléter sa réponse sans attendre l'expiration du délai de réponse de deux mois fixé par la demande de justifications ; qu'il a ainsi entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ; que, dès lors, M. B...est fondé à soutenir dans cette mesure, pour ce motif et en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 1993 et les pénalités correspondantes, que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande de décharge ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M B...de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 6 septembre 2007 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 28 avril 2003 du tribunal administratif de Marseille sont annulés en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les pénalités correspondantes, mises à la charge de M. B...au tire de l'année 1993.

Article 2 : M. B...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge et des pénalités correspondantes, au titre de l'année 1993.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 310524
Date de la décision : 08/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - APPLICATION DE L'ARTICLE L - 16 A DU LPF - CONDITIONS.

19-01-03-01-002 Aux termes de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales (LPF) : « Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ». L'administration ne peut adresser à un contribuable, en application du deuxième alinéa de l'article L. 16 A, une mise en demeure de compléter sa réponse à une demande d'éclaircissements et de justifications avant l'expiration du délai de réponse fixé par cette demande en application du premier alinéa de cet article, même si le contribuable a adressé une première réponse avant l'expiration de ce délai.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - APPLICATION DE L'ARTICLE L - 16 A DU LPF - CONDITIONS.

19-01-03-01-003 Aux termes de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales (LPF) : « Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ». L'administration ne peut adresser à un contribuable, en application du deuxième alinéa de l'article L. 16 A, une mise en demeure de compléter sa réponse à une demande d'éclaircissements et de justifications avant l'expiration du délai de réponse fixé par cette demande en application du premier alinéa de cet article, même si le contribuable a adressé une première réponse avant l'expiration de ce délai.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - GARANTIES ACCORDÉES AU CONTRIBUABLE - INFORMATION SUR LA PERSISTANCE D'UN DÉSACCORD - SAISINE DE LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE [RJ1].

19-01-03-02-025 Il résulte des dispositions des articles L. 76 et L. 59 du livre des procédures fiscales que, lorsqu'un contribuable, taxé d'office en application de l'article L. 69 du même livre à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, lui a fait parvenir, dans le délai minimum de trente jours, mentionné à l'article L. 11 du même livre, qui lui a été imparti par l'administration fiscale, ses observations, l'administration est tenue de lui faire connaître que le désaccord persiste afin de le mettre en mesure de solliciter la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - COMMISSION DÉPARTEMENTALE - GARANTIES ACCORDÉES AU CONTRIBUABLE - INFORMATION SUR LA PERSISTANCE D'UN DÉSACCORD [RJ1].

19-01-03-02-03-02 Il résulte des dispositions des articles L. 76 et L. 59 du livre des procédures fiscales que, lorsqu'un contribuable, taxé d'office en application de l'article L. 69 du même livre à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, lui a fait parvenir, dans le délai minimum de trente jours, mentionné à l'article L. 11 du même livre, qui lui a été imparti par l'administration fiscale, ses observations, l'administration est tenue de lui faire connaître que le désaccord persiste afin de le mettre en mesure de solliciter la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 11 juin 2003, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ M. Nataf, n° 223404, T. p. 734.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2011, n° 310524
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:310524.20110608
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