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10/06/2011 | FRANCE | N°326870

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 10 juin 2011, 326870


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 7 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant...,; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05PA02810 du 9 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0110449/5-2 du 12 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre des affaires

étrangères a rejeté sa demande du 16 octobre 2000 tendant à la réparat...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 7 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant...,; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05PA02810 du 9 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0110449/5-2 du 12 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa demande du 16 octobre 2000 tendant à la réparation du préjudice résultant du retard avec lequel a été pris le décret fixant les conditions exceptionnelles d'intégration d'agents non titulaires du ministère des affaires étrangères dans des corps de catégorie A et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 304 898,03 euros en réparation du préjudice qu'il a subi, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2000, d'autre part, à l'annulation de la décision implicite de rejet et de l'arrêté du 3 mai 2002 lui opposant la prescription quadriennale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2011, présentée pour M. A...;

Vu la loi n° 83-481 du 11 juin 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 67-290 du 28 mars 1967 ;

Vu le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 ;

Vu le décret n° 98-25 du 12 janvier 1998 ;

Vu le décret n° 2002-493 du 10 avril 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Haas, avocat de M.A...,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Haas, avocat de M. A...;

Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre premier du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances (...) " ; qu'en vertu des articles 79 et 80 de la même loi, des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser, pour les agents non titulaires, l'accès aux différents corps de fonctionnaires selon différentes modalités, notamment par la voie d'un examen professionnel, en fixant pour chaque ministère les corps auxquels ces agents peuvent accéder et les modalités d'accès à ces corps ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., employé par le ministère des affaires étrangères depuis le 1er août 1979 en qualité d'agent contractuel de catégorie A, a demandé réparation du préjudice subi en raison du retard fautif avec lequel a été pris le décret du 12 janvier 1998 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration d'agents non titulaires du ministère des affaires étrangères dans des corps de catégorie A, à la suite duquel il a été titularisé par arrêté du 18 novembre 1999 prenant effet au 1er janvier 1999 ; que, par jugement du 12 mai 2005, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation, au motif que le surplus de rémunération perçu par M. A...en qualité d'agent contractuel jusqu'au 1er janvier 1999 excédait le montant des préjudices qu'il alléguait ; que, par arrêt du 9 février 2009, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé cette décision ; que M. A...se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à l'objet des indemnités de résidence attribuées aux personnels de l'Etat en service à l'étranger qui est , en vertu de l'article 5 du décret du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif en service à l'étranger, de compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en ne prenant pas en compte, dans le calcul du préjudice, les indemnités de résidence que M. A...aurait été susceptible de percevoir en qualité de fonctionnaire dans les postes à l'étranger où il avait servi du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1998 et dans les fonctions qu'il avait exercées pendant cette période, alors même qu'il était à l'étranger en qualité de contractuel ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour apprécier si le requérant avait, comme il le prétend, perdu du fait de ce retard fautif de titularisation des chances sérieuses d'être admis au concours du principalat, la cour administrative d'appel de Paris a d'abord relevé que les dispositions, relatives au principalat, de l'article 21 du décret du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires, qui prévoyaient que les secrétaires adjoints des affaires étrangères devaient compter au moins un an d'ancienneté dans le 4ème échelon, n'auraient permis à l'intéressé de se présenter à ce concours qu'à compter de l'année 1988 ; que toutefois, à compter de cette date et pendant la période du retard fautif de titularisation, il n'est pas contesté que le requérant aurait pu se présenter utilement au concours ; que, si la cour a ensuite relevé que le ministre des affaires étrangères avait, le 10 avril 2002, pris un décret interdisant aux agents nouvellement titularisés de se présenter à cet examen, ce décret est, en tout état de cause, postérieur à la titularisation du requérant ; que, dès lors, ces deux motifs sont entachés d'erreur de droit ; que, toutefois la cour s'est aussi fondée, pour estimer que le préjudice allégué avait un caractère éventuel, sur un troisième motif tiré de ce que le rapport entre le nombre de places offertes au concours et le nombre de candidats était tel que les chances de M. A...d'être déclaré admis à ce concours ne pouvaient être regardées comme sérieuses en dépit des qualités professionnelles qu'elle a prises en considération ; qu'en se fondant sur ce motif déterminant, la cour n'a pas entaché son arrêt, qui est suffisamment motivé, d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'après avoir souverainement relevé que l'administration soutenait sans être contredite que M. A...n'avait jamais demandé à bénéficier ni d'un détachement, ni d'une mutation, ni d'une mise en disponibilité, ni d'aucun arrêt de travail pour motif de maladie, la cour administrative d'appel a pu, sans commettre d'erreur de droit, rejeter toute réparation des préjudices invoqués résultant de l'impossibilité pour M.A..., qui d'ailleurs n'a pas été privé de possibilités de mutation, de se prévaloir de dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires et de troubles dans les conditions d'existence ;

Considérant, en revanche, que, pour refuser l'indemnisation du surcoût du rachat, au titre de la retraite, des services que M. A...a effectués en qualité d'agent non titulaire, la cour s'est fondée sur le fait que la validation des services effectués antérieurement à une titularisation est une possibilité et non une obligation ; que ce faisant, alors qu'il ressort du dossier soumis aux juges du fond que ce surcoût a été exposé par M.A..., elle a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en tant qu'il a statué sur le préjudice relatif au surcoût du rachat, au titre de la retraite, de la validation des services effectués en qualité de non titulaire ;

Considérant qu'il y a lieu de régler sur ce point l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte des calculs faits par l'administration que le retard apporté à la titularisation de M. A...a entraîné pour lui un surcoût de 11 428 euros, correspondant au surcoût du rachat des années effectuées en qualité de non titulaire, auquel s'ajoute le supplément de cotisations pour pension de retraite ; que M. A...est ainsi fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 11 428 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2000, date de réception de sa demande préalable par l'administration ; qu'à la date du 7 juillet 2009, à laquelle M. A...a présenté des conclusions à fin de capitalisation des intérêts, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'il y a lieu d'accorder au requérant le bénéfice d'une nouvelle capitalisation des intérêts au 7 juillet 2010 ; qu'il est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 mai 2005, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation de ce chef de préjudice ; que ce jugement doit, dans cette mesure, être réformé ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 9 février 2009 est annulé en tant qu'il a statué sur le préjudice relatif au surcoût du rachat, au titre de la retraite, de la validation des services effectués par M. A...en qualité de non titulaire.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M.A..., au titre du préjudice relatif au surcoût du rachat, au titre de la retraite, de la validation des services effectués par lui en qualité de non titulaire, la somme de 11 428 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2000. Les intérêts échus le 7 juillet 2009 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts

Article 3 : Le jugement du 12 mai 2005 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 326870
Date de la décision : 10/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - RÉMUNÉRATION - INDEMNITÉS ET AVANTAGES DIVERS - INDEMNITÉS DE RÉSIDENCE ATTRIBUÉES AUX PERSONNELS DE L'ETAT EN SERVICE À L'ÉTRANGER - OBJET - COMPENSATION DE CHARGES LIÉES AUX FONCTIONS EXERCÉES - CONSÉQUENCE - EXCLUSION DU PRÉJUDICE INDEMNISABLE EN CAS DE RETARD FAUTIF MIS À LA TITULARISATION D'UN AGENT [RJ1] [RJ2].

36-08-03 Les indemnités de résidence attribuées aux personnels de l'Etat en service à l'étranger ont pour objet de compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées. Elles sont, de ce fait, exclues du préjudice indemnisable résultant d'un retard fautif mis à la titularisation d'un agent.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉPARATION - ÉVALUATION DU PRÉJUDICE - PRÉJUDICE MATÉRIEL - PERTE DE REVENUS - PRÉJUDICE MATÉRIEL SUBI PAR DES AGENTS PUBLICS - RETARD FAUTIF MIS À LA TITULARISATION D'UN AGENT - INDEMNITÉS DE RÉSIDENCE ATTRIBUÉES AUX PERSONNELS DE L'ETAT EN SERVICE À L'ÉTRANGER - INCLUSION DANS LE PRÉJUDICE INDEMNISABLE - ABSENCE [RJ1] [RJ2].

60-04-03-02-01-03 Les indemnités de résidence attribuées aux personnels de l'Etat en service à l'étranger ont pour objet de compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées. Elles sont, de ce fait, exclues du préjudice indemnisable résultant du retard fautif mis à la titularisation d'un agent.


Références :

[RJ1]

Rappr., dans le cas d'une éviction illégale du service, CE, 10 juin 2011, Ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes c/ Mme Pisa, n° 342600, à mentionner aux Tables.,,

[RJ2]

Comp. CE, 18 juillet 2008, Stilinovic, n° 304962, p. 306.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2011, n° 326870
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:326870.20110610
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