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10/06/2011 | FRANCE | N°336287

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 10 juin 2011, 336287


Vu la requête, enregistrée le 5 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. José A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 novembre 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 9 juillet 2008 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo refusant un visa d'entrée et de long séjour en France à Mlle Léonelle B C et à M. Jared Dany C D ;

Vu les autres pièce

s du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'h...

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. José A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 novembre 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 9 juillet 2008 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo refusant un visa d'entrée et de long séjour en France à Mlle Léonelle B C et à M. Jared Dany C D ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, Auditeur,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public ;

Considérant que l'intérêt d'un enfant étant en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale, l'enfant confié dans de telles conditions à un étranger s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié a droit, lorsqu'il a moins de dix-huit ans, sauf à ce que ses conditions d'accueil en France soient contraires à son intérêt, et sous réserve de motifs d'ordre public, à un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de venir rejoindre le titulaire de l'autorité parentale réfugié en France ;

Considérant que M. A, de nationalité congolaise, s'est vu reconnaître en 2002 la qualité de réfugié par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il a saisi les services du ministère des affaires étrangères en vue de la mise en oeuvre de la procédure de rapprochement familial de réfugié statutaire en faveur des membres de sa famille résidant en République démocratique du Congo ; que l'administration a saisi, ainsi qu'elle lui en a fait part par lettre du 12 mai 2004, les services consulaires français à Kinshasa (République démocratique du Congo) aux fins de constitution des dossiers de demande de visa des enfants ; que les services consulaires ont accordé, par décision du 8 décembre 2006, les visas sollicités à l'épouse du requérant ainsi qu'à trois de ses enfants, mais l'ont refusé, le 24 septembre 2008, aux deux enfants placés sous sa tutelle, Mlle Léonelle B C, née le 18 juin 1991, et M. Jared Dany C D, né le 7 février 1995 ; que, par la décision attaquée en date du 26 novembre 2009, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus de délivrer ces deux derniers visas ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par jugement du tribunal de paix de Kinshasa/N'Djili en date du 16 juillet 2003, le requérant a été désigné tuteur de sa nièce, Mlle Léonelle B C, et de son neveu, M. Jared Dany C D, dont le père est décédé le 28 novembre 1994 ; que ce jugement, alors même qu'il n'a pas été rendu exécutoire par jugement d'une juridiction française, a eu pour effet de déléguer à M. A l'exercice de l'autorité parentale sur Mlle Léonelle B C et sur M. Jared Dany C D ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, une telle délégation de l'autorité parentale ouvre droit à la procédure de rapprochement familial, alors même qu'elle n'a pas établi de lien de filiation entre M. A et les deux enfants ; que, par suite, en se fondant sur le motif tiré de ce que la délégation d'autorité parentale confiée au requérant sur les deux enfants sous tutelle n'ouvrait pas droit au rapprochement familial, la commission de recours a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'eu égard aux motifs de la présente décision, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre chargé de l'immigration de réexaminer, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, les demandes de visas d'entrée et de long séjour en France de Mlle Léonelle B C et de M. Jared Dany C D ; qu'il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Considérant, enfin, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 26 novembre 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 9 juillet 2008 refusant de délivrer des visas d'entrée et de long séjour à Mlle Léonelle B C et à M. Jared Dany C D est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de réexaminer les demandes de visas d'entrée et de long séjour en France de Mlle Léonelle B C et de M. Jared Dany C D, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. José A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 336287
Date de la décision : 10/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 ÉTRANGERS. RÉFUGIÉS ET APATRIDES. - ENFANTS DE RÉFUGIÉ STATUTAIRE - DROIT À UN VISA D'ENTRÉE ET DE LONG SÉJOUR (PROCÉDURE DITE DU REGROUPEMENT FAMILIAL DE RÉFUGIÉ STATUTAIRE) - APPLICATION AUX ENFANTS CONFIÉS AU RÉFUGIÉ PAR UNE DÉCISION DE TUTELLE SANS LIEN DE FILIATION - 1) EXISTENCE - 2) CONDITIONS - NÉCESSITÉ D'UNE DÉCLARATION D'EXEQUATUR - ABSENCE [RJ1] - 3) RÉSERVES - A) INTÉRÊT DE L'ENFANT [RJ2] - B) MOTIFS D'ORDRE PUBLIC.

335-05 1) La procédure dite de regroupement familial de réfugié statutaire s'applique, même en l'absence de lien de filiation, aux enfants placés sous la tutelle du réfugié par un jugement étranger de délégation de l'autorité parentale. 2) Le jugement étranger confiant la tutelle de l'enfant au réfugié a pour effet de lui déléguer l'autorité parentale - et donc d'ouvrir droit à la procédure de regroupement familial - même en l'absence de déclaration d'exequatur. 3) Le visa peut toutefois être refusé à l'enfant dans les cas où sa venue en France a) est contraire à son intérêt ou b) porterait atteinte à l'ordre public.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 9 décembre 2009, Sekpon, n° 305031, p. 496.,,

[RJ2]

Rappr., pour la même réserve mise à l'octroi d'un visa aux enfants placés sous la tutelle d'un étranger non réfugié, CE, 9 décembre 2009, Sekpon, n° 305031, p. 496. Comp., pour l'absence d'une telle réserve mise à l'octroi d'un visa aux enfants biologiques d'un réfugié statutaire, CE, 25 mai 2010, Mlle Ntombo Lumbu, n° 325881, T. p. 639 sur un autre point.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2011, n° 336287
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. David Gaudillère
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:336287.20110610
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