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17/06/2011 | FRANCE | N°314392

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 17 juin 2011, 314392


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 29 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Laurent A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05NC01375 du 24 janvier 2008 en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir annulé le jugement n° 0204529 du 4 juillet 2005 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait fait droit à sa demande tendant à la décharge de cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti

au titre de l'année 2000 à raison de salaires perçus en Arabie Saoudite,...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 29 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Laurent A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05NC01375 du 24 janvier 2008 en tant que, par cet arrêt, la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir annulé le jugement n° 0204529 du 4 juillet 2005 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait fait droit à sa demande tendant à la décharge de cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000 à raison de salaires perçus en Arabie Saoudite, a remis ces cotisations à sa charge ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000 à raison de salaires perçus en Arabie Saoudite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 portant loi de finances rectificative pour 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Aladjidi, Maître des Requêtes,

- les observations de Me de Nervo, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me de Nervo, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne : 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté. / 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail (...) ; que, même si, en l'état actuel du droit communautaire, la matière des impôts directs ne relève pas en tant que telle du domaine de la compétence de la Communauté, les Etats membres doivent exercer leurs compétences dans le respect du droit communautaire ; que la seule circonstance que les activités d'un travailleur s'exercent en dehors du territoire de la Communauté ne suffit pas pour écarter l'application des règles communautaires sur la libre circulation des travailleurs, dès lors que le rapport de travail garde un rattachement suffisamment étroit avec le territoire de la Communauté ; que l'ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes vise à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur l'ensemble du territoire de la Communauté et s'oppose aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article 81 A du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'article 51-V de la loi n °2005-1720 du 30 décembre 2005 : Les traitements et salaires perçus en rémunération de leur activité à l'étranger par des personnes de nationalité française autres que les travailleurs frontaliers, qui ont leur domicile fiscal en France et qui, envoyées à l'étranger par un employeur établi en France, justifient d'une activité à l'étranger d'une durée supérieure à 183 jours au cours d'une période de douze mois consécutifs, ne sont pas soumis à l'impôt./ Cette exonération n'est accordée que si les rémunérations considérées se rapportent aux activités suivantes à l'étranger : / a. Chantiers de construction ou de montage, installation d'ensembles industriels, leur mise en route et leur exploitation, la prospection et l'ingénierie y afférentes ; / b. Prospection, recherche ou extraction de ressources naturelles. ;

Considérant que ni la différence de situation existant entre les résidents de France, salariés d'un employeur établi en France et ceux qui sont salariés d'un employeur établi dans un autre Etat membre sans établissement en France, ni aucun motif d'intérêt général, ne sont de nature à justifier, au regard des stipulations précitées de l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que ces derniers soient exclus de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 81 A du code général des impôts, en faveur des premiers ; qu'ainsi, en jugeant que ces dispositions ne portaient pas atteinte aux principes de non-discrimination et de libre circulation institués par le traité de Rome en ce qu'elles réservaient l'exonération qu'elles prévoyaient aux salariés des seules entreprises implantées en France, la cour administrative d'appel de Nancy, qui a d'ailleurs insuffisamment motivé son arrêt en ne précisant pas la raison pour laquelle ces salariés seraient placés dans une situation qui n'est pas comparable à celle des salariés d'entreprises implantées dans un autre Etat membre, a commis une erreur de droit ; que M. A est, par suite, fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, de nationalité française, dont le domicile fiscal était situé en France et dont l'employeur était établi en Allemagne, a été envoyé, pendant 224 jours de l'année 2000, en mission en Arabie Saoudite pour livrer des grues sur camion utilisées sur les gisements de pétrole et de gaz , organiser des formations et exécuter les travaux d'entretien et de réparation sur les équipements ; qu'en application des dispositions précitées du II de l'article 81 A du code général des impôts, les rémunérations correspondant à cette mission étaient exonérées d'impôt sur le revenu, sans que puisse y faire obstacle, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la circonstance que son employeur ait été établi hors de France ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit à la demande de M. A tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu de 7 761,03 euros restant à sa charge à ce titre ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui devant la cour administrative d'appel de Nancy et devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 24 janvier 2008 sont annulés.

Article 2 : M. A est déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000 à concurrence de la somme de 7 761,03 euros.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Laurent A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 17 jui. 2011, n° 314392
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Frédéric Aladjidi
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : DE NERVO

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 17/06/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 314392
Numéro NOR : CETATEXT000024226830 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-06-17;314392 ?
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