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17/06/2011 | FRANCE | N°324392

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 17 juin 2011, 324392


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 20 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES, dont le siège est 140 avenue d'Aix-les-Bains à Seynod (74600) ; la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY01937 du 27 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0402922 du 10 juin 2008 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande

tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 20 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES, dont le siège est 140 avenue d'Aix-les-Bains à Seynod (74600) ; la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY01937 du 27 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0402922 du 10 juin 2008 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution temporaire à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001, en tant qu'il se prononce sur le redressement afférent au régime fiscal de la transmission universelle de patrimoine de la société Agence centrale à la SA Aix automobiles, et, d'autre part, à ce que soit prononcée la décharge de ces impositions en tant qu'elles procèdent du redressement mentionné ci-dessus ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, notamment ses articles 371, 372-1 et 378-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Aladjidi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents : "Aux fins de l'application de la présente directive, on entend par : / a) fusion : l'opération par laquelle : (...) une société transfère, par suite et au moment de sa dissolution sans liquidation, l'ensemble de son patrimoine, activement et passivement, à la société qui détient la totalité des titres représentatifs de son capital social (...)" ; qu'aux termes de l'article 1844-5 du code civil : "La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an. / (...) En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation (...)" ; qu'une telle opération, qui constitue une fusion au sens de l'article 2 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990, entre dans le champ d'application de cette directive ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 210 A du code général des impôts : "Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés (...)" ; qu'il ressort des travaux préparatoires de l'article 25 de la loi du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificative pour 1991, dont sont issues ces dispositions, que celles-ci avaient pour objet de transposer la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 et que le législateur n'a pas entendu, à cette occasion, traiter moins favorablement les fusions opérées uniquement entre sociétés françaises, qui sont hors du champ de cette directive, par rapport à celles qui mettent en cause les sociétés d'un autre Etat membre, qui sont dans le champ de cette directive ; que, dès lors, la notion de fusion prévue par ces dispositions doit être interprétée à la lumière de la définition qu'en donne la directive ; qu'ainsi, les opérations mentionnées à l'article 1844-5 du code civil entraient, dès l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article 210 A du code général des impôts, dans le champ d'application de l'exonération prévue par cet article, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elles pourraient ne concerner que des sociétés françaises ; que la cour administrative d'appel de Lyon a, ainsi, commis une erreur de droit en estimant que ces opérations ne pouvaient bénéficier du régime de faveur qu'à compter de la création de l'article 210-0 A du code général des impôts par l'article 85 de la loi du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour 2002 ; que la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES est, par suite, fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 1999, la SA Aix Automobiles a absorbé la société Agence centrale dont elle détenait l'intégralité du capital en procédant à une opération de transmission universelle de patrimoine sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1844-5 du code civil ; qu'ainsi qu'il a été dit, une telle opération pouvait, alors même qu'elle concernait deux sociétés françaises, bénéficier du régime de faveur prévu par l'article 210 A du code général des impôts ; que la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES, qui s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et la SA Aix Automobiles est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 juin 2008, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution temporaire à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, au titre de l'année 2001, en raison d'une plus-value de 4 700 000 F constatée en 1999 sur le fonds de commerce de la société Agence centrale, ainsi que des pénalités correspondantes ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES d'une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés par elle tant en première instance qu'en appel et en cassation, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 novembre 2008 est annulé.

Article 2 : La SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution temporaire à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, au titre de l'année 2001, en raison de la plus-value de 4 700 000 F constatée en 1999 sur le fonds de commerce de la société Agence centrale, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 juin 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL MEDITERRANEE AUTOMOBILES et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. EXONÉRATIONS. - APPLICATION DU RÉGIME DE FAVEUR PRÉVU PAR L'ARTICLE 210 A DU CGI - ASSIMILATION D'UNE TRANSMISSION UNIVERSELLE DE PATRIMOINE (ART. 1844-5 DU CODE CIVIL) À UNE FUSION AU SENS DE L'ARTICLE 210 A - EXISTENCE [RJ1].

19-04-01-04-02 Il ressort des travaux préparatoires de l'article 25 de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificative pour 1991, dont sont issues les dispositions du 1 de l'article 210 A code général des impôts (CGI), que celles-ci avaient pour objet de transposer la directive 90/434/CEE du 23 juillet du 1990 et que le législateur n'a pas entendu, à cette occasion, traiter moins favorablement les fusions opérées uniquement entre sociétés françaises, qui sont hors du champ de cette directive, par rapport à celles qui mettent en cause les sociétés d'un autre Etat membre, qui sont dans le champ de cette directive. Par suite, la notion de fusion prévue par ces dispositions doit être interprétée à la lumière de la définition qu'en donne la directive. En conséquence, les opérations mentionnées à l'article 1844-5 du code civil entraient, dès l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article 210 A du CGI, dans le champ d'application de l'exonération prévue par cet article, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elles pourraient ne concerner que des sociétés françaises.


Références :

[RJ1]

Rappr. CJCE, 17 juillet 1997, Leur-Bloem, aff. C 28/95.


Publications
Proposition de citation: CE, 17 jui. 2011, n° 324392
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Aladjidi
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 17/06/2011
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 324392
Numéro NOR : CETATEXT000024226838 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-06-17;324392 ?
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