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17/06/2011 | FRANCE | N°349435

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 17 juin 2011, 349435


Vu, 1°/ sous le n° 349435, la requête, enregistrée le 19 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SARL CELLUSONIC GROUP, dont le siège est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002), la SARL CELLUCABINE, dont le siège social est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002), la SARL CELLUCONCEPT, dont le siège social est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002), la SARL CELLUCARNOT, dont le siège social est 21, avenue Carnot à Paris (75017), la SARL INSTITUT CELLUSONIC, dont le siège social est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002) et la SARL CELLUOPERA,

dont le siège est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002) ; la SA...

Vu, 1°/ sous le n° 349435, la requête, enregistrée le 19 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SARL CELLUSONIC GROUP, dont le siège est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002), la SARL CELLUCABINE, dont le siège social est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002), la SARL CELLUCONCEPT, dont le siège social est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002), la SARL CELLUCARNOT, dont le siège social est 21, avenue Carnot à Paris (75017), la SARL INSTITUT CELLUSONIC, dont le siège social est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002) et la SARL CELLUOPERA, dont le siège est 22, rue Saint Augustin à Paris (75002) ; la SARL CELLUSONIC GROUP et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'article 2 du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que la condition d'urgence est remplie dès lors que le décret contesté cause à tous les acteurs de la filière esthétique-minceur un préjudice pécuniaire grave et immédiat, se traduisant par une perte très importante de chiffre d'affaires résultant de l'impossibilité d'exercer leur activité en conséquence du décret ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'article 2 du décret attaqué en ce que la Haute Autorité de santé n'a pas donné son avis sur toutes les techniques utilisant des agents physiques externes, notamment pas la technique des ultrasons non focalisés ; qu'en prononçant une interdiction sur certaines techniques utilisant des agents externes sans l'avis de la Haute Autorité de santé, le décret contesté a méconnu les dispositions de l'article L. 1151-3 du code de la santé publique ; que l'administration a méconnu l'article L. 1151-3 et commis une erreur manifeste d'appréciation en interdisant les techniques utilisant des agents physiques externes, notamment celle des ultrasons non focalisés, sur le fondement d'une suspicion de danger grave pour la santé humaine, alors qu'il ressort de l'analyse effectuée par la Haute Autorité de santé, et des informations recueillies par elle, que ces techniques ne présentent aucun danger ou risque grave pour la santé humaine ; que le décret contesté porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ainsi qu'à la liberté d'entreprendre ; que d'autres moyens plus adaptés, préconisés par la Haute Autorité de santé auraient pu être mis en oeuvre pour éviter tout risque de danger inhérent à l'utilisation des techniques en cause ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée par la SARL CELLUSONIC GROUP et autres ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que si les intérêts des sociétés requérantes sont directement lésés par le décret litigieux, les exigences de santé publique imposent que les techniques en cause soient interdites et le demeurent en raison du danger grave qu'elles représentent pour la santé humaine ou de la suspicion d'un tel danger ; que la Haute Autorité de santé a bien donné son avis sur l'ensemble des techniques à visée lipolytique utilisant des agents physiques externes ; que le décret contesté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 1151-3 du code de santé publique ; qu'il a pu, s'appuyant sur l'avis de la Haute Autorité, interdire les actes dont la finalité est la réduction de volume ou du nombre de cellules graisseuses par mécanisme de destruction en raison de la suspicion de danger grave qu'ils présentent pour la santé humaine ; que l'administration est fondée à intervenir dans le champ des actes à visée esthétique lorsque les techniques utilisées ont des effets néfastes sur la santé ; que le manque d'évaluation scientifique menée sur les techniques en cause pose un problème de sécurité sanitaire ; qu'il existe une suspicion de danger grave de ces techniques fondée sur leur mécanisme d'action qui, d'une part, ne prévoit pas de voie d'élimination des débris cellulaires produits lors de la destruction de la graisse et, d'autre part, peut provoquer des lésions à d'autres cellules que les adipocytes ; qu'en raison de cette suspicion et des possibles effets indésirables de ces techniques, l'administration a voulu protéger la santé des usagers ; qu'il revient aux promoteurs de ces techniques de prouver leur efficacité et leur innocuité ; que le principe d'égalité est respecté dès lors que l'ensemble de ces techniques sont interdites en raison du même soupçon qui pèse sur elles ; que l'interdiction prononcée répond à l'exigence constitutionnelle de protection de la santé publique et ne porte pas par elle-même une atteinte à la liberté d'entreprendre disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi ;

Vu les observations, enregistrées le 9 juin 2011, présentées par la Haute Autorité de santé ; elle fait valoir que la distinction opérée par la SARL CELLUSONIC GROUP et autres entre les techniques de lyse adipocytaire et les techniques à visée lipolytique n'a pas lieu d'être ; que les agents physiques externes étant difficilement déterminables, elle n'était pas en mesure de tous les mentionner dans son avis ; que, contrairement à ce qu'affirment la SARL CELLUSONIC GROUP et autres, elle a donné son avis sur toutes les techniques à visée lipolytique concernées par l'interdiction posée par l'article 2 du décret ; qu'elle a conclu à la suspicion d'un danger grave de ces techniques par prudence, en raison des nombreuses incertitudes et de l'impossibilité d'exclure la survenue de tous risques chez des personnes en bonne santé ; qu'elle a tenu compte des observations de onze experts sur la dangerosité des techniques étudiées ; qu'elle n'était pas tenue de consulter le comité d'experts spécialisé dans l'évaluation des risques liés aux agents physiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail ; que dans son avis, elle a fait référence à une position adoptée par une organisation professionnelle sur les techniques utilisant des agents physiques externes ;

Vu, 2°/ sous le n° 349622, la requête, enregistrée le 25 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Valérie A, demeurant ..., Mme Ghislaine B, demeurant ..., Mme Elisabeth Julia C, demeurant ..., M. Philippe D, demeurant ..., M. Michel E, demeurant ..., Mme Brigitte F, demeurant ..., M. Thierry G, demeurant ..., Mme Catherine H, demeurant ..., M. Jacques I, demeurant ..., M. Christian J, demeurant ..., Mme Sylvie ..., demeurant ..., Mme Véronique L, demeurant ..., M. Jean-Michel M demeurant ..., Mme Régine N, demeurant ..., M. Philippe Gérard O, demeurant ..., M. Jean-Pascal P, demeurant ..., Mme Mila Chantal Q, demeurant ..., le CENTRE LASER INTERNATIONAL DE LA PEAU DE PARIS, dont le siège est 85, avenue de la Bourdonnais à Paris (75007), le GROUPE DE RÉFLEXION EN CHIRURGIE DERMATOLOGIQUE, dont le siège est 8, square Saint Jean à Arras (62000), la SELARL DOCTEUR DOMINIQUE DEBRAY, dont le siège est 55, avenue Marceau à Paris (75016), la SOCIÉTÉ CIVILE DE MOYENS SCM 55-57 AVENUE MARCEAU dont le siège est 55-57, avenue Marceau à Pars (75016), la SOCIÉTÉ FANÇAISE DE DERMATOLOGIE CHIRURGICALE ET ESTHÉTIQUE, dont le siège est 79, rue de Tocqueville à Paris (75017), le SYNDICAT AUTONOME DES GÉNÉRALISTES EN ACTIVITE - MÉDECINS GÉNÉRALISTES, dont le siège est 55, avenue Marceau à Paris (75016) et le SYNDICAT NATIONAL DES JEUNES MÉDECINS GÉNÉRALISTES, dont le siège est 89 bis, rue Gilbert Rousset à Asnières sur Seine (92600) ; Mme Valérie A et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 relatif à l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret attaqué ; que l'avis de la Haute Autorité de santé a été rendu en méconnaissance du principe d'impartialité ; que l'avis de la Haute Autorité est irrégulier dès lors, d'une part, qu'il n'a pas été rendu dans des conditions respectant le contradictoire et, d'autre part, que les autorités médicales ayant conduit l'évaluation des techniques de lyse adipocytaire présentent, pour au moins l'une d'entre elles, un conflit d'intérêt ; que l'absence de transparence des conditions dans lesquelles l'évaluation a été menée rend impossible l'évaluation de la compétence des personnes ayant apporté leur concours à cette étude ; que l'évaluation est incomplète dès lors, d'une part, que ses auteurs ont ignoré certaines références bibliographiques et, d'autre part, que certaines techniques considérées comme présentant un danger grave pour la santé humaine et interdites par le décret contesté, n'ont fait l'objet d'aucune étude ; qu'il existe plusieurs contradictions entre les conclusions des auteurs de l'étude et les recommandations adoptées ; que l'avis est entaché d'erreurs de fait sur les effets indésirables des techniques de lyse adipocytaire qui ne sont pas liés à la pratique de la mésothérapie elle-même mais aux conditions dans lesquelles cette technique a été pratiquée ; que la Haute Autorité a commis une erreur de droit en faisant usage des notions d'effets indésirables graves et de risques sérieux alors que l'article L. 1151-3 du code de la santé publique permet au pouvoir règlementaire d'interdire tout acte à visée esthétique à la seule condition qu'il présente un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine ; qu'en ne définissant pas, de manière légale, la notion de danger grave ou de suspicion de danger grave pour la santé humaine, la Haute Autorité n'a pas permis au titulaire du pouvoir réglementaire d'apprécier s'il y a lieu d'interdire les techniques de lyse adipocytaire ; que l'avis est entaché d'erreur de qualification juridique des faits en ce qu'elle ne justifie pas la dangerosité des pratiques de lyse adipocytaire ; que toutes les techniques concernées sont réalisées au moyen de matériels médicaux portant le marquage CE et ont donc, lors de la procédure de certification, apporté la preuve qu'un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité était assuré ; que les risques encourus sont acceptables au regard des bénéfices escomptés ; que les matériels médicaux permettant la réalisation des techniques interdites par le décret contesté n'ont fait l'objet ni d'un signalement à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ni d'une procédure de sauvegarde de la part de l'État français ; que l'innocuité de ces matériels prouve que les techniques de lyse adipocytaire sont sans conséquences graves pour la santé humaine ; que la Haute Autorité a commis une autre erreur de qualification juridique des faits en considérant que toutes les techniques non évasives sont suspectées de constituer un danger grave pour la santé humaine alors même qu'elle reconnaît être dans l'incapacité de déterminer les causes des complications rapportées ; que le décret contesté, qui s'est approprié l'avis de la Haute Autorité, est entaché des mêmes erreurs de fait, de droit et de qualification juridique des faits ; qu'il est entaché, en outre, de détournement de pouvoir ; que la condition d'urgence est caractérisée tant par le préjudice financier et moral que le décret fait peser sur les activités des requérants, que par l'absence de réel impératif de santé publique justifiant le maintien de l'application d'un décret entaché d'illégalité manifeste ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête en annulation présentée pour Mme Valérie A et autres ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que si les intérêts des requérants sont lésés par le décret litigieux, ils peuvent réorienter leur activité ; que les exigences de santé publique imposent que les techniques en cause soient interdites et le demeurent en raison du danger grave qu'elles représentent pour la santé humaine ou de la suspicion d'un tel danger ; que les membres de la Haute Autorité de santé ont agi en dehors de tout conflit d'intérêt ; que les requérants ne s'appuient sur aucune disposition législative ou règlementaire ou principe général du droit faisant obligation à une instance consultative de mettre en oeuvre une procédure contradictoire ; que l'avis de la Haute Autorité a été émis après avoir procédé à une revue de l'ensemble de la littérature scientifique, de la position des agences sanitaires nationales et d'organisations professionnelles et après avoir procédé à une enquête par questionnaire ; que, dans la mesure où les techniques en cause sont effectuées sur des personnes en bonne santé, la préoccupation sécuritaire doit primer et le degré d'acceptabilité des risques encourus doit être minimal ; que les effets indésirables constatés sont à la fois la résultante de la technique, mais aussi des conditions dans lesquelles cette technique a été pratiquée ; que le décret contesté n'est pas entaché de détournement de pouvoir ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 juin 2011, présenté pour Mme A et autres, qui reprennent les conclusions et les moyens de leur requête ; ils soutiennent en outre qu'une réorientation de leur activité est aléatoire et n'est pas immédiate ; qu'une telle perspective éventuelle ne remet nullement en cause l'urgence qu'il y a à suspendre le décret attaqué ; que l'impératif de santé publique ne saurait avoir pour conséquence le rejet de la demande de suspension, dès lors que les techniques mises en cause ne présente pas de danger grave pour la santé ; que l'avis de la Haute Autorité est entaché par un conflit d'intérêt ; que l'étude réalisée par la Haute Autorité n'est ni exhaustive, ni contradictoire ; que l'administration commet, d'une part, une erreur de droit dans l'interprétation des dispositions des articles L. 1151-2 et L. 1151-3 du code de la santé publique et, d'autre part, une erreur manifeste en estimant que les éléments rapportés sont susceptibles de justifier l'interdiction décidée ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 1151-2 et L. 1151-3 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SARL CELLUSONIC GROUP, la SARL CELLUCABINE, la SARL CELLUCONCEPT, la SARL CELLUCARNOT, la SARL INSTITUT CELLUSONIC, la SARL CELLUOPERA, Mme Valérie A, Mme Ghislaine B, Mme Elisabeth Julia C, M. Philippe D, M. Michel E, Mme Brigitte F, M. Thierry G, Mme Catherine H, M. Jacques I, M. Christian J, Mme Sylvie K, Mme Véronique L, M. Jean-Michel M, Mme Régine N, M. Philippe Gérard O, M. Jean-Pascal P, Mme Mila Chantal Q, le CENTRE LASER INTERNATIONAL DE LA PEAU DE PARIS, le GROUPE DE RÉFLEXION EN CHIRURGIE DERMATOLOGIQUE, la SELARL DOCTEUR DOMINIQUE DEBRAY, la SOCIÉTÉ CIVILE DE MOYENS SCM 55-57 AVENUE MARCEAU, la SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE DERMATOLOGIE CHIRURGICALE ET ESTHÉTIQUE, le SYNDICAT AUTONOME DES GÉNÉRALISTES EN ACTIVITÉ - MÉDECINS GÉNÉRALISTES, ainsi que le SYNDICAT NATIONAL DES JEUNES MÉDECINS GÉNÉRALISTES et, d'autre part, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 15 juin 2001 à 10 heures 30, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SARL CELLUSONIC GROUP et autres ;

- les représentants de la SARL CELLUSONIC GROUP et autres ;

- Me Luc-Thaler et Me Fabiani, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocats de Mme Valérie A et autres ;

- M. Mazer et M. Debray ;

- les représentants du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;

- les représentants de la Haute Autorité de santé ;

Et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant que les requêtes tendent à la suspension de tout ou partie des dispositions du même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ; qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 1151-2 du code de la santé publique, résultant de l'article 61 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique autres que ceux relevant la chirurgie esthétique peut, si elle présente des risques sérieux pour la santé des personnes, être soumise à des règles portant sur la formation et la qualification des professionnels, sur la déclaration des activités, sur les conditions techniques de réalisation ainsi qu'à des règles de bonnes pratiques de sécurité ; qu'aux termes de l'article L. 1151-3 du même code, résultant également de l'article 61 de la loi du 21 juillet 2009 : Les actes à visée esthétique dont la mise en oeuvre présente un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits par décret après avis de la Haute Autorité de santé. Toute décision de levée de l'interdiction est prise en la même forme ;

Considérant que si les dispositions de l'article L. 1151-2 du code de la santé publique habilitent le pouvoir réglementaire à fixer des règles pour encadrer la pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique autres que ceux relevant de la chirurgie esthétique en vue de prévenir des risques sérieux pour la santé des personnes, les dispositions de l'article L. 1151-3 subordonnent l'interdiction d'actes à visée esthétique par décret à la condition que soit établi un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine ;

Considérant que, sur le fondement de l'article L. 1151-3, le décret du 11 avril 2011 a interdit, en raison du danger grave qu'elle présenterait pour la santé humaine, la mise en oeuvre de cinq techniques de lyse adipocytaire à visée esthétique, utilisant respectivement des injections de solutions hypo-osmolaires, des injections de produits lypolytiques, des injections de mélanges mésothérapeutiques, la carboxythérapie et le laser transcutané sans aspiration ; qu'il a également interdit, au motif de suspicion de danger grave pour la santé humaine, la mise en oeuvre de toutes les techniques à visée lipolytique utilisant des agents physiques externes ;

Considérant qu'il résulte des éléments soumis au juge des référés que le décret attaqué est intervenu au vu d'un avis émis par la Haute Autorité de santé au mois de décembre 2010 ;

Considérant que si la conclusion finale de cet avis affirme que la mise en oeuvre des techniques de lyse adipocytaire utilisant des injections de solutions hypo-osmolaires, des injections de produits lypolytiques, des injections de mélanges mésothérapeutiques, la carboxythérapie et le laser transcutané sans aspiration présente un danger grave pour la santé humaine et que la mise en oeuvre de techniques à visée lypolytique non invasives utilisant des agents physiques externes, sans effraction cutanée (ultrasons focalisés, radiofréquence, laser, etc) présente une suspicion de danger grave, les conclusions de l'étude circonstanciée qui s'incorpore à cet avis et lui sert de fondement font valoir, s'agissant des techniques à visée lypolytique non invasives utilisant des agents physiques externes sans infraction cutanée qu'aucun effet indésirable grave n'a été relevé avec ces techniques ; que, s'agissant des techniques de lyse adipocytaire qui présentent un caractère invasif, si les conclusions de l'étude exposent que ces techniques peuvent présenter des risques pour le patient, en raison de l'effraction cutanée et de l'introduction d'un agent externe dans le tissu adipeux, et posent aussi le problème du devenir de la graisse dégradée, elles relèvent que les risques peuvent être liés au produit, au protocole utilisé ou à la technique d'injection ; que si l'étude fait apparaître que des complications et des effets indésirables, tels que notamment des nécroses, des infections, des lésions nodulaires, ont été parfois constatés après mise en oeuvre de certaines techniques de lyse adipocytaire, le nombre de cas répertoriés où ces effets indésirables ont présenté un caractère d'une certaine gravité demeure faible ; que l'étude indique que la fréquence de la survenue de telles complications par rapport au nombre d'actes réalisés ne peut être appréciée faute de données ; qu'elle relève qu'il est difficile d'identifier la part des différents facteurs susceptibles d'avoir provoqué ces effets indésirables et souligne qu'une partie au moins de ces complications est imputable à des conditions inadéquates de mise en oeuvre ;

Considérant, en outre, que cette étude ne comporte aucune indication sur certaines techniques, comme l'utilisation d'ultrasons non focalisés telle que mise en oeuvre notamment par les sociétés liées à CELLUSONIC GROUP, ou encore la cryolipolyse ; qu'il résulte des indications données lors de l'audience de référé qu'aucune étude autre que celle effectuée par la Haute Autorité de santé n'a, s'agissant en particulier de ces techniques, été prise en compte préalablement à l'intervention du décret attaqué ;

Considérant qu'au vu des éléments soumis au juge des référés, le moyen tiré de ce que l'interdiction de l'ensemble des techniques visées aux articles 1er et 2 du décret contesté méconnaîtrait, en l'absence de danger grave ou de suspicion de danger grave pour la santé humaine, les dispositions de l'article L. 1151-3 du code de la santé publique est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ce décret ;

Considérant qu'il ressort des éléments produits et des indications données à l'audience que l'exécution du décret contesté a pour effet d'interdire aux médecins et sociétés qui ont saisi le juge des référés de continuer de se livrer à des activités qu'ils pratiquaient légalement avant l'entrée en vigueur, immédiate, de ce décret ; que les conséquences, notamment financières, qui s'attachent à l'interdiction des ces activités sont particulièrement importantes et menacent, en particulier, la pérennité même des sociétés du groupe CELLUSONIC ; qu'elles font ainsi ressortir une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation des requérants pour caractériser une situation d'urgence ; que si le ministre fait valoir l'intérêt de santé publique qui s'attache à la poursuite de l'exécution du décret attaqué, il résulte de ce qui a été dit précédemment que cette circonstance n'apparaît pas suffisante, en l'état de l'instruction, pour faire obstacle à ce que la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative soit, en l'espèce, regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, qu'il y a lieu de suspendre l'exécution du décret du 11 avril 2011 relatif à l'interdiction de la pratique d'actes de lyse adipocytaire à visée esthétique jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur les requêtes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement, d'une part, d'une somme globale de 3 000 euros à la SARL CELLUSONIC GROUP et autres et, d'autre part, d'une somme globale de 3 000 euros à Mme A et autres ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les requêtes en annulation présentées par la SARL CELLUSONIC GROUP et autres et pour Mme A et autres, l'exécution du décret n° 2011-382 du 11 avril 2011 est suspendue.

Article 2 : L'Etat versera une somme globale de 3 000 euros à la SARL CELLUSONIC GROUP et autres et une somme globale de 3 000 euros à Mme A et autres en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL CELLUSONIC GROUP, la SARL CELLUCABINE, la SARL CELLUCONCEPT, la SARL CELLUCARNOT, la SARL INSTITUT CELLUSONIC, la SARL CELLUOPERA, à Mme Valérie A, Mme Ghislaine B, Mme Elisabeth Julia C, M. Philippe D, M. Michel E, Mme Brigitte F, M. Thierry G, Mme Catherine H, M. Jacques I, M. Christian J, Mme Sylvie K, Mme Véronique L, M. Jean-Michel M, Mme Régine N, M. Philippe Gérard O, M. Jean-Pascal P, Mme Mila Chantal Q, au CENTRE LASER INTERNATIONAL DE LA PEAU DE PARIS, au GROUPE DE RÉFLEXION EN CHIRURGIE DERMATOLOGIQUE, à la SELARL DOCTEUR DOMINIQUE DEBRAY, à la SOCIÉTÉ CIVILE DE MOYENS SCM 55-57 AVENUE MARCEAU, à la SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE DERMATOLOGIE CHIRURGICALE ET ESTHÉTIQUE, au SYNDICAT AUTONOME DES GÉNÉRALISTES EN ACTIVITÉ - MÉDECINS GÉNÉRALISTES, au SYNDICAT NATIONAL DES JEUNES MÉDECINS GÉNÉRALISTES, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 349435
Date de la décision : 17/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2011, n° 349435
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jacques-Henri Stahl
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:349435.20110617
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