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20/06/2011 | FRANCE | N°348878

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 20 juin 2011, 348878


Vu l'ordonnance n° 1100810 du 22 avril 2011, enregistrée le 2 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon, avant qu'il soit statué sur la demande du préfet du Var tendant à la suspension de l'arrêté du 30 septembre 2010 du maire de la COMMUNE DE ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS (Var) accordant à la SCI Rochebrune un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment de stockage comportant un atelier, un show room, des bureaux et un logement de fonction sur un terrain situé dans la zone d'aménagement concert

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Vu l'ordonnance n° 1100810 du 22 avril 2011, enregistrée le 2 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Toulon, avant qu'il soit statué sur la demande du préfet du Var tendant à la suspension de l'arrêté du 30 septembre 2010 du maire de la COMMUNE DE ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS (Var) accordant à la SCI Rochebrune un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment de stockage comportant un atelier, un show room, des bureaux et un logement de fonction sur un terrain situé dans la zone d'aménagement concerté des Garillans, a décidé, en application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2011 au greffe du tribunal administratif de Toulon, présenté par la COMMUNE DE ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS, représentée par son maire, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la COMMUNE DE ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la COMMUNE DE ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS,

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois ; qu'aux termes du quatrième alinéa du même article : Jusqu'à ce que le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui ait statué, la demande de suspension en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public formulée par le représentant de l'Etat dans les dix jours à compter de la réception de l'acte entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception, si le juge des référés n'a pas statué, l'acte redevient exécutoire ;

Considérant que la COMMUNE DE ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS soutient que les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et devant la justice et les droits de la défense, garantis respectivement par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, en ce qu'elles réservent au représentant de l'Etat dans le département le droit de demander au tribunal administratif de suspendre un acte pris par une autorité communale sans devoir justifier d'une condition d'urgence et d'obtenir, de droit, cette suspension lorsque sa demande est formulée en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public dans les dix jours à compter de la réception de l'acte ;

Considérant, en premier lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

Considérant qu'il résulte des dispositions du sixième alinéa de l'article 72 de la Constitution que le représentant de l'Etat dans le département a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ; que, sur le fondement de ces dispositions, le législateur lui a confié la charge de déférer au tribunal administratif, dans les deux mois suivant leur transmission, les actes des autorités communales mentionnés à l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales qu'il estime contraires à la légalité ; que, pour l'exercice de cette mission, le représentant de l'Etat dans le département ne se trouve pas placé dans la même situation que les autres requérants qui demandent la suspension de l'exécution des actes des autorités communales ; que si le représentant de l'Etat dans le département peut demander au juge administratif la suspension des actes des autorités communales sans être tenu de justifier d'une condition d'urgence et obtenir, de droit, cette suspension lorsque sa demande est formulée en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public dans les dix jours à compter de la réception de l'acte, alors que les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative imposent aux requérants autres que le préfet, qui demandent la suspension de l'exécution d'une décision de l'autorité communale, de justifier de l'urgence à suspendre cette décision et de faire état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité, cette différence de traitement est justifiée par la nature particulière de la mission confiée au représentant de l'Etat dans le département ; que la différence de traitement résultant des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, qui répond à un but d'intérêt général et est en rapport direct avec l'objet de ces dispositions, ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi et devant la justice ;

Considérant, en second lieu, que, dès lors que le troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales prévoit que le représentant de l'Etat dans le département peut assortir son recours contre un acte d'une autorité communale d'une demande de suspension de son exécution sans être tenu de justifier de l'urgence d'une telle suspension, il ne peut être utilement soutenu que l'autorité communale ou le bénéficiaire de l'acte déféré serait privé, en méconnaissance du principe des droits de la défense garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, du droit d'exciper devant le juge administratif de l'absence d'urgence à suspendre l'acte déféré par le représentant de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Toulon.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE ROQUEBRUNE-SUR-ARGENS, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et au préfet du Var.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Toulon.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 348878
Date de la décision : 20/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2011, n° 348878
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: M. Edouard Geffray
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:348878.20110620
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