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22/06/2011 | FRANCE | N°319240

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 22 juin 2011, 319240


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 4 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Boris A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05MA00519 du 4 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 9504156 du 14 décembre 2004 du tribunal administratif de Nice en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et d

es pénalités correspondantes au titre des gains obtenus lors du tournoi...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 4 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Boris A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05MA00519 du 4 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 9504156 du 14 décembre 2004 du tribunal administratif de Nice en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes au titre des gains obtenus lors du tournoi de tennis de Paris-Bercy de 1992 et des tournois de tennis de Monte-Carlo de 1990, 1991 et 1992 et, d'autre part, l'a rétabli au rôle des cotisations d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes au titre des années 1990 et 1991 en tant qu'elles se rapportent aux sommes perçues à l'occasion des tournois de Roland-Garros de 1990 et 1991 et de Paris-Bercy de 1990 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Hemery, Thomas-Raquin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la de la SCP Hemery, Thomas-Raquin, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier, M. Boris A a fait l'objet d'un redressement, selon la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 66 et L. 67 du livre des procédures fiscales, au terme duquel les revenus perçus au titre des prestations sportives qu'il avait exécutées en France au cours des années 1990, 1991 et 1992 ont été imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 avril 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir constaté que seules restaient en litige les cotisations d'impôt sur le revenu et les pénalités correspondantes relatives aux gains liés aux tournois de tennis de Roland-Garros de 1990 et 1991, de Paris-Bercy de 1990 et de Monte-Carlo de 1990 et 1991 et accueilli la demande de substitution de base légale de l'administration tendant à imposer ces gains dans la catégorie des traitements et salaires et non dans celle des bénéfices non commerciaux, a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 14 décembre 2004 du tribunal administratif de Nice en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes au titre des gains obtenus lors des tournois de tennis de Paris-Bercy de 1992 et de Monte-Carlo de 1990, 1991 et 1992 et, d'autre part, l'a rétabli, sur appel incident de l'administration, au rôle des cotisations d'impôt sur le revenu des années 1990 et 1991 en ce qui concerne les sommes perçues à l'occasion des tournois de Roland-Garros de 1990 et 1991 et de Paris-Bercy de 1990 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 762-1 du code du travail, devenu l'article L. 7121-3 du code du travail : " Tout contrat par lequel une personne physique ou morale s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. / Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n'est pas non plus détruite par la preuve que l'artiste conserve la liberté d'expression de son art, qu'il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu'il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder, dès lors qu'il participe personnellement au spectacle (...) " ; que ces dispositions, eu égard à la généralité de leurs termes, qui ne définissent pas de manière limitative les artistes du spectacle et n'imposent aucun aspect culturel particulier à l'activité déployée par ceux-ci, sont applicables aux joueurs de tennis professionnels engagés dans des tournois du type de ceux que la fédération française de tennis organise ; qu'aucune disposition du code général des impôts ne fait obstacle à ce que les gains perçus par ces joueurs soient classés pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires ;

En ce qui concerne les gains obtenus lors des tournois de Monte-Carlo :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A n'a produit aucun document établissant que les gains déclarés par la fédération française de tennis pour les tournois de Monte-Carlo de 1990 et 1991 auxquels il a participé ne lui auraient pas été versés directement ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la cour a dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'il n'avait pas apporté la preuve qu'il n'était pas le destinataire final des sommes correspondant aux gains obtenus lors de ces deux tournois ; que, d'autre part, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les prestations sportives qu'il a accomplies à l'occasion de ces tournois étaient, en application des dispositions de l'article L. 762-1 du code du travail précitées, intervenues dans le cadre d'un contrat de travail et que les gains perçus à cette occasion devaient donner lieu à imposition en France dans la catégorie des traitements et salaires ;

En ce qui concerne les gains obtenus lors des tournois de Roland-Garros et de Paris-Bercy :

Considérant, en premier lieu, que la présomption édictée par les dispositions de l'article L. 762-1 du code du travail citées ci-dessus ne suppose pas la constatation de l'existence d'un lien de subordination entre l'entrepreneur de spectacle et la personne qui se produit et n'exige pas que le contrat conclu en vue de sa production soit passé directement avec elle, ni que la rémunération lui soit versée directement par l'entrepreneur de spectacles ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les prestations sportives qu'il a accomplies en 1990 et 1991 à l'occasion des tournois de tennis de Roland-Garros et de Paris-Bercy organisés par la fédération française de tennis étaient, conformément aux dispositions de l'article L. 762-1 du code du travail précitées, intervenues dans le cadre d'un contrat de travail et que les gains perçus lors de ces tournois, qui avaient été versés à un intermédiaire de droit néerlandais, la société TIVI TOURNAMENT BV, pouvaient être imposés en France dans la catégorie des traitements et salaires ;

Considérant, en second lieu, que lorsqu'un contribuable a confié à un tiers le soin d'encaisser ses revenus professionnels, les sommes versées à ce tiers sont réputées être aussitôt mises à la disposition du contribuable, quelles que soient la date et les modalités de leur reversement effectif ; qu'en jugeant que M. A pouvait être regardé comme le destinataire final des gains obtenus lors des tournois de Roland-Garros de 1990 et 1991 et de Paris-Bercy de 1990 versés par la fédération française de tennis à la société TIVI TOURNAMENT BV, dès lors que cette société de droit néerlandais agissait en qualité de mandataire de M. A en exécution des clauses d'un contrat qui la liait à ce sportif, et en relevant qu'il n'était au demeurant pas établi ni même allégué par M. A qu'il n'aurait jamais perçu les sommes versées par la fédération française de tennis du fait de sa participation à ces tournois, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Boris A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 319240
Date de la décision : 22/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. TRAITEMENTS, SALAIRES ET RENTES VIAGÈRES. PERSONNES ET REVENUS IMPOSABLES. - 1) REVENUS DE TOURNOIS EN FRANCE PERÇUS PAR UN INTERMÉDIAIRE ÉTRANGER POUR LE COMPTE D'UN SPORTIF - APPLICATION DE L'ARTICLE L. 762-1 DU CODE DU TRAVAIL - EXISTENCE - 2) PRÉSOMPTION LÉGALE DE CONTRAT DE TRAVAIL (ART. L. 762-1 DU CODE DU TRAVAIL) - CRITÈRES - 3) APPLICATION A L'ESPÈCE - IMPOSITION DES GAINS EN FRANCE DANS LA CATÉGORIE DES TRAITEMENTS ET SALAIRES [RJ1].

19-04-02-07-01 1) Les dispositions de l'article L. 762-1 du code du travail (devenu l'article L. 7121-3), eu égard à la généralité de leurs termes, qui ne définissent pas de manière limitative les artistes du spectacle et n'imposent aucun aspect culturel particulier à l'activité déployée par ceux-ci, sont applicables aux joueurs de tennis professionnels engagés dans des tournois du type de ceux que la Fédération française de tennis organise. Aucune disposition du code général des impôts ne fait obstacle à ce que les gains perçus par ces joueurs soient classés pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.... ...2) La présomption légale de contrat de travail édictée par les dispositions de l'article L. 762-1 du code du travail ne suppose pas la constatation de l'existence d'un lien de subordination entre l'entrepreneur de spectacle et la personne qui se produit et n'exige pas que le contrat conclu en vue de sa production soit passé directement avec elle, ni que la rémunération lui soit versée directement par l'entrepreneur de spectacles.... ...3) Les gains perçus lors de tournois en France par un joueur de tennis professionnel, qui avaient été versés à un intermédiaire de droit néerlandais, pouvaient être imposés en France dans la catégorie des traitements et salaires.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 8 juillet 1988, Association Le circuit de l'Aulne, n° 60731, T. p. 760.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2011, n° 319240
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Edouard Geffray
Avocat(s) : SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:319240.20110622
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