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01/07/2011 | FRANCE | N°345938

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 01 juillet 2011, 345938


Vu, 1° sous le n° 345938, le mémoire, enregistré le 5 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES (SEPR), dont le siège est 18, avenue d'Alsace à Courbevoie (92400), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la SEPR demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 08MA04971 du 20 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, d'une part, le jugement n° 0620980 du 2 octobre 2008 par lequel le

tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande du comité d...

Vu, 1° sous le n° 345938, le mémoire, enregistré le 5 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES (SEPR), dont le siège est 18, avenue d'Alsace à Courbevoie (92400), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la SEPR demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 08MA04971 du 20 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, d'une part, le jugement n° 0620980 du 2 octobre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande du comité d'établissement de la SEPR tendant à l'annulation de la décision du 23 août 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté la demande du syndicat CGT de l'établissement du Pontet de la SEPR d'inscription de cet établissement sur la liste ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, d'autre part, cette décision, et a enjoint au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité d'inscrire l'établissement du Pontet de la SEPR sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipé d'activité des travailleurs de l'amiante, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 modifiée par l'article 119 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;

Vu, 2° sous le n° 347420, le mémoire, enregistré le 5 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la même SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES (SEPR) ; la SEPR demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêt n° 08MA04971 du 20 décembre 2010 de la cour administrative d'appel de Marseille, de renvoyer au Conseil constitutionnel la même question de conformité à la Constitution de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale, pour les mêmes motifs que sous le n° 345938 ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, notamment son article 41 dans sa rédaction issue de l'article 119 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Chrystelle Naudan-Carastro, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES et de Me Spinosi, avocat du comité d'établissement de la SEPR,

- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES et à Me Spinosi, avocat du comité d'établissement de la SEPR ;

Considérant que les mémoires visés ci-dessus soulèvent les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 visée ci-dessus, dans sa rédaction issue de l'article 119 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 : " Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : / 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif " ; que le VII de ce même article dispose : " - 1. Un décret en Conseil d'Etat définit : / - les activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante mentionnées au I ; / - les conditions de fixation des périodes de référence mentionnées au 1° du I ; / - ainsi que les critères permettant d'établir le caractère significatif de l'exercice des activités précitées mentionné au 1° du I. " ;

Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en facilitant financièrement, par l'octroi d'une allocation spécifique, le choix d'un départ anticipé de la part de salariés travaillant ou ayant travaillé dans des établissements dont la fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou de flocage et de calorifugeage à l'amiante, représente une " part significative " de leur activité, la disposition législative litigieuse introduit une distinction fondée sur une différence de situation entre les salariés, selon qu'ils sont ou non susceptibles d'avoir été exposés à la poussière d'amiante dans l'établissement dans lequel ils travaillent, et entre les entreprises selon qu'elles emploient ou non ces salariés, qui est fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport direct avec le but que s'est assigné le législateur ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu le principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ;

Considérant que, alors même qu'elle rend possible le départ de l'ensemble des salariés d'un établissement ayant atteint un âge déterminé dès lors qu'ils sont susceptibles d'avoir été exposés à la poussière d'amiante, la disposition législative litigieuse n'a pas, eu égard à l'objectif d'intérêt général que constitue le départ anticipé à la retraite des travailleurs exposés à ce risque, porté une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre ;

Considérant qu'en faisant dépendre le bénéfice de l'allocation de la " part significative " de l'activité de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou de flocage et de calorifugeage à l'amiante, dans l'activité globale de l'établissement, le législateur a retenu, pour l'application des droits et libertés constitutionnellement garantis, un critère suffisamment précis au regard de la détermination des principes fondamentaux des obligations civiles et du droit de la sécurité sociale ; qu'il n'est, dès lors, pas resté en deçà de la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES, au Premier ministre et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au comité d'établissement de la société européenne des produits réfractaires.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 345938
Date de la décision : 01/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - ARTICLE 41 DE LA LOI DU 23 DÉCEMBRE 1998 - PRINCIPE D'ÉGALITÉ.

54-10-05-04-02 En facilitant financièrement, par l'octroi d'une allocation spécifique, le choix d'un départ anticipé de la part de salariés travaillant ou ayant travaillé dans des établissements dont la fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou de flocage et de calorifugeage à l'amiante, représente une « part significative » de leur activité, l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, dans sa rédaction issue de l'article 119 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, introduit une distinction fondée sur une différence de situation entre les salariés, selon qu'ils sont ou non susceptibles d'avoir été exposés à la poussière d'amiante dans l'établissement dans lequel ils travaillent, et entre les entreprises selon qu'elles emploient ou non ces salariés, qui est fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport direct avec le but que s'est assigné le législateur. Elle n'a, dès lors, pas méconnu les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Par suite, la QPC soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

SANTÉ PUBLIQUE - LUTTE CONTRE LES FLÉAUX SOCIAUX - VERSEMENT D'UNE ALLOCATION DE CESSATION ANTICIPÉE D'ACTIVITÉ AUX SALARIÉS ET ANCIENS SALARIÉS DES ÉTABLISSEMENTS DE FABRICATION DE MATÉRIAUX CONTENANT DE L'AMIANTE - DANS LESQUELS LES OPÉRATIONS LIÉES À L'AMIANTE REPRÉSENTAIENT UNE PART SIGNIFICATIVE DE L'ACTIVITÉ (ART - 41 DE LA LOI DU 23 DÉCEMBRE 1998) - VIOLATION DES PRINCIPES D'ÉGALITÉ DEVANT LA LOI ET DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES - ABSENCE.

61-03 En facilitant financièrement, par l'octroi d'une allocation spécifique, le choix d'un départ anticipé de la part de salariés travaillant ou ayant travaillé dans des établissements dont la fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou de flocage et de calorifugeage à l'amiante, représente une « part significative » de leur activité, l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, dans sa rédaction issue de l'article 119 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, introduit une distinction fondée sur une différence de situation entre les salariés, selon qu'ils sont ou non susceptibles d'avoir été exposés à la poussière d'amiante dans l'établissement dans lequel ils travaillent, et entre les entreprises selon qu'elles emploient ou non ces salariés, qui est fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport direct avec le but que s'est assigné le législateur. Elle n'a, dès lors, pas méconnu les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Par suite, la QPC soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - VERSEMENT D'UNE ALLOCATION DE CESSATION ANTICIPÉE D'ACTIVITÉ AUX SALARIÉS ET ANCIENS SALARIÉS DES ÉTABLISSEMENTS DE FABRICATION DE MATÉRIAUX CONTENANT DE L'AMIANTE - DANS LESQUELS LES OPÉRATIONS LIÉES À L'AMIANTE REPRÉSENTAIENT UNE PART SIGNIFICATIVE DE L'ACTIVITÉ (ART - 41 DE LA LOI DU 23 DÉCEMBRE 1998) - VIOLATION DES PRINCIPES D'ÉGALITÉ DEVANT LA LOI ET DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES - ABSENCE.

66-03 En facilitant financièrement, par l'octroi d'une allocation spécifique, le choix d'un départ anticipé de la part de salariés travaillant ou ayant travaillé dans des établissements dont la fabrication de matériaux contenant de l'amiante, ou de flocage et de calorifugeage à l'amiante, représente une « part significative » de leur activité, l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, dans sa rédaction issue de l'article 119 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, introduit une distinction fondée sur une différence de situation entre les salariés, selon qu'ils sont ou non susceptibles d'avoir été exposés à la poussière d'amiante dans l'établissement dans lequel ils travaillent, et entre les entreprises selon qu'elles emploient ou non ces salariés, qui est fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport direct avec le but que s'est assigné le législateur. Elle n'a, dès lors, pas méconnu les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Par suite, la QPC soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2011, n° 345938
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Chrystelle Naudan-Carastro
Rapporteur public ?: Mme Claire Landais
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:345938.20110701
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