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06/07/2011 | FRANCE | N°348209

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 06 juillet 2011, 348209


Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la CGC CENTRALE et la CGC-DGFIP, dont les sièges sont au 2, rue Neuve Saint-Pierre à Paris (75181 Cedex 04), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la CGC CENTRALE et la CGC-DGFIP demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de dispositions du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics et

, d'autre part, à ce que des dispositions de la loi n° 2010-751 ...

Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la CGC CENTRALE et la CGC-DGFIP, dont les sièges sont au 2, rue Neuve Saint-Pierre à Paris (75181 Cedex 04), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la CGC CENTRALE et la CGC-DGFIP demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de dispositions du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics et, d'autre part, à ce que des dispositions de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique soient déclarées contraires à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et à la Charte sociale européenne, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du premier alinéa du III de l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983, du deuxième alinéa du III et du IV de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984, des alinéas 2, 3 et 4 de l'article 9bis de la loi du 13 juillet 1983 tels qu'il résultent des articles 1er, 4 et 9 de cette même loi du 5 juillet 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 juin 2011, présentée par la CGC CENTRALE et la CGC-DGFIP ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 83-134 du 17 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

Vu la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Aïdara, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ; qu'aux termes du même article " En tout état de cause, le Conseil d'Etat (...) doit, lorsqu'il est saisi de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel " ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa du III de l'article 8bis inséré dans la loi du 13 juillet 1983 par l'article premier de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation. " ; qu'aux termes du deuxième alinéa du III de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 modifié par l'article 9 de la loi du 5 juillet 2010 : " Les représentants du personnel siégeant aux comités techniques sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle dans les conditions définies à l'article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée. " ; que ces dispositions sont applicables au présent litige ; qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;

Considérant que les organisations syndicales requérantes soutiennent que les dispositions de la loi du 5 juillet 2010 précitées, en tant qu'elles ne permettent pas une représentation des organisations syndicales catégorielles dans ces organismes consultatifs, faute d'élection des représentants du personnel dans un collège électoral particulier, correspondant aux catégories de personnel qu'elles ont statutairement vocation à représenter, alors que de tels collèges sont prévus tant pour la représentation des agents de la fonction publique hospitalière, en vertu d'autres dispositions de la même loi que pour celle des salariés du secteur privé, en vertu des dispositions de l'article 2 de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, portent atteinte au principe d'égalité énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que, toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que les agents de la fonction publique de l'Etat se trouvent dans une situation différente tant des agents de la fonction publique hospitalière que des salariés du secteur privé ; que la différence de représentation qu'instituent ces lois qui rénovent le fonctionnement du dialogue social est en rapport avec leurs objets ; qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du IV de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 modifié par l'article 9 de la loi du 5 juillet 2010 : " Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article" ; que les syndicats requérants soutiennent qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination des conditions d'application des dispositions mentionnées à l'article 9 de cette loi, après avoir, par celles de premier alinéa du III de l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983 et du deuxième alinéa du III de l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984, respectivement fixé à au moins un siège dans les organismes consultatifs le seuil de représentativité des organisations syndicales pour participer à des négociations collectives au niveau national et précisé le mode de scrutin pour l'élection des représentants du personnel aux comités techniques, sans jamais avoir mentionné le nombre, même minimal, des sièges au sein de ces organismes consultatifs, la loi a méconnu les dispositions de l'article 34 de la Constitution et porté atteinte à la liberté syndicale et au droit à participer à la détermination des conditions de travail, respectivement garantis par les dispositions des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ; que, toutefois, après avoir déterminé par les dispositions susmentionnées les conditions de la représentativité syndicale, le législateur a pu renvoyer, sans porter de ce seul fait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, au pouvoir réglementaire le soin de préciser la composition numérique de ces organismes consultatifs ; que, dès lors, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des trois premiers alinéas de l'article 9 bis de la loi du 13 juillet 1983 modifié par l'article 4 de la loi du 5 juillet 2010 : " (...) Peuvent se présenter aux élections professionnelles : / 1° Les organisations syndicales de fonctionnaires qui, dans la fonction publique où est organisée l'élection, sont légalement constituées depuis au moins deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts et satisfont aux critères de respect des valeurs républicaines et d'indépendance ; / 2° Les organisations syndicales de fonctionnaires affiliées à une union de syndicats de fonctionnaires qui remplit les conditions mentionnées au 1°. " ; que ces dispositions ne font pas par elles-mêmes obstacle à ce que toute organisation syndicale présente des candidats à une élection professionnelle dès lors que cette organisation, ou l'union à laquelle elle est affiliée, remplit les conditions légales d'existence depuis au moins deux ans et satisfait aux critères d'indépendance et de respect des valeurs républicaines ; que, par suite, alors même que les règles applicables aux salariés du secteur privé sont différentes, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi et ne font obstacle ni à la libre organisation des syndicats, ni ne portent atteinte à la liberté syndicale ou au droit de tout travailleur à participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ; qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la CGC-CENTRALE et la CGC-DGFIP.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CGC-CENTRALE, à la CGC-DGFIP, au Premier ministre et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 348209
Date de la décision : 06/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - COMITÉS TECHNIQUES PARITAIRES - COMPOSITION - QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ - NON-RENVOI - DISPOSITIONS DE LA LOI N° 2010-751 DU 5 JUILLET 2010 - PRINCIPE D'ÉGALITÉ [RJ1].

36-07-06-02 Le moyen tiré de ce que les dispositions de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010, en tant qu'elles ne permettent pas une représentation des organisations syndicales catégorielles dans les organismes consultatifs de la fonction publique de l'Etat, faute d'élection des représentants du personnel dans un collège électoral particulier, correspondant aux catégories de personnel qu'elles ont statutairement vocation à représenter, méconnaissent le principe d'égalité énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas un caractère sérieux, alors même que de tels collèges sont prévus tant pour la représentation des agents de la fonction publique hospitalière que pour celle des salariés du secteur privé, dès lors qu'il n'existe pas de droit, pour chaque catégorie d'agents, d'être représentée par un syndicat ayant vocation à la représenter de façon exclusive.

PROCÉDURE - DISPOSITIONS DE LA LOI N° 2010-751 DU 5 JUILLET 2010 - PRINCIPE D'ÉGALITÉ [RJ1].

54-10-05-04-02 Le moyen tiré de ce que les dispositions de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010, en tant qu'elles ne permettent pas une représentation des organisations syndicales catégorielles dans les organismes consultatifs de la fonction publique de l'Etat, faute d'élection des représentants du personnel dans un collège électoral particulier, correspondant aux catégories de personnel qu'elles ont statutairement vocation à représenter, méconnaissent le principe d'égalité énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne présente pas un caractère sérieux, alors même que de tels collèges sont prévus tant pour la représentation des agents de la fonction publique hospitalière que pour celle des salariés du secteur privé, dès lors qu'il n'existe pas de droit, pour chaque catégorie d'agents, d'être représentée par un syndicat ayant vocation à la représenter de façon exclusive.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour l'application du principe d'égalité aux syndicats, Cons. Const., 7 octobre 2010, Syndicat CGT-FO, n° 2010-42 QPC.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2011, n° 348209
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: M. Alexandre Aïdara
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:348209.20110706
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