La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2011 | FRANCE | N°341864

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 08 juillet 2011, 341864


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet et 25 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-Louis A, demeurant au ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NC00905 du 3 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit au recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat a, d'une part, annulé le jugement du 12 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge

des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles i...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet et 25 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-Louis A, demeurant au ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09NC00905 du 3 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit au recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat a, d'une part, annulé le jugement du 12 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 en conséquence du refus de l'administration de les faire bénéficier des dispositions de l'article 151 octies du code général des impôts et, d'autre part, remis intégralement à leur charge le complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. et Mme A,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont procédé, en février 2000, à la transformation juridique de leur exploitation individuelle agricole en société civile d'exploitation agricole ; qu'à cette occasion, ils ont constaté une plus-value à long terme sur les éléments d'actifs incorporels, les terrains et les bâtiments, taxée au titre de l'exercice clos le 31 janvier 2000, ainsi qu'une plus-value à court terme sur les installations, matériels, outillages et autres immobilisations, qui a été placée sous le régime de faveur prévu par l'article 151 octies du code général des impôts ; que le bénéfice du report d'imposition de cette plus-value a été remis en cause par l'administration fiscale ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 3 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit au recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a annulé le jugement du 12 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 en conséquence de ce redressement et remis à leur charge les impositions litigieuses ;

Considérant qu'aux termes de l'article 151 octies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : I. Les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies et réalisées par une personne physique à l'occasion de l'apport à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle ou de l'apport d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier des dispositions suivantes : a. L'imposition des plus-values afférentes aux immobilisations non amortissables fait l'objet d'un report jusqu'à la date de la cession à titre onéreux ou du rachat des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport de l'entreprise ou jusqu'à la cession de ces immobilisations par la société si elle est antérieure (...) b. L'imposition des plus-values afférentes aux autres immobilisations est effectuée au nom de la société bénéficiaire de l'apport selon les modalités prévues au d du 3 de l'article 210 A pour les fusions de sociétés (...) ; que, pour l'application de ces dispositions, l'apport de l'ensemble des éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle peut comprendre des éléments du passif de l'exploitation, à l'exclusion des dettes personnelles de l'apporteur sans lien avec l'exploitation ; que le bénéfice du report d'imposition prévu à cet article est soumis à la condition que l'actif immobilisé net des éléments de passif éventuellement compris dans l'apport et directement attachés à ces immobilisations ait été rémunéré exclusivement sous forme d'actions ou de parts sociales de la société bénéficiaire de l'apport ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'occasion de l'opération d'apport de l'entreprise individuelle agricole de M. et Mme A à la société civile d'exploitation agricole Van Houtte, des prêts à court et moyen terme de trésorerie d'un montant de 400 000 F et de 97 142 F ont été déduits de la valeur des apports pour la constitution du capital et l'attribution des parts sociales, alors que la majeure partie de l'actif circulant n'a pas été apportée ; que par suite, sur le terrain de la loi fiscale, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la prise en charge, par la société, d'éléments de passif autres que ceux dont étaient grevés les éléments d'actif apportés par M. et Mme A, ne permettait pas à ces derniers de bénéficier du report d'imposition prévu par l'article 151 octies du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les contribuables se prévalaient, sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, des réponses ministérielles des 20 et 23 février 1995 aux questions posées respectivement par MM. Borloo et Fosset, aux termes desquelles, pour l'application de l'article 151 octies du code général des impôts, l'apport peut s'accompagner de la prise en charge des éléments de passif qui sont directement attachés à l'entreprise ; que cette doctrine administrative constitue une interprétation formelle de la loi fiscale qui est opposable à l'administration en ce qu'elle admet que les titres reçus en contrepartie de l'apport peuvent rémunérer la valeur des immobilisations apportées nette de tous éléments de passif directement attachés à l'entreprise individuelle de l'apporteur, et non seulement des éléments de passif directement attachés aux immobilisations de cette entreprise ; que, dès lors, en jugeant que M. et Mme A ne pouvaient se prévaloir de l'interprétation donnée des dispositions de l'article 151 octies du code général des impôts par ces réponses au motif qu'elles ne visaient pas les éléments de passif autres que ceux grevant les éléments apportés, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 3 juin 2010 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 341864
Date de la décision : 08/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2011, n° 341864
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:341864.20110708
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award