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13/07/2011 | FRANCE | N°332132

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13 juillet 2011, 332132


Vu, 1° sous le n° 332132, le pourvoi, enregistré le 18 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le PARQUET GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES, dont le siège est 13, rue Cambon à Paris 01 SP (75100) ; le PARQUET GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 55525 du 15 juillet 2009 par lequel la Cour des comptes, statuant définitivement, a annulé le jugement du 15 octobre 2004 par lequel la chambre régionale des comptes de Picardie a fixé définitivement la ligne de compte de la gestion de fait de l'

Association de formation des élus méruviens (AFEM) ainsi que les juge...

Vu, 1° sous le n° 332132, le pourvoi, enregistré le 18 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le PARQUET GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES, dont le siège est 13, rue Cambon à Paris 01 SP (75100) ; le PARQUET GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 55525 du 15 juillet 2009 par lequel la Cour des comptes, statuant définitivement, a annulé le jugement du 15 octobre 2004 par lequel la chambre régionale des comptes de Picardie a fixé définitivement la ligne de compte de la gestion de fait de l'Association de formation des élus méruviens (AFEM) ainsi que les jugements provisoires des 30 avril 1998, 28 novembre 2000 et 2 décembre 2003 ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour des comptes ;

Vu, 2° sous le n° 332134, le pourvoi, enregistré le 18 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le PARQUET GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES, dont le siège est 13, rue Cambon à Paris 01 Sp (75100) ; le PARQUET GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 55531 du 15 juillet 2009 par lequel la Cour des comptes, statuant définitivement, a annulé le jugement du 15 octobre 2004 par lequel la chambre régionale des comptes de Picardie a fixé définitivement la ligne de compte de la gestion de fait de l'association " Les amis de Méru information " (AMI) ainsi que les jugements provisoires des 30 avril 1998, 28 novembre 2000 et 2 décembre 2003 ;

2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour des comptes ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Aurélie Bretonneau, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A et de M. B,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A et de M. B ;

Considérant que, statuant à titre définitif par deux jugements du 15 octobre 2004, la chambre régionale des comptes de Picardie a fixé la ligne de compte de la gestion de fait de l'association " Les amis de Méru Information " (AMI) et de l'" Association de formation des élus méruviens " (AFEM), a déclaré MM. A et B conjointement et solidairement débiteurs des deniers de la commune à hauteur, pour chaque association, respectivement de 95 285,98 € et de 152 618,06 €, ces sommes portant intérêt à compter du 31 décembre 1995, et les a condamnés au paiement de deux amendes de 300 euros chacun en raison de leur immixtion dans les fonctions de comptable public ; que les appels présentés par MM. A et B auprès de la Cour des comptes ont été rejetés par deux arrêts du 24 novembre 2005 contre lesquels les requérants se sont pourvus en cassation ; que par une décision du 16 juin 2008, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé les deux arrêts du 24 novembre 2005 et renvoyé les affaires devant la Cour des comptes ; que le PARQUET GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DES COMPTES se pourvoit en cassation contre les arrêts n° 55525 et n° 55531 du 15 juillet 2009 par lesquels la Cour des comptes a statué sur ces affaires après renvoi ;

Considérant que les deux pourvois du PARQUET GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DES COMPTES présentent à juger des questions similaires ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Considérant, en premier lieu, qu'en énonçant que l'irrégularité des jugements provisoires du 30 avril 1998, relevée par le Conseil d'Etat, dans les motifs constituant le soutien nécessaire de sa décision de cassation, viciait non seulement les jugements définitifs du 15 octobre 2004, mais également l'ensemble des jugements des 30 avril 1998, 28 novembre 2000 et 2 décembre 2003, pour en déduire qu'il y avait lieu d'annuler l'ensemble de ces jugements, la Cour des comptes a suffisamment motivé son arrêt ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions, alors en vigueur, du code des juridictions financières, précisant que seuls les jugements définitifs ou les dispositions définitives des jugements des chambres régionales des comptes étaient susceptibles d'appel, ne faisaient pas obstacle à ce que la Cour des comptes, saisie en appel de tels jugements ou dispositions définitifs, annulât, le cas échéant d'office, les jugements provisoires au vu desquels ils seraient intervenus et dont l'irrégularité entacherait tout ou partie de la procédure ; que doit ainsi être écarté le moyen tiré de ce que la Cour des comptes aurait commis une erreur de droit en annulant les dispositions provisoires des jugements des 30 avril 1998, 28 novembre 2000 et 2 décembre 2003 dont, au surplus, l'annulation ne lui aurait pas été demandée ;

Considérant, en troisième lieu, que le XI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963 dispose que : " Les gestions de fait sont soumises aux mêmes juridictions et entraînent les mêmes obligations et responsabilités que les gestions régulières " ; que ces dispositions rendent ainsi applicable au jugement des comptes d'une gestion de fait le IV du même article, qui précise, dans sa version applicable au jugement des comptes des deux associations citées ci-dessus, que : " Le premier acte de la mise en jeu de la responsabilité ne peut plus intervenir au-delà du 31 décembre de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle le comptable a produit ses comptes au juge des comptes ou, lorsqu'il n'est pas tenu à cette obligation, celle au cours de laquelle il a produit les justifications de ses opérations. / Pour les comptes et les justifications des opérations qui ont été produits au plus tard le 31 décembre 2004, le délai prévu à l'alinéa précédent est décompté à partir de la production de ces comptes ou justifications. / Dès lors qu'aucune charge n'a été notifiée dans ce délai à son encontre, le comptable est déchargé de sa gestion au titre de l'exercice concerné. Dans le cas où le comptable est sorti de fonction au cours de cet exercice et si aucune charge n'existe ou ne subsiste à son encontre pour l'ensemble de sa gestion, il est quitte de cette gestion " ;

Considérant qu'il ressort du dispositif de l'arrêt attaqué que la Cour des comptes a annulé l'ensemble des jugements mentionnés ci-dessus intervenus dans le cadre des procédures de jugement des comptes de la gestion de fait des associations l'AMI et de l'AFEM ; que, constatant qu'il résultait de ces annulations que plus rien ne subsistait des deux procédures de jugement des comptes depuis la déclaration définitive de gestion de fait du 30 avril 1998, elle a estimé que les règles de prescription citées ci-dessus faisaient obstacle à ce qu'elle engage une nouvelle procédure de jugement de ces comptes ;

Considérant, d'une part, que la Cour des comptes n'a, ce faisant, pas commis d'erreur de droit dans le calcul du délai de prescription de cinq ans mentionné ci-dessus qui, ayant commencé à courir à compter de la production des comptes le 23 octobre 1997, a été immédiatement suspendu à compter de cette date jusqu'à la déclaration définitive de gestion de fait du 30 avril 1998 et n'a, du fait de la disparition rétroactive des jugements annulés, pu être interrompu par l'intervention d'aucun de ces jugements ;

Considérant, d'autre part, que l'annulation, par l'article 1er du dispositif des arrêts attaqués, de l'ensemble des jugements intervenus dans le cadre de la procédure de jugement des comptes a eu pour effet de mettre un terme à cette procédure, aucun acte de mise en jeu de la responsabilité des comptables de fait n'étant intervenu jusqu'à l'expiration du délai de prescription le 1er janvier 2004 ; qu'en l'espèce, la Cour des comptes a régulièrement relevé dans les motifs de son arrêt que les règles de prescription s'opposaient à ce qu'elle procède, dans son dispositif, à une nouvelle autosaisine, qui aurait seule été à même de relancer la procédure ; que le moyen tiré de ce que la Cour des comptes aurait méconnu son office en s'abstenant soit de renvoyer l'affaire à la chambre régionale des comptes, soit d'évoquer pour juger elle-même les comptes de la gestion de fait des deux associations ne peut, ainsi, qu'être écarté ;

Considérant enfin que si les motifs des arrêts attaqués relèvent, ainsi qu'il a été dit, que par application des règles de prescription, MM. A et B sont réputés déchargés et quittes de leur gestion depuis le 1er janvier 2004, il ne résulte pas des dispositifs des arrêts attaqués que la Cour des comptes ait accordé le quitus à ces comptables, celle-ci s'étant simplement abstenue d'engager une nouvelle procédure de jugement des comptes de leur gestion de fait ; qu'il en résulte que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la Cour des comptes en déclarant quittes ces comptables de fait alors même qu'était encore pendante la question de l'amende susceptible de leur être infligée, dont la Cour des comptes s'est saisie par deux arrêts du même jour n° 55532 et n° 55526, est sans incidence sur le bien-fondé des arrêts attaqués ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PARQUET GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DES COMPTES n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du PARQUET GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES une somme à verser à MM. A et B sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois du PARQUET GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par MM. A et B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PARQUET GENERAL PRES LA COUR DES COMPTES, à M. Guy A, à M. Christian B, au Premier président de la Cour des comptes et à la ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-01-04-01 COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET. RÉGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES. JUGEMENT DES COMPTES. COUR DES COMPTES. - GESTION DE FAIT - RÈGLE DU DOUBLE ARRÊT - 1) IRRÉGULARITÉ D'UN JUGEMENT DÉFINITIF TROUVANT SA SOURCE DANS UNE IRRÉGULARITÉ DU JUGEMENT PROVISOIRE - POSSIBILITÉ D'ANNULER LE JUGEMENT PROVISOIRE - EXISTENCE [RJ1] - 2) PRESCRIPTION - JUGEMENTS PROVISOIRES AYANT INTERROMPU LE DÉLAI DE PRESCRIPTION - ANNULATION PAR LE JUGE - CONSÉQUENCE DE LA DISPARITION RÉTROACTIVE DE CES JUGEMENTS - ABSENCE D'INTERRUPTION DU DÉLAI DE PRESCRIPTION [RJ2].

18-01-04-01 1) Les dispositions du code des juridictions financières en vigueur sous l'empire de la règle dite du double arrêt précisant que seuls les jugements définitifs ou les dispositions définitives des jugements des chambres régionales des comptes étaient susceptibles d'appel ne faisaient pas obstacle à ce que la Cour des comptes, saisie en appel de tels jugements ou dispositions définitifs, annulât, le cas échéant d'office, les jugements provisoires au vu desquels ils seraient intervenus et dont l'irrégularité entacherait tout ou partie de la procédure. 2) En cas d'annulation par le juge du jugement provisoire qui avait interrompu le délai de prescription du jugement des comptes d'une gestion de fait, la disparition rétroactive de ce jugement emporte disparition de son effet interruptif.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 17 octobre 2003, Dugoin, n°s 237290-237291-237292, p. 408. Comp. CE, 23 avril 2009, Arnaud, n° 312481, inédite au Recueil., ,

[RJ2]

Rappr., s'agissant de l'absence de caractère interruptif ou suspensif du délai de prescription des actes d'une information ouverte sur constitution de partie civile, annulés par une chambre d'accusation en raison d'une incompétence territoriale, Cass. Crim., 3 avril 1997, Bull. crim. 1997, n° 134 ;

Cass. crim. 21 juin 2005, Bull. crim. 2005, n° 184.


Publications
Proposition de citation: CE, 13 jui. 2011, n° 332132
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mlle Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 13/07/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 332132
Numéro NOR : CETATEXT000024364434 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-07-13;332132 ?
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