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13/07/2011 | FRANCE | N°350274

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 13 juillet 2011, 350274


Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Sébastien A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 31 mars 2011 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant neuf mois aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la féd

ération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées ;

2°...

Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Sébastien A, demeurant ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 31 mars 2011 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant neuf mois aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'exécution de l'interdiction de participer pendant neuf mois aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts notamment à son activité sportive, son image et à sa rémunération ; que cette interdiction de participer aux prochaines compétitions préjudicie gravement à ses performances dans sa discipline dès lors qu'elles lui sont nécessaires pour conserver sa place en équipe de France et se maintenir à son meilleur niveau ; que la sanction prononcée n'est motivée que par des manquements d'ordre administratif et non pour des faits de dopage ; que cette sanction le prive du bénéfice de certaines ressources représentant un complément non négligeable au regard de son faible revenu d'activité ; qu'elle jette la suspicion sur son comportement à l'égard du dopage alors qu'il ne s'agit que de manquements administratifs ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'elle a été prise au terme d'une procédure contraire aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'au principe d'impartialité dès lors qu'il existe une confusion entre les pouvoirs de poursuite et les pouvoirs de sanction de l'Agence ; que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure le quorum n'ayant pas été atteint lorsque l'Agence a décidé de s'autosaisir ; qu'il n'a pas été régulièrement informé ni convoqué ; que la décision litigieuse, prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 232-15 qui n'étaient plus en vigueur, est entachée d'erreur de droit ; que la sanction infligée est disproportionnée eu égard au caractère strictement administratif des manquements qui lui sont reprochés et alors que tous les contrôles antidopage auxquels il a été soumis ont été négatifs ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision contestée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2011, présenté pour l'Agence française de lutte contre le dopage, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros ; elle soutient qu'il ne reste que quatre mois d'interdiction de compétitions à exécuter ; que cette interdiction ne concerne que les compétitions nationales et n'empêche pas M. A de participer aux compétitions internationales ; que M. A n'établit pas que la sanction contestée compromettrait ses perspectives de qualification aux championnats du monde ; qu'il n'établit pas les pertes de revenus qu'il allègue ; qu'ainsi, il n'existe pas d'atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts professionnels, à l'image et aux intérêts pécuniaires du requérant pouvant justifier l'urgence ; que l'appréciation portée par l'Agence française de lutte contre le dopage ne porte pas atteinte au principe d'impartialité dès lors que M. A n'a jamais contesté la matérialité des faits reprochés ; que la règle de quorum fixé par l'article L. 232-7 du code du sport n'a pas été méconnue dès lors que huit des neuf membres du collège étaient présents ; que les formalités prévues aux articles R. 232-89 et R. 232-92 du code du sport ont été respectées dès lors que M. A a régulièrement été informé et convoqué ; que l'ancienne rédaction des dispositions de l'article L. 232-15 étaient celles applicables lors de la désignation de M. A comme membre du groupe cible faisant l'objet de contrôles individualisés ; que les modifications de rédaction intervenues sont sans incidence sur la situation de droit de M. A ; que l'interdiction de participer aux compétitions nationales pendant neuf mois apparaît justifiée au regard du comportement négligent et fautif adopté par le requérant ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 juillet 2011, présenté pour M. A, qui reprend les conclusions et moyens de sa requête ; il soutient, en outre, qu'il est privé de participer non seulement aux compétitions organisées par la fédération mais aussi aux compétitions internationales ; que, lors de la séance du 31 mars 2011, le collège de l'Agence était composé des mêmes personnes que lors de la séance du 18 novembre 2010 ;

Vu les observations complémentaires, enregistrées le 11 juillet 2011, présentées pour l'Agence française de lutte contre le dopage qui reprend les conclusions de son mémoire ; elle précise, en outre, que le requérant n'établit pas qu'il serait privé d'une chance d'être sélectionné en vue d'une prochaine compétition internationale ; que la sanction prononcée par l'Agence ne peut avoir une incidence sur la rémunération du requérant qui lui est nécessairement due à raison de l'exécution du contrat d'emploi aidé ; que l'attestation du directeur technique de son ancien club de Levallois ne peut suffire à justifier son troisième manquement aux obligations de localisation, ni même atténuer sa responsabilité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du sport ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, l'Agence française de lutte contre le dopage ainsi que la ministre des sports ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 11 juillet 2011 à 16 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Balat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- M. A ;

- le représentant de M. A ;

- Me Barthélemy, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

- le représentant de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 14 mars 2008, M. A a été désigné par le directeur des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage pour faire partie du groupe cible faisant l'objet de contrôles individualisés prévus au III de l'article L. 232-5 du code du sport ; que l'intéressé n'ayant pas retiré le courrier une nouvelle notification a été faite le 22 décembre 2008 ; que, par lettre du 18 août 2009, notifiée le 10 septembre 2009, il a été rappelé à M. A qu'il doit satisfaire à son obligation de transmettre à l'Agence les informations propres à permettre sa localisation dans un délai de trois jours ; que, n'ayant pas donné suite à ce dernier rappel, il a fait l'objet d'un premier avertissement pour manquement aux obligations de localisation par une décision du 24 février 2010, notifiée le 4 mars 2010 ; qu'à la suite d'un deuxième avertissement, notifié le 17 avril 2010, M. A a fourni les informations relatives à sa localisation ; que, cependant, un contrôle inopiné à son domicile le 6 juin 2010 n'a pu être effectué en l'absence de l'intéressé qui était en stage à l'Ile Maurice, contrairement aux renseignements qu'il avait donnés à l'Agence ; que, par lettre recommandée du 22 juin 2010, il a fait l'objet d'un troisième avertissement qui a été transmis à la fédération française de judo ; que, par décision du 18 octobre 2010, la commission antidopage de première instance de la fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées a prononcé à l'encontre de M. A une interdiction de participer pendant trois mois aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées à compter du 23 octobre 2010 ; que l'agence française de lutte contre le dopage ayant décidé de se saisir à des fins d'éventuelle réformation du dossier de M. A, celui-ci a été convoqué, par courrier du 16 février 2011, devant le collège de l'Agence ; qu'il n'a présenté aucune observation et ne s'est pas présenté lors de la séance du 31 mars 2011 au cours de laquelle la formation disciplinaire de l'Agence française de lutte contre le dopage a décidé de réformer la décision de la fédération et de porter à neuf mois la durée de l'interdiction de participer aux compétitions ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a été dûment convoqué, conformément à l'article R. 232-92 du code du sport, devant le collège de l'Agence française de lutte contre le dopage pour examen de son affaire, par courrier du 16 février 2011, notifié le 18 février 2011 ; que la convocation comportait les mentions exigées par les dispositions de l'article R. 232-89 du code du sport permettant à l'intéressé de connaître les griefs formulés à son encontre et les droits qui lui sont reconnus ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation des dispositions des articles précités du code du sport n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort du compte rendu de séance du 18 novembre 2010 de la formation disciplinaire de l'Agence, qui a décidé de se saisir à des fins de réformation ou d'extension du dossier disciplinaire de M. A, que la règle du quorum prévue aux dispositions de l'article L. 232-7 du code du sport était satisfaite ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation de ces dispositions n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. A fait valoir que les membres de la formation disciplinaire qui ont prononcé la sanction le 31 mars 2011 étaient quasiment les mêmes que ceux qui avaient décidé la saisine le 18 novembre 2010, les dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport se bornent à permettre à l'Agence française de lutte contre le dopage de réformer les décisions de sanction prononcées par les organes compétents des fédérations sportives à l'encontre des sportifs licenciés, dans un souci d'harmonisation des décisions prises par les différentes fédérations dans ce domaine ; qu'en tout état de cause, ces dispositions ne mettent pas en cause le principe de séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement qui interdit, en matière de crimes et de délits, que le prononcé de sanctions pénales puisse résulter de la seule diligence d'une autorité chargée de l'action publique ; que ces dispositions, au demeurant, n'impliquent nullement par elles-mêmes que l'Agence, lorsqu'elle décide de se saisir d'une décision d'une fédération sportive, statue sur les faits reprochés au sportif licencié dans des conditions contraires au principe d'impartialité ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'Agence française de lutte contre le dopage s'est fondée à bon droit sur les dispositions procédurales de l'article L. 232-15 du code du sport applicables à la date des faits en cause ; qu'ainsi le moyen tiré de l'erreur de droit n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant, en cinquième lieu, que M. A soutient que la décision du 31 mars 2011, par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a porté à neuf mois la sanction de l'interdiction de participer aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la fédération, est disproportionnée eu égard au caractère strictement administratif des manquements qui lui sont reprochés ; qu'il résulte toutefois des faits de l'espèce que, malgré plusieurs invitations de l'Agence à régulariser sa situation, M. A n'a que très partiellement satisfait à ses obligations et qu'il était absent de l'adresse qu'il avait indiquée lorsqu'un contrôle a été diligenté, sans que les circonstances invoquées permettent de justifier ce nouveau manquement à ses obligations de déclaration de localisation ; qu'il n'a fourni aucune explication et ne s'est pas présenté lors de la séance de la formation disciplinaire de l'Agence ; qu'ainsi le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence, les conclusions à fin de suspension présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 de ce code et de mettre à la charge de M. A la somme que demande l'Agence française de lutte contre le dopage au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er: La requête de M. A est rejetée.

Article 2: Les conclusions présentées par l'Agence française de lutte contre le dopage au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: La présente ordonnance sera notifiée à M. Jean-Sébastien A, à l'Agence française de lutte contre le dopage et à la ministre des sports.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 350274
Date de la décision : 13/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 jui. 2011, n° 350274
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Avocat(s) : BALAT ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:350274.20110713
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