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18/07/2011 | FRANCE | N°328881

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 18 juillet 2011, 328881


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 15 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE SENS, dont le siège est 1, avenue Pierre-de-Coubertin à Sens (89108), représenté par son directeur ; le CENTRE HOSPITALIER DE SENS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05LY00016 du 7 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a réformé le jugement n° 030991 du 21 octobre 2004 du tribunal administratif de Dijon et a ramené à la somme de 154 000 euros ma

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 15 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE SENS, dont le siège est 1, avenue Pierre-de-Coubertin à Sens (89108), représenté par son directeur ; le CENTRE HOSPITALIER DE SENS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05LY00016 du 7 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a réformé le jugement n° 030991 du 21 octobre 2004 du tribunal administratif de Dijon et a ramené à la somme de 154 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2003 et des intérêts des intérêts, l'indemnité qu'il a été condamné à verser à M. et Mme A en réparation des conséquences dommageables du handicap présenté à sa naissance par leur fille Cloé ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu la décision du Conseil Constitutionnel n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 ;

Vu la décision du Conseil Constitutionnel n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE SENS,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE SENS ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a été suivie pour sa grossesse au CENTRE HOSPITALIER DE SENS à partir du 17 mai 2000 ; qu'après la naissance, le 14 novembre 2000, de Cloé, atteinte du syndrome de Smith-Lemli-Opitz, M. et Mme A ont, le 28 août 2001, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun d'ordonner une expertise pour déterminer si la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE SENS était engagée au titre d'une insuffisance fautive d'information sur le risque que l'enfant à naître soit atteint de ce handicap ; qu'après communication du rapport de l'expert commis par une ordonnance du 19 septembre 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon, auquel la demande d'expertise avait été transmise, M. et Mme A ont adressé au CENTRE HOSPITALIER DE SENS, le 3 février 2003, une demande d'indemnité ; qu'ils ont, le 28 mai 2003, introduit un recours indemnitaire devant le tribunal administratif, qui, par un jugement du 21 octobre 2004, a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE SENS à leur verser la somme totale de 179 000 euros en réparation de leurs préjudices ainsi que de celui de leur fils mineur, Florentin A ; que le CENTRE HOSPITALIER DE SENS se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement du tribunal administratif, a ramené à la somme totale de 154 000 euros le montant des condamnations prononcées en première instance ;

Sur le régime de responsabilité applicable au litige :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction résultant de la codification par le 1 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 de dispositions qui figuraient antérieurement aux trois premiers alinéas du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. / La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. / Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. ; qu'aux termes du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005, reprenant en les adaptant des dispositions qui figuraient antérieurement au dernier alinéa du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 : Les dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation. ;

Considérant que, par une décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010, publiée au Journal officiel le 12 juin 2010, le Conseil constitutionnel a, sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, déclaré le 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 contraire à la Constitution, au motif qu'il n'existait pas d'intérêt général suffisant pour justifier la remise en cause des droits des personnes ayant, avant la date de l'entrée en vigueur du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, engagé une procédure en vue d'obtenir la réparation de leur préjudice ; que cette décision emporte abrogation, conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, du 2 du II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 dans la mesure où cette disposition rend les règles nouvelles applicables aux instances en cours au 7 mars 2002 ;

Considérant qu'en saisissant le 28 août 2001 le juge des référés du tribunal administratif de la demande d'expertise mentionnée ci-dessus, M. et Mme A avaient engagé, en vue d'obtenir du CENTRE HOSPITALIER DE SENS la réparation de leur préjudice ainsi que celui de leur fils mineur, Florentin A, une instance qui, en l'absence de prescription ou de forclusion de l'action en réparation, était toujours en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; qu'il résulte dès lors de ce qui précède que les dispositions des trois premiers alinéas du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002, aujourd'hui codifiées à l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles, ne sont pas applicables à leur demande tendant à ce que le CENTRE HOSPITALIER DE SENS soit condamné à leur verser, ainsi qu'à leur fils mineur, des indemnités pour les préjudices résultant de la faute que le CENTRE HOSPITALIER DE SENS aurait commise en leur délivrant une information insuffisante sur le risque, qui s'est réalisé, que l'enfant à naître soit atteint du syndrome de Smith-Lemli-Opitz ; que ce motif, qui est d'ordre public, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué dont il justifie le dispositif ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE SENS :

Considérant en premier lieu que la cour administrative d'appel s'est fondée, sans les dénaturer, sur les pièces qui lui étaient soumises, notamment sur le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, pour juger que les examens pratiqués par le CENTRE HOSPITALIER DE SENS sur Mme A au cours de sa grossesse étaient imprécis et incomplets ; qu'elle a pu en déduire, sans commettre d'erreur de qualification juridique, que ces négligences dans le suivi de la grossesse constituaient une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE SENS ;

Considérant en second lieu que la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, notamment le rapport d'expertise, en estimant que, si les examens pratiqués par Mme A avaient été complets et de qualité suffisante, ils auraient permis de détecter la forte probabilité du handicap incurable et particulièrement grave dont était atteint l'enfant ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que les imperfections et insuffisances des examens pratiqués avaient fait obstacle à la détection du handicap de l'enfant et ainsi privé Mme A de la faculté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse prévue par l'article L. 162-12 devenu L. 2213-1 du code de la santé publique ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE SENS n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, lequel n'est pas entaché d'insuffisance de motivation ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du CENTRE HOSPITALIER DE SENS est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DE SENS, à M. Christophe A et Mme Sandra A, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 328881
Date de la décision : 18/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2011, n° 328881
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Jean-Philippe Thiellay
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:328881.20110718
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