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18/07/2011 | FRANCE | N°343901

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 18 juillet 2011, 343901


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 octobre et 2 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mehrdad A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1003223/8 du 29 juillet 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de prendre une dé

cision dans le délai de quinze jours concernant sa demande d'admission a...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 octobre et 2 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mehrdad A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1003223/8 du 29 juillet 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de prendre une décision dans le délai de quinze jours concernant sa demande d'admission au statut de réfugié, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juin 2011, présentée pour M. A ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A et de Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A et à Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A, ressortissant iranien né en 1967, est entré en France en 2008 ; qu'en qualité de bénéficiaire de la protection accordée par le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés en application de l'article 6 B de ses statuts du 14 décembre 1950, il a présenté à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) une demande d'admission au bénéfice de la qualité de réfugié ; que cette demande a été régulièrement enregistrée le 16 juin 2008 ; que prenant acte du fait que celle-ci était restée sans réponse de la part de l'OFPRA depuis cette date, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Melun afin que celui-ci enjoigne à l'office, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de prendre une décision dans le délai de quinze jours concernant sa demande de statut de réfugié, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; que, par ordonnance du 29 juillet 2010, le juge des référés a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable en application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative ; que M. A se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais " ; que selon l'article L. 521-3 du même code : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative " ; que l'article L. 522-3 de ce code dispose : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 " ; que si, par ailleurs, en vertu de l'article L. 721-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides " reconnaît la qualité de réfugié ou accorde le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes remplissant les conditions mentionnées au titre Ier du présent livre ", il résulte du second alinéa de l'article L. 723-3-1 du même code qu'" aucune décision ne peut naître du silence gardé par l'office " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés peut prononcer toute mesure, à condition que l'urgence le justifie, qu'elle soit utile et ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ; que celle consistant à ordonner à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de statuer, dans un délai prescrit par le juge et sous astreinte, sur une demande d'asile, ne fait en principe obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative, et peut être regardée comme utile, dans la mesure où le silence gardé par l'administration ne peut faire naître aucune décision administrative dont en cas d'urgence le juge des référés pourrait être saisi en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'en l'absence d'autres voies de droit permettant au demandeur d'asile d'obtenir qu'il soit remédié à cette situation, cette mesure relève en conséquence de celles qu'il appartient au juge des référés statuant par application de l'article L. 521-3 de prononcer, si l'urgence le justifie ; qu'ainsi le juge des référés du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en écartant comme manifestement irrecevable, en application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, la demande de M. A tendant à ce qu'il soit ordonné, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de prendre une décision concernant sa demande de statut de réfugié ; qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "La qualité de réfugié est reconnue (...) à toute personne sur laquelle le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut (...)" ; qu'il n'est pas contesté que la demande de M. A, réfugié placé sous le mandat du haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés par application de l'article 6 B du statut de cette organisation, devait faire l'objet d'un examen au fond par l'OFPRA ; que la carence de ce dernier à statuer sur la demande de M. A, après s'être assuré de sa qualité de personne placée sous mandat du haut-commissariat pour les réfugiés, qu'aucun élément du dossier en sa possession ne permettait du reste de mettre en cause, prive l'intéressé du droit qu'il tient des dispositions précitées ; qu'aucune autre voie de recours, en l'absence de décision implicite née de sa demande, ne lui permet de voir son droit reconnu ; qu'ainsi la mesure demandée est utile ; que l'attente depuis plus de deux ans, qui excède le délai raisonnable au terme duquel les demandeurs d'asile doivent être avertis par l'autorité compétente de la décision prise sur leur demande, énoncé au d) du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, et qui prive l'intéressé des droits statutaires qu'il tiendrait de la qualité de réfugié, suffit à regarder l'urgence comme constituée ; que la mesure demandée ne fait obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre à l'OFPRA de statuer sur la demande de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Considérant enfin que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 29 juillet 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à l'OFPRA de statuer sur la demande de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Une astreinte de 100 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'il n'est pas justifié de l'exécution de la présente décision dans le délai mentionné à l'article 2. L'OFPRA communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision.

Article 4 : L'OFPRA versera à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A, une somme de 1500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Mehrdad A et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-035-04 PROCÉDURE. PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000. RÉFÉRÉ TENDANT AU PRONONCÉ DE TOUTES AUTRES MESURES UTILES (ART. L. 521-3 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE). - COMPÉTENCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS « MESURES UTILES » POUR ORDONNER À L'OFPRA DE STATUER SUR UNE DEMANDE D'ASILE.

54-035-04 Saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative (CJA), le juge des référés peut prononcer toute mesure, à condition que l'urgence le justifie, qu'elle soit utile et ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. Celle consistant à ordonner à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de statuer, dans un délai prescrit par le juge et sous astreinte, sur une demande d'asile, ne fait en principe obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative, et peut être regardée comme utile, dans la mesure où le silence gardé par l'administration ne peut faire naître aucune décision administrative dont en cas d'urgence le juge des référés pourrait être saisi en application de l'article L. 521-1 du CJA. En l'absence d'autres voies de droit permettant au demandeur d'asile d'obtenir qu'il soit remédié à cette situation, cette mesure relève en conséquence de celles qu'il appartient au juge des référés statuant par application de l'article L. 521-3 de prononcer, si l'urgence le justifie.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 jui. 2011, n° 343901
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Tanneguy Larzul
Rapporteur public ?: M. Julien Boucher
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; FOUSSARD

Origine de la décision
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Date de la décision : 18/07/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 343901
Numéro NOR : CETATEXT000024390176 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-07-18;343901 ?
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