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19/07/2011 | FRANCE | N°336356

France | France, Conseil d'État, 10ème sous-section jugeant seule, 19 juillet 2011, 336356


Vu le jugement du 28 janvier 2010, enregistré le 8 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Lofti A ;

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2007 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée pour M. Lofti A, demeurant ... ; M. A demande :

1°) l'annulation de la décision du 7 février 2007 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés

(CNIL) refusant de lui communiquer les données le concernant figurant dans...

Vu le jugement du 28 janvier 2010, enregistré le 8 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Lofti A ;

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2007 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée pour M. Lofti A, demeurant ... ; M. A demande :

1°) l'annulation de la décision du 7 février 2007 de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) refusant de lui communiquer les données le concernant figurant dans le système d'information Schengen et de procéder à leur effacement ;

2°) la levée, en conséquence, de l'interdiction d'entrée et de séjour sur le territoire français dont il fait l'objet ;

3°) à tout le moins, que soit ordonnée à la CNIL et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de communiquer, sous un mois, les informations le concernant et motivant son interdiction d'entrée et de séjour sur le territoire français ainsi que son signalement sur le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge, solidairement, de la Commission précitée et de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée notamment par la loi du 18 mars 2003, notamment son article 41 ;

Vu la loi n° 91-737 du 30 juillet 1991 autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relative à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990, ensemble le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de ladite convention ;

Vu le décret n° 95-577 du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Berriat, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité britannique, a saisi le 11 septembre 2005 le ministre de l'intérieur d'une demande tendant à ce que l'interdiction d'entrée et de séjour sur le territoire français dont il faisait l'objet soit levée et à ce que son signalement sur le Système d'information Schengen soit supprimé ; que le ministre a transmis cette demande à la CNIL qui a procédé, en application des dispositions de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, aux vérifications des données le concernant contenues dans ce fichier ; qu'il demande l'annulation de la décision du 7 février 2007 par laquelle la CNIL a refusé de lui communiquer les résultats de ses investigations ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 96 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée à Schengen le 19 juin 1990 : 1. Les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non-admission sont intégrées sur la base d'un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes. 2. Les décisions peuvent être fondées sur la menace pour l'ordre public ou la sécurité ou sûreté nationale que peut constituer la présence d'un étranger sur le territoire national. ; qu'aux termes de l'article 106 de cette convention : 1. Seule la partie contractante signalante est autorisée à modifier, à compléter, à rectifier ou à effacer les données qu'elle a introduites. / 2. Si une des parties contractantes qui n'a pas fait le signalement dispose d'indices faisant présumer qu'une donnée est entachée d'erreur de droit ou de fait, elle en avise dans les meilleurs délais la partie contractante signalante qui doit obligatoirement vérifier la communication, et si nécessaire, corriger ou effacer la donnée sans délai (...) ; que le droit d'accès au système d'information Schengen est régi par l'article 109 de la convention, qui stipule que : Le droit de toute personne d'accéder aux données la concernant qui sont intégrées dans le système d 'information Schengen s'exerce dans le respect du droit de la partie contractante auprès de laquelle elle le fait valoir. Si le droit national le prévoit, l'autorité nationale de contrôle prévue à l'article 114, paragraphe 1 décide si des informations sont communiquées et selon quelles modalités. ; que l'article 110 stipule que : Toute personne peut faire rectifier des erreurs des données entachées d'erreur de fait la concernant ou faire effacer des données entachées d'erreur de droit la concernant. ; que l'article 114 stipule que : 1. Chaque partie contractante désigne une autorité de contrôle chargée, dans le respect du droit national, d'exercer un contrôle indépendant du fichier de la partie nationale du système d'information Schengen et de vérifier que le traitement et l'utilisation des données intégrées dans le système d'information Schengen ne sont pas attentatoires aux droits de la personne concernée (...) 2. Toute personne a le droit de demander aux autorités de contrôle de vérifier les données la concernant intégrées dans le système d'information Schengen ainsi que l'utilisation qui est faite de ces données. Ce droit est régi par le droit national de la partie contractante auprès de laquelle la demande est introduite ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 : Par dérogation aux articles 39 et 40, lorsqu'un traitement intéresse la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, le droit d'accès prévu au présent chapitre s'exerce dans les conditions prévues par le présent article pour l'ensemble des informations qu'il contient. La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour de comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant ; qu'aux termes de l'article 6 du décret du 6 mai 1995 relatif au système informatique national du système d'information Schengen, le droit d'accès aux données enregistrées dans ce système informatique s'exerce auprès de la commission nationale de l'informatique et des libertés, conformément aux articles 109 et 114 de la convention et à l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée sans préjudice des dispositions réglementaires relatives aux données susceptibles d'être consultées directement par l'intéressé exerçant ce droit ;

Considérant que si la CNIL soutient devant le Conseil d'Etat que M. A a fait l'objet d'une inscription dans le système informatique national du système d'information Schengen sur le fondement des stipulations de l'article 96 précité de la convention d'application de l'accord de Schengen, ces éléments ne permettent pas de connaître les motifs de l'inscription de M. A dans le système informatique national du système d'information Schengen ni d'apprécier par conséquent si la communication des données le concernant porterait atteinte à la finalité de ces fichiers ni si elles devaient faire l'objet de mesures d'effacement ou de rectification ;

Considérant que si, conformément au principe du caractère contradictoire de l'instruction, le juge administratif est tenu de ne statuer qu'au vu des seules pièces du dossier qui ont été communiquées aux parties, il lui appartient, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige ;

Considérant qu'en l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de lui communiquer -pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire- tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs aux motifs concernant l'inscription, à la date de sa décision, de M. A dans le système informatique national du système d'information Schengen ; que, dans l'hypothèse où la Commission nationale de l'informatique et des libertés estimerait que ces motifs, ou certains d'entre eux, sont couverts par un secret garanti par la loi ou que, s'agissant de données intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique, leur communication mettrait en cause les fins assignées à ce fichier, et où elle estimerait en conséquence devoir refuser leur communication, il lui appartiendrait néanmoins de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion, de façon à permettre au Conseil d'Etat de se prononcer en connaissance de cause sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets garantis par la loi ou imposés par des considérations tenant à la sûreté de l'Etat, à la défense et à la sécurité publique ; qu'enfin, dans le cas où un refus serait opposé à une demande d'information formulée par lui, il appartiendrait au Conseil d'Etat, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de joindre, en vue du jugement à rendre, cet élément de décision à l'ensemble des données fournies par le dossier ;

D E C I D E :

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Article 1er : Avant-dire-droit sur la requêtes de M. A, tous droits et moyens des parties demeurant réservés, à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, il est ordonné à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de communiquer au Conseil d'Etat, dans un délai de deux mois, les éléments d'informations définis par les motifs de la présente décision.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Lofti A, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.


Synthèse
Formation : 10ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 336356
Date de la décision : 19/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2011, n° 336356
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Thierry Tuot
Rapporteur ?: Mme Anne Berriat
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:336356.20110719
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