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21/07/2011 | FRANCE | N°350760

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 21 juillet 2011, 350760


Vu le recours, enregistré le 11 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'État d'annuler l'ordonnance n° 1103288 du 27 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, faisant droit à la demande présentée par M. Dido A sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de l'Isère de lui indiquer tout lieu d'hébergemen

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Vu le recours, enregistré le 11 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'État d'annuler l'ordonnance n° 1103288 du 27 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, faisant droit à la demande présentée par M. Dido A sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de l'Isère de lui indiquer tout lieu d'hébergement qui pourra effectivement l'accueillir, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance ;

il soutient que son recours est recevable ; que la situation de M. A ne représente pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'il a rempli ses obligations eu égard aux normes européennes et nationales relatives à l'accueil des demandeurs d'asile, dès lors que M. A a bénéficié de l'allocation temporaire d'attente même s'il n'a pas pu bénéficier d'un hébergement permanent faute de places vacantes en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ou dans une structure d'hébergement d'urgence ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2011, présenté pour M. A qui conclut au rejet du recours ; il soutient que l'administration n'a pas accompli les diligences requises pour lui assurer des conditions matérielles d'accueil décentes ; qu'elle n'établit pas lui avoir proposé un hébergement d'urgence ou l'avoir orienté vers une plate-forme d'accueil ; qu'elle n'établit pas, ni même n'allègue, avoir recherché d'autres possibilités d'hébergement ; que l'allocation temporaire d'attente ne peut, eu égard au montant de cette prestation, être regardée comme satisfaisant à l'ensemble des exigences qui découlent de l'obligation d'assurer aux demandeurs d'asile, y compris en ce qui concerne le logement, des conditions d'accueil décentes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et, d'autre part, M. A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mardi 19 juillet 2011 à 18 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ; qu'au sens de ces dispositions, la notion de liberté fondamentale englobe, s'agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d'entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d'asile qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l'obtention est déterminante pour l'exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers ; que la privation du bénéfice des mesures, prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté ; que le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte s'apprécie en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, les demandeurs d'asile peuvent être admis à l'aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d'asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d'un niveau de ressources suffisant bénéficient d'une allocation mensuelle de subsistance prévue à l'article R. 348-4 du même code ; qu'ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d'accueil d'urgence spécialisé pour demandeurs d'asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d'un accueil en centre pour demandeurs d'asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d'hébergement d'urgence ou un centre d'hébergement et de réinsertion sociale ; qu'enfin, en vertu des articles L. 5423-8-1° et L. 5423-9-2° du code du travail, les demandeurs d'asile peuvent bénéficier, sous condition d'âge et de ressources, d'une allocation temporaire d'attente à condition de ne pas être bénéficiaires d'un séjour en centre d'hébergement pris en charge au titre de l'aide sociale ;

Considérant que, pour une application aux demandeurs d'asile des dispositions précitées du droit interne conforme aux objectifs de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, l'autorité compétente qui, sur sa demande d'admission au bénéfice du statut de réfugié, doit, au plus tard dans le délai de quinze jours prescrit à l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mettre le demandeur d'asile en possession d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande, sans préjudice, le cas échéant, de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, doit également, aussi longtemps qu'il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile et quelle que soit la procédure d'examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules ; que si, notamment lorsqu'une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise ou lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, l'autorité administrative peut recourir à des modalités différentes de celles qui sont normalement prévues, c'est pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, et en couvrant les besoins fondamentaux du demandeur d'asile ; qu'il lui appartient, en particulier, de rechercher si des possibilités d'hébergement sont disponibles dans d'autres régions et, le cas échéant, de recourir à des modalités d'accueil d'urgence ; qu'une privation du bénéfice des droits auxquels les demandeurs d'asile peuvent prétendre peut conduire le juge des référés à faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 précité du code de justice administrative ; que, toutefois, le juge des référés ne peut, sur le fondement de cet article, adresser une injonction à l'administration que dans le cas où le comportement de celle-ci fait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, ressortissant congolais (RDC), est entré en France le 1er avril 2011 ; qu'il s'est présenté le 5 mai 2011 à la préfecture de l'Isère pour solliciter son admission au séjour au titre de l'asile ; qu'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a été délivrée le 12 mai 2011 ; que, faute de place disponible dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, il n'a fait l'objet d'aucune proposition d'hébergement ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a énoncé les motifs pour lesquels la demande présentée par M. A en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, était justifiée par l'urgence et faisait apparaître que l'autorité préfectorale avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en s'abstenant de pourvoir à l'hébergement de l'intéressé ; qu'il a, en particulier, relevé que M. A ne s'était vu proposer aucune solution d'hébergement et que le dossier ne faisait apparaître aucune diligence de la part de l'administration qui ne disait rien de sa capacité d'hébergement ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, le versement de l'allocation temporaire d'attente, qui eu égard au montant de cette prestation ne peut être regardé comme satisfaisant à l'ensemble des exigences qui découlent de l'obligation d'assurer aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil décentes, était sans incidence sur l'appréciation de la situation actuelle de l'intéressé ; que le ministre se borne en appel à soutenir que le versement de l'allocation temporaire d'attente suffirait à satisfaire ses obligations sans plus préciser la nature des éventuelles diligences que l'administration aurait pu être amenée à poursuivre, compte tenu des moyens dont elle dispose, pour proposer une quelconque solution d'hébergement, même d'urgence et temporaire, au demandeur d'asile ; qu'il résulte de l'instruction ainsi que des échanges à l'audience publique que l'intéressé n'a jamais été en mesure de se loger dans des conditions décentes ; que, dans ces conditions, et alors même que M. A ne fait pas état de circonstances particulières, le recours du ministre ne peut qu'être rejeté ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est rejeté.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M. Dido A.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 350760
Date de la décision : 21/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2011, n° 350760
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:350760.20110721
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