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22/07/2011 | FRANCE | N°348055

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 22 juillet 2011, 348055


Vu le pourvoi, enregistré le 1er avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES (Seine-et-Marne), représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100486-1008736 du 11 mars 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté ses demandes tendant à la suspension de l'exécution des délibérations des 18 octobre et 6 dé

cembre 2010 par lesquelles le conseil communautaire de la communauté d...

Vu le pourvoi, enregistré le 1er avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES (Seine-et-Marne), représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100486-1008736 du 11 mars 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté ses demandes tendant à la suspension de l'exécution des délibérations des 18 octobre et 6 décembre 2010 par lesquelles le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire a refusé de donner son consentement à son retrait de cet établissement ;

2°) statuant en référé, de faire droit à ses demandes de suspension ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général des impôts ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES et de Me Carbonnier, avocat de la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire ;

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES et à Me Carbonnier, avocat de la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une délibération du 1er octobre 2010 de son conseil municipal, la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES a décidé de se retirer de la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire (CAMG) ; que, par une délibération du 18 octobre 2010, le conseil communautaire de la CAMG a refusé de consentir à ce retrait ; qu'à la suite des observations du sous-préfet de Torcy indiquant que la commune ne pouvait décider seule de son retrait, mais pouvait seulement demander ce retrait, le conseil municipal de Saint-Thibault-des-Vignes a, par deux délibérations du 22 octobre 2010, annulé sa délibération du 1er octobre 2010 et demandé le retrait de la commune de la CAMG ; que, par une délibération du 6 décembre 2010, le conseil communautaire de la CAMG a refusé, une nouvelle fois, de consentir à ce retrait ; que la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de demandes de suspension des délibérations des 18 octobre et 6 décembre 2010 du conseil communautaire de la CAMG ; que la commune se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 11 mars 2011 par laquelle le juge des référés a, d'une part, dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande tendant à la suspension de la délibération du 18 octobre 2010 et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à la suspension de la délibération du 6 décembre 2010 ;

Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle se prononce sur la demande n° 1008736/8 tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 18 octobre 2010 :

Considérant que le juge des référés du tribunal administratif de Melun a relevé que le conseil municipal de Saint-Thibault-des-Vignes avait, le 22 octobre 2010, retiré sa délibération du 1er octobre 2010 et adopté une seconde délibération demandant le retrait de la commune de la CAMG et que le conseil communautaire de cet établissement avait adopté, le 6 décembre 2010, à la suite de cette délibération du 22 octobre 2010, une nouvelle délibération refusant de consentir au retrait demandé ; qu'en déduisant de ces constatations que les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 18 octobre 2010 du conseil communautaire de la CAMG, qui avait été prise en réponse à la première délibération du 1er octobre 2010 du conseil municipal de Saint-Thibault-des-Vignes et n'était plus susceptible d'exécution, étaient devenues sans objet, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle se prononce sur sa demande dirigée contre la délibération du 18 octobre 2010 ;

Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle se prononce sur la demande n° 1100486/8 tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 6 décembre 2010 :

Considérant qu'en jugeant que la demande de la commune tendant à la suspension de la délibération du 6 décembre 2010 du conseil communautaire de la CAMG était irrecevable au motif que cet établissement se serait trouvé, en vertu de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales, en situation de compétence liée pour refuser son consentement au retrait de cette commune et en déduisant également de cette situation de compétence liée, qu'il a ainsi analysée comme une cause d'irrecevabilité de la demande de suspension, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la requérante à l'encontre des dispositions du même article L. 5211-19 de ce code, alors que la situation de compétence liée d'une autorité administrative pour prendre une décision de refus n'entraîne pas l'irrecevabilité des conclusions tendant à la suspension de cette décision, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque en tant qu'elle rejette sa demande n° 1100486/8 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la condition d'urgence

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l' instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ;

Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif, lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par les requérants, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

Considérant que, pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de la délibération du 6 décembre 2010, la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES fait valoir que le préfet de Seine-et-Marne a décidé, par un arrêté du 22 octobre 2010, le transfert de la compétence musique à la CAMG, qui est devenu effectif à compter du 1er janvier 2011 ; que, toutefois, l'arrêté préfectoral du 22 octobre 2010 modifiant les statuts de la CAMG pour y inscrire la compétence de l'enseignement musical constitue une décision distincte de la délibération litigieuse relative au retrait de la commune, et a d'ailleurs fait l'objet de conclusions à fin d'annulation et de suspension distinctes ; que si elle fait également valoir, d'une part, que la délibération litigieuse, en faisant obstacle à son retrait de la CAMG, permet à la communauté d'agglomération de continuer à exercer les compétences qui lui ont été transférées et la prive de la possibilité de les exercer à nouveau elle-même, d'autre part, qu'elle n'est pas satisfaite du fonctionnement de la CAMG et des actions menées par celle-ci, et enfin, que cette délibération porterait, par principe, atteinte à sa libre administration, la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES ne fait pas état d'éléments suffisamment précis relatifs à l'atteinte grave et immédiate que pourrait lui causer l'exécution de la délibération litigieuse, alors qu'elle est membre depuis 2002 de l'établissement intercommunal en cause ; qu'en revanche, la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire fait valoir que la poursuite de la procédure de retrait de la commune est susceptible de porter atteinte à la cohérence de son périmètre et à son bon fonctionnement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'exécution de la délibération litigieuse n'est pas par elle-même, compte tenu des justifications fournies par la requérante, susceptible d'affecter de manière suffisamment grave et immédiate sa situation ou les intérêts qu'elle entend défendre pour que sa demande puisse être regardée, en l'état de l'instruction, comme établie une urgence, au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, justifiant que, sans attendre le jugement de la demande au fond, l'exécution de la délibération soit suspendue ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES :

Considérant qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge des référés statuant sur des conclusions à fin de suspension qui lui sont présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que le juge des référés peut en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter de telles conclusions pour irrecevabilité ou pour défaut d'urgence ; que s'il rejette les conclusions à fin de suspension pour l'un de ces motifs, il n'y a pas lieu, pour le juge des référés, de statuer sur la demande de renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il est dit ci-dessus, la condition d'urgence n'étant pas satisfaite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES ;

Considérant qu'il résulte de tout ce que précède que les conclusions aux fins de suspension de l'exécution de la délibération du 6 décembre 2010 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire doivent être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette commune, en application des mêmes dispositions, la somme de 3 000 euros à verser à la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 11 mars 2011 est annulée en tant qu'elle rejette la demande n° 1100486/8 de la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du 6 décembre 2010 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire.

Article 2 : La demande n° 1100486/8 de la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions du pourvoi de cette commune sont rejetés.

Article 3 : La COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES versera à la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-THIBAULT-DES-VIGNES et à la communauté d'agglomération de Marne et Gondoire.

Une copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 348055
Date de la décision : 22/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2011, n° 348055
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Edouard Geffray
Avocat(s) : SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:348055.20110722
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