Vu la requête, enregistrée le 13 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA (SNPL), dont le siège est au 5 rue de la Haye BP 19955 à Tremblay en France (95733) ; le SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé sur sa demande tendant, d'une part, que soient convoquées dans les plus brefs délais les organisations syndicales représentatives et soient diligentées sans délai et après consultations, les études scientifiques et médicales prévues par l'article 91 de la loi du 17 décembre 2008 portant loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et, d'autre part, que soit immédiatement suspendue l'application, depuis le 1er janvier 2010, des dispositions permettant le maintien en activité du personnel navigant technique au-delà de 60 ans jusqu'à ce que les conditions préalables exigées par la loi soient remplies ;
2°) d'ordonner de convoquer dans les plus brefs délais les organisations syndicales représentatives et de faire réaliser les études scientifiques et médicales prévues par l'article 91 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et de suspendre immédiatement l'application de ces dispositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile dans sa rédaction résultant de l'article 91 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 : " I. Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans. / II. Le personnel navigant de la section A du registre qui remplit les conditions nécessaires à la poursuite de son activité de navigant est toutefois maintenu en activité au-delà de soixante ans pour une année supplémentaire sur demande formulée au plus tard trois mois avant son soixantième anniversaire, uniquement dans le cas des vols en équipage avec plus d'un pilote, à la condition qu'un seul des pilotes soit âgé de plus de soixante ans. Cette demande peut être renouvelée dans les mêmes conditions les quatre années suivantes. / Le personnel navigant de la section A du registre peut de droit et à tout moment, à partir de soixante ans, demander à bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol. / Lorsqu'il ne demande pas à poursuivre son activité de navigant ou atteint l'âge de soixante-cinq ans, le contrat n'est pas rompu de ce seul fait, sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est proposé " ; qu'aux termes du II de l'article 91 de la loi du 17 décembre 2008 : " Le II de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile entre en vigueur à compter du 1er janvier 2010. / Les textes réglementaires relatifs à l'aptitude physique et mentale du personnel navigant technique professionnel de l'aéronautique civile seront adaptés, après consultation des organisations syndicales représentatives des personnels navigants techniques, pour tenir compte de ces nouvelles dispositions " ;
Considérant que le SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA a demandé, par une lettre adressée le 29 avril 2010 au Premier ministre, que, d'une part, " soient convoquées dans les plus brefs délais les organisations syndicales représentatives " et que " soient diligentées sans délai les études scientifiques et médicales " pour que soient prises les mesures d'adaptation des textes réglementaires relatifs aux conditions d'aptitude physique et mentale du personnel navigant technique de l'aéronautique civile prévues par l'article 91 de la loi du 17 décembre 2008 et, d'autre part, que " soit immédiatement suspendue l'application " des dispositions résultant de l'article 91 de cette loi permettant le maintien en activité du personnel navigant technique au-delà de 60 ans tant que n'auront pas été prises ces mesures d'adaptation de la réglementation ; que la requête du SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA tend à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite résultant du silence gardé sur cette demande ;
Considérant, en premier lieu, qu'il appartient, en vertu des dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'aviation civile, au ministre chargé de l'aviation civile et, le cas échéant, au ministre de la défense, de prendre par arrêté les dispositions relatives aux conditions d'aptitude physique et mentale du personnel navigant technique de l'aéronautique civile ; que la décision implicite résultant du silence gardé sur la partie de la demande du syndicat requérant tendant à ce que soient prises des mesures d'adaptation des textes réglementaires relatifs à l'aptitude physique et mentale du personnel navigant technique professionnel de l'aéronautique civile doit être regardée comme ayant été prise par l'autorité ministérielle compétente en vertu de ces dispositions ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des termes mêmes du II de l'article 91 de la loi du 17 décembre 2008 que les dispositions du II de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile résultant de cet article 91 entraient en vigueur le 1er janvier 2010, sans que cette entrée en vigueur ne soit subordonnée à l'intervention de mesures réglementaires d'application ; que les dispositions adoptées par le législateur n'ont pas prescrit la réalisation d'études scientifiques ou médicales préalablement à cette entrée en vigueur ; que la simple mention figurant dans la loi de " l'adaptation " des textes réglementaires relatifs à l'aptitude physique et mentale du personnel navigant pour " tenir compte " des nouvelles dispositions législatives n'a pas eu pour objet ou pour effet de subordonner l'entrée en vigueur de ces dispositions législatives à l'intervention préalable de cette adaptation réglementaire ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile dans leur rédaction issue de la loi du 17 décembre 2008 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2010 sans qu'aucune autorité investie du pouvoir réglementaire ne soit habilitée à en différer l'application ; que, dès lors, la demande du SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA en tant qu'elle tendait à ce que soit suspendue l'application des dispositions résultant de l'article 91 de la loi du 17 décembre 2008 ne pouvait qu'être rejetée ;
Considérant que l'arrêté du 27 janvier 2005 relatif à l'aptitude physique et mentale du personnel navigant technique professionnel de l'aéronautique civile détermine, par son annexe FCL 3, les exigences requises, en termes d'aptitude physique et mentale, pour l'exercice de l'activité de pilote de l'aéronautique civile ainsi que les conditions dans lesquelles cette aptitude est périodiquement appréciée par la voie d'examens médicaux effectués dans des centres spécialisés ; que cet arrêté précise en particulier que la durée de validité des certificats médicaux nécessaires aux pilotes pour exercer leur activité est limitée à six mois passé l'âge de soixante ans ; qu'eu égard au contenu de cet arrêté et aux prescriptions, applicables à tous les pilotes, qu'il comporte, l'autorité compétente a pu, sans erreur manifeste au regard des exigences de la sécurité aérienne, estimer n'être pas tenue d'y apporter des modifications à la suite de l'intervention de l'article 91 de la loi du 17 décembre 2008 qui a ouvert aux pilotes la possibilité de continuer d'exercer leur activité après l'âge de soixante ans ; que les moyens tirés de la méconnaissance des exigences constitutionnelles en matière de protection de la santé ou de la sécurité des personnes et du défaut de mise en oeuvre des pouvoirs de police ne peuvent, par suite, qu'être écartés ; que le syndicat requérant ne peut, en outre, utilement se prévaloir, à l'appui d'une demande portant sur la réglementation de l'aptitude des pilotes, du principe de précaution énoncé à l'article 5 de la Charte de l'environnement qui n'est susceptible de s'appliquer qu'aux possibles dommages de nature à affecter de manière grave et irréversible l'environnement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision attaquée ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES PILOTES DE LIGNE FRANCE ALPA, à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au Premier ministre.