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26/07/2011 | FRANCE | N°343694

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 26 juillet 2011, 343694


Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. A... B..., demeurant au... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) de rectifier pour erreur matérielle la décision n° 317290 du 9 septembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au tribunal administratif de Limoges sa requête tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le président de l'université de Limoges a rejeté sa demande du 7 avril 2008 tendant au versement de la rémunér

ation correspondant à 40 heures de cours et conférences, d'autre part, à...

Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. A... B..., demeurant au... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) de rectifier pour erreur matérielle la décision n° 317290 du 9 septembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au tribunal administratif de Limoges sa requête tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le président de l'université de Limoges a rejeté sa demande du 7 avril 2008 tendant au versement de la rémunération correspondant à 40 heures de cours et conférences, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'université de Limoges de lui verser les sommes dues sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois à compter de la décision du Conseil d'Etat et, enfin, à ce que soit mise à la charge de l'université de Limoges la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de faire droit aux conclusions de sa requête ayant donné lieu à cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 56-585 du 12 juin 1956 ;

Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Prévost, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

Sur la requête en rectification d'erreur matérielle :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification. / Ce recours doit être présenté dans les mêmes formes que celles dans lesquelles devait être introduite la requête initiale. Il doit être introduit dans un délai de deux mois qui court du jour de la notification ou de la signification de la décision dont la rectification est demandée. / Les dispositions des livres VI et VII sont applicables. " ;

Considérant que, par requête enregistrée le 18 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MB..., professeur des universités en retraite, a demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le président de l'université de Limoges avait rejeté sa demande en date du 7 avril 2008 tendant au versement de la rémunération correspondant à quarante heures de cours qu'il avait dispensées en octobre et novembre 2007 à l'université de Santa Fé (Argentine) et à l'université d'Asuncion (Paraguay), dans le cadre d'un master 2 en droit de l'environnement institué par la convention d'application de l'accord cadre conclu entre cette université et ces deux universités d'Amérique latine ; que, par décision du 9 septembre 2010, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au tribunal administratif de Limoges le jugement de ce litige au motif que le requérant était retraité du corps des professeurs des universités et n'avait plus la qualité de professeur émérite qui lui avait été reconnue par l'université de Limoges, dans les conditions prévues par l'article L. 952-11 du code de l'éducation, pour une durée de deux ans à compter du 1er octobre 2004, de sorte que le litige ne pouvait être regardé comme relatif à la situation individuelle d'un fonctionnaire nommé par décret du Président de la République, relevant de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat en application du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable ;

Considérant que, devant le Conseil d'Etat, M. B...se prévalait de sa qualité de professeur émérite à la date des cours qu'il a dispensés ; que cette qualité n'était pas contestée par l'université de Limoges ; qu'il ressort des pièces produites par le requérant à l'appui de son recours en rectification d'erreur matérielle qu'il disposait de cette qualité à la date de ces enseignements ; que le Conseil d'Etat a ainsi entaché sa décision d'une erreur matérielle au sens des dispositions de l'article R. 833-1 du code de justice administrative en se fondant sur l'arrêté du président de l'université de Limoges en date du 15 juin 2004, alors même que seul cet arrêté avait été versé au dossier ; que cette erreur n'est pas imputable au requérant et est susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire ; que, dès lors, la requête en rectification d'erreur matérielle de M. B...est recevable et qu'il y a lieu de statuer à nouveau sur sa requête ;

Sur la requête présentée par M. B... :

Considérant que le droit d'un agent public à rémunération ne peut résulter que de dispositions législatives ou réglementaires ou d'un contrat conclu par l'intéressé avec la collectivité publique qui l'emploie ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 952-11 du code de l'éducation : " Les conditions dans lesquelles le titre de professeur émérite est conféré aux professeurs des universités admis à la retraite, la durée de l'éméritat et les droits attachés à ce titre sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Pour l'exercice de ces droits, les dispositions de l'article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne sont pas applicables. " ; et qu'aux termes de l'article 58 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences dans sa rédaction alors applicable : " Les professeurs des universités admis à la retraite peuvent pour une durée déterminée par l'établissement recevoir le titre de professeur émérite. (...). Les professeurs émérites peuvent continuer à apporter un concours, à titre accessoire et gracieux, aux missions prévues à l'article 3, et notamment peuvent diriger des séminaires, des thèses et participer à des jurys de thèse ou d'habilitation." ;

Considérant, en premier lieu et d'une part, que, contrairement à ce que M. B...soutient, les professeurs émérites ne tiennent ni de ces dispositions ni de celles de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires selon lesquelles les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération, ni de celles de l'article 64 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat le droit de percevoir une rémunération pour les activités qu'ils exercent et les services qu'ils rendent en cette qualité ; que, d'autre part, que M. B...ne saurait utilement invoquer ni les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 84 et l'article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui permettent, sous certaines conditions, le cumul entre la pension de retraite et une activité rémunérée, ni celles du décret du 12 juin 1956, qui ne prévoient pas davantage de rémunération pour les activités d'enseignement assurées par un professeur émérite ;

Considérant, en second lieu, que, si M. B...soutient que les cours qu'il a dispensés à l'université de Santa Fé et à l'université d'Asuncion l'ont été dans le cadre des accords de coopération passés entre ces établissements et l'université de Limoges, il ne ressort ni du texte du protocole d'accord ni de ses conventions d'application ni d'aucune autre pièce du dossier que l'université de Limoges aurait passé avec le requérant un contrat prévoyant qu'une rémunération lui serait versée au titre de ces enseignements ;

Considérant que, dès lors, le président de l'université était tenu de refuser à M. B...la rémunération demandée à raison des cours en question ; que, par suite, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que l'université aurait fondé son refus sur des textes qui ne lui étaient pas opposables pour soutenir que sa décision serait entachée d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de la décision du président de l'université de Limoges doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ; qu'il y a lieu de rejeter également par voie de conséquence ses conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'université de Limoges, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme qu'il demande en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le recours en rectification d'erreur matérielle présenté par M. B...est admis.

Article 2 : La décision du Conseil d'Etat n° 317290 en date du 9 septembre 2010 est déclarée nulle et non avenue.

Article 3 : La requête de M. B..., enregistrée sous le n° 317290, est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à l'Université de Limoges et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 343694
Date de la décision : 26/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Rectif. d'erreur matérielle

Analyses

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET GRANDES ÉCOLES - UNIVERSITÉS - PROFESSEUR ÉMÉRITE AYANT ASSURÉ DES ENSEIGNEMENTS - 1) ABSENCE DE TEXTE LÉGISLATIF OU RÉGLEMENTAIRE POSANT UN DROIT À RÉMUNÉRATION - 2) ESPÈCE - ABSENCE DE CONTRAT - 3) CONSÉQUENCE - PRÉSIDENT DE L'UNIVERSITÉ TENU DE REFUSER LA RÉMUNÉRATION.

30-02-05-01 1) Les professeurs émérites ne tiennent ni des dispositions de l'article L. 952-11 du code de l'éducation, ni de celles du décret n° 84-431du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, ni de celles de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires selon lesquelles les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération, ni de celles de l'article 64 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, le droit de percevoir une rémunération pour les activités qu'ils exercent et les services qu'ils rendent en cette qualité. 2) En l'espèce, il ne ressort en outre d'aucune autre pièce du dossier que l'université aurait passé avec le requérant un contrat prévoyant qu'une rémunération lui serait versée au titre des enseignements. 3) Par suite, le président de l'université était tenu, en vertu du principe selon lequel le droit d'un agent public à rémunération ne peut résulter que de dispositions législatives ou réglementaires ou d'un contrat, de refuser la rémunération demandée à raison des cours en question.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - RÉMUNÉRATION - QUESTIONS D'ORDRE GÉNÉRAL - 1) DROIT À RÉMUNÉRATION D'UN AGENT PUBLIC - NÉCESSITÉ D'UN TEXTE OU D'UN CONTRAT - EXISTENCE - 2) PROFESSEUR ÉMÉRITE AYANT ASSURÉ DES ENSEIGNEMENTS - A) ABSENCE DE TEXTE - B) ESPÈCE - ABSENCE DE CONTRAT - C) CONSÉQUENCE - PRÉSIDENT DE L'UNIVERSITÉ TENU DE REFUSER LA RÉMUNÉRATION.

36-08-01 1) Le droit d'un agent public à rémunération ne peut résulter que de dispositions législatives ou réglementaires ou d'un contrat conclu par l'intéressé avec la collectivité publique qui l'emploie.... ...2) a) Les professeurs émérites ne tiennent ni des dispositions de l'article L. 952-11 du code de l'éducation, ni de celles du décret n° 84-431du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences, ni de celles de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires selon lesquelles les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération, ni de celles de l'article 64 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, le droit de percevoir une rémunération pour les activités qu'ils exercent et les services qu'ils rendent en cette qualité. b) En l'espèce, il ne ressort en outre d'aucune autre pièce du dossier que l'université aurait passé avec le requérant un contrat prévoyant qu'une rémunération lui serait versée au titre des enseignements. c) Par suite, le président de l'université était tenu, en vertu du principe selon lequel le droit d'un agent public à rémunération ne peut résulter que de dispositions législatives ou réglementaires ou d'un contrat, de refuser la rémunération demandée à raison des cours en question.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - RECOURS EN RECTIFICATION D'ERREUR MATÉRIELLE - RECEVABILITÉ - EXISTENCE - RECOURS CONTRE UNE DÉCISION COLLÉGIALE DU CONSEIL D'ETAT ATTRIBUANT UN DOSSIER À UNE JURIDICTION.

54-08-05-02 Les décisions collégiales attribuant un dossier à une juridiction peuvent faire l'objet d'un recours en rectification d'erreur matérielle.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2011, n° 343694
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Prévost
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:343694.20110726
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