La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/07/2011 | FRANCE | N°347547

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 26 juillet 2011, 347547


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 16 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Olivier A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA065031 du 18 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0612281-0617643-0619151/3-2 du 14 octobre 2009 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 20 nove

mbre 2006 du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité de...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 16 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Olivier A, demeurant au ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA065031 du 18 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0612281-0617643-0619151/3-2 du 14 octobre 2009 par lequel le magistrat désigné par le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2006 du ministre de l'intérieur constatant la perte de validité de son permis de conduire pour solde de points nul, des décisions retirant des points de son permis de conduire à la suite d'infractions relevées les 8 octobre 2003, 7 septembre, 29 novembre et 30 décembre 2004 et 8 mai 2005 et de la décision du 4 décembre 2006 par laquelle le préfet de police lui a ordonné de restituer son titre de conduite ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de la route, notamment son article L. 223-1 ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (....) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route : Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue ; qu'aux termes du quatrième alinéa du même article : La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive ; qu'il résulte des articles 529 à 529-2, 530 et 530-1 du code de procédure pénale que, pour les contraventions des quatre premières classes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat, le contrevenant peut soit acquitter une amende forfaitaire et éteindre ainsi l'action publique, soit présenter une requête en exonération ; que s'il s'abstient tant de payer l'amende forfaitaire que de présenter une requête, l'amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée au profit du Trésor public en vertu d'un titre rendu exécutoire par le ministère public, lequel est exécuté suivant les règles prévues pour l'exécution des jugements de police ; que dans le délai prévu par l'article 530, l'intéressé peut former auprès du ministère public une réclamation qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire en ce qui concerne l'amende contestée ; qu'au vu de cette réclamation, le ministère public peut, soit renoncer à l'exercice des poursuites, soit saisir la juridiction de proximité, soit aviser l'intéressé de l'irrecevabilité de la réclamation non motivée ou non accompagnée de l'avis ; que la décision d'irrecevabilité prise par le ministère public peut elle-même être contestée par l'intéressé sur le fondement de l'article 530-2 du code de procédure pénale ;

Considérant que M. A soutient que les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route, en tant qu'elles prévoient que l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée établit la réalité de l'infraction entraînant retrait de points, portent atteinte au principe de la nécessité des peines, aux droits de la défense, à la présomption d'innocence et à la liberté d'aller et venir ;

Considérant toutefois, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la circonstance que l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée entraîne retrait de points avant que ce titre n'acquière un caractère définitif ne porte pas, par elle-même, atteinte au principe de nécessité des peines énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle renvoie le préambule de la Constitution ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 16 de cette déclaration, invoqué par le requérant : Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, ainsi que les droits de la défense lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition ;

Considérant que l'objectif d'intérêt général de lutte contre les atteintes à la sécurité routière justifie, compte tenu de la nature et de la fréquence des infractions en la matière, que, pour assurer l'efficacité de la répression, le titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée dont résulte la réalité de l'infraction entraînant retrait de points puisse être émis, conformément aux dispositions précitées du code de procédure pénale, sans que soit organisé un débat contradictoire préalable, chaque fois que l'intéressé, sans contester l'amende forfaitaire qui lui a été infligée, s'est abstenu d'acquitter celle-ci ; que, pour autant, les droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne sont pas méconnus dès lors qu'il résulte de ces mêmes dispositions que la personne faisant l'objet du titre exécutoire peut former à l'encontre de celui-ci une réclamation qui, entraînant son annulation, impose, d'une part, au ministère public, s'il ne renonce pas aux poursuites, de saisir la juridiction de proximité et, d'autre part, au ministre de l'intérieur, de rapporter le retrait de points qui avait été décidé à la suite de l'émission du titre ; que, par suite, ainsi que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, l'intéressé dispose toujours de la faculté de demander la saisine du juge pénal qui statuera, dans le respect des droits de la défense, sur la réalité et l'imputabilité de l'infraction, le retrait de points afférent à celle-ci ne pouvant alors être appliqué qu'en cas de condamnation définitive, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route ;

Considérant, enfin, qu'eu égard à l'ensemble de ces garanties, les dispositions contestées ne portent pas davantage atteinte à la présomption d'innocence garantie par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la liberté d'aller et venir ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de la renvoyer au Conseil constitutionnel, le moyen tiré de ce que les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 223-1 du code de la route portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur le pourvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ;

Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêt attaqué, M. A soutient que la cour administrative d'appel a entaché sa décision d'une dénaturation des faits et d'une erreur de droit en considérant que la seule circonstance que les procès-verbaux de contravention des 7 septembre, 29 novembre 2004 et 8 mai 2005 comportent des renseignements précis relatifs à son état civil, son adresse et son numéro du permis de conduire établissait qu'il avait eu connaissance de ces procès-verbaux et que l'avis de contravention comportant les informations dont la délivrance est prescrite par l'article L. 223-3 du code de la route lui avait été remis ; qu'elle a commis une erreur de droit en estimant qu'à elle seule, la mention sur le relevé d'information intégrale de ce que l'infraction constatée le 30 décembre 2004 avait donné lieu à une amende forfaitaire devenue définitive le 18 janvier 2005, suffisait à établir que ces mêmes informations lui avaient été fournies avant le paiement de l'amende ; qu'elle a dénaturé ses écritures en relevant qu'il ressortait des mentions non contestées portées sur le relevé d'information intégral extrait du système national de permis de conduire que les infractions constatées les 7 septembre 2004, 29 novembre 2004 et 8 mai 2005 avaient donné lieu à des amendes forfaitaires devenues définitives ; qu'elle a commis une erreur de droit en considérant, en méconnaissance de l'article L. 223-1 du code de la route et de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la preuve de la réalité des infractions pouvait être établie par la seule production du relevé d'information intégral ;

Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.

Article 2 : Le pourvoi de M. A n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Olivier A, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 347547
Date de la décision : 26/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2011, n° 347547
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Sylvie Hubac
Rapporteur ?: Mme Domitille Duval-Arnould
Rapporteur public ?: M. Jean-Philippe Thiellay
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:347547.20110726
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award