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28/07/2011 | FRANCE | N°313279

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 28 juillet 2011, 313279


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 13 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA ANONYME AFFINERIE DE L'EST, dont le siège est 7, rue de l'Industrie à Bischwiller (67240), représentée par son président-directeur général ; la SA AFFINERIE DE L'EST demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05NC01091 du 13 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 02-3440 du 14 juin 2005 du tribunal

administratif de Strasbourg rejetant sa demande tendant à la décharge de l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 13 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA ANONYME AFFINERIE DE L'EST, dont le siège est 7, rue de l'Industrie à Bischwiller (67240), représentée par son président-directeur général ; la SA AFFINERIE DE L'EST demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 05NC01091 du 13 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 02-3440 du 14 juin 2005 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la dette fiscale de son ancienne locataire gérante, la SARL Société Alsacienne de Matières Premières (S.A.M.P.) au titre des années 1997 à 2000 pour un montant total de 2 733 463,83 euros et, d'autre part, à la décharge ou, à tout le moins, à la réduction de cette obligation solidaire de payer les impositions en litige ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la dette fiscale de son ancienne locataire la SARL S.A.M.P. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SA AFFINERIE DE L'EST,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SA AFFINERIE DE L'EST ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA AFFINERIE DE L'EST a fait l'objet, le 10 mai 2002, en sa qualité de débiteur solidaire, d'une saisie-vente aux fins d'assurer le recouvrement de diverses impositions mises à la charge de la SARL Société alsacienne de matières premières (SAMP) à laquelle elle avait donné en location gérance son fonds de commerce ; qu'après avoir formé une opposition à cet acte de poursuite, elle a saisi le tribunal administratif de Strasbourg qui, par un jugement du 14 juin 2005, a rejeté sa demande ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par décision du 3 décembre 2009, postérieure à l'introduction du pourvoi de la société requérante, l'administration a, par application de l'article 1756 du code général des impôts, à la suite de la liquidation judiciaire de la SARL SAMP, prononcé le dégrèvement des amendes fiscales établies en vertu de l'article 1763 A du code général des impôts au titre des années 1997 et 1998, pour des montants respectifs de 762 275,58 euros et 737 401,99 euros, et des intérêts de retard appliqués à l'impôt sur les sociétés, pour un montant de 54 672,80 euros au titre de 1997 et de 23 317,83 euros au titre de 1998, que la SA AFFINERIE DE L'EST avait été mise dans l'obligation de payer au titre de la responsabilité solidaire prévue par le 3 de l'article 1684 du même code ; que les conclusions du pourvoi relatives à ces amendes et intérêts de retard sont donc devenues sans objet ;

Sur les sommes restant en litige autres que les pénalités pour mauvaise foi relatives à l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos en 1997 et 1998 :

Considérant, d'une part, que, dans son mémoire enregistré le 18 novembre 2007, la société requérante s'est bornée à rappeler que les dispositions de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales selon lesquelles, en matière d'opposition aux poursuites, le juge se prononce exclusivement au vu des justifications présentées au trésorier-payeur général ne fait pas obstacle à ce que le requérant développe des moyens de droit nouveau, en assortissant son argumentation de l'exemple relatif au moyen tiré de ce que le contribuable ayant demandé un sursis de paiement, l'imposition n'était pas exigible ; qu'elle ne soutenait pas que, en l'espèce, les sommes litigieuses n'étaient pas exigibles, en application de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elles auraient fait l'objet d'une demande de sursis de paiement ; que, par suite, l'arrêt attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motivation faute d'avoir répondu à un tel moyen ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, les contestations relatives au recouvrement des impôts : "ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt" ;

Considérant que les moyens soulevés en appel, tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre de la SARL SAMP et du caractère exagéré des impositions supplémentaires auxquelles cette même société a été assujettie, visaient à remettre en cause l'assiette et le calcul des impositions restant en litige ; qu'ils étaient dès lors, par application des dispositions de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, irrecevables dans le cadre du contentieux de recouvrement seul engagé par la société requérante, alors même que celle-ci aurait pu engager un contentieux d'assiette ; que ce motif, d'ordre public, qui ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qui justifie légalement le dispositif de l'arrêt attaqué, doit être substitué au motif tiré de l'article R. 281-5 du même livre, par lequel la cour a écarté ces moyens ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêt attaqué sur ce point ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il porte sur les sommes restant en litige, autres que les pénalités pour mauvaise foi relatives à l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos en 1997 et 1998 ;

Sur les pénalités pour mauvaise foi relatives à l'impôt sur les sociétés dû au titre de 1997 et 1998 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes du 3 de l'article 1684 du code général des impôts : "Le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant de cette entreprise, des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds" ;

Considérant que la société requérante soutenait devant la cour qu'en vertu du 3 de l'article 1684 du code général des impôts, la solidarité de paiement prévue par ces dispositions ne pouvait s'appliquer qu'aux impôts directs et non aux pénalités et amendes ; que la cour n'a pas répondu à ce moyen, qui était opérant, s'agissant des impositions restant en litige, pour ce qui est des pénalités pour mauvaise foi relatives à l'impôt sur les sociétés dont le paiement lui était demandé au titre de 1997 et 1998 ; que la société requérante est, par suite, fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l'infraction : "Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie. (...)" ; que la solidarité de paiement prévue par les dispositions précitées du 3 de l'article 1684 du code général des impôts ne s'étend pas à la majoration pour mauvaise foi dont les impôts directs qu'elles visent peuvent être assortis, en application du 1 de l'article 1729 du même code ; qu'ainsi la SA AFFINERIE DE L'EST est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 juin 2005, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les pénalités pour mauvaise foi relatives à l'impôt sur les sociétés dû au titre de 1997 et 1998 ;

Sur les conclusions de la SA AFFINERIE DE L'EST tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SA AFFINERIE DE L'EST d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant la cour administrative d'appel de Nancy et le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi en tant qu'elles portent sur les amendes fiscales établies à l'encontre de la SARL SAMP en vertu de l'article 1763 A du même code au titre des années 1997 et 1998 pour des montants respectifs de 762 275,58 euros et 737 401,99 euros et sur les intérêts de retard appliqués à l'impôt sur les sociétés pour des montants de 54 672,80 euros au titre de 1997 et de 23 317,83 euros au titre de 1998.

Article 2 : L'arrêt du 13 décembre 2007 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il porte sur les pénalités pour mauvaise foi relatives à l'impôt sur les sociétés dû au titre de 1997 et 1998.

Article 3 : La SA AFFINERIE DE L'EST est déchargée de l'obligation de payer les pénalités visées à l'article 2.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 14 juin 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à la SA AFFINERIE DE L'EST une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SA AFFINERIE DE L'EST est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la SA AFFINERIE DE L'EST et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 313279
Date de la décision : 28/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RECOUVREMENT. PAIEMENT DE L'IMPÔT. - SOLIDARITÉ DU PROPRIÉTAIRE D'UN FONDS DE COMMERCE AVEC L'EXPLOITANT DE L'ENTREPRISE POUR LE PAIEMENT DES IMPÔTS DIRECTS ÉTABLIS À RAISON DE L'EXPLOITATION DE CE FONDS (3 DE L'ART. 1684 DU CGI) - SOLIDARITÉ INAPPLICABLE AUX PÉNALITÉS POUR MAUVAISE FOI (ART. 1729 DU CGI).

19-01-05-02 La solidarité de paiement prévue par les dispositions précitées du 3 de l'article 1684 du code général des impôts (CGI), en vertu de laquelle le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant de cette entreprise des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds, ne s'étend pas à la majoration pour mauvaise foi dont les impôts directs qu'elles visent peuvent être assortis, en application du 1 de l'article 1729 du même code.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2011, n° 313279
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:313279.20110728
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