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28/07/2011 | FRANCE | N°318285

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 28 juillet 2011, 318285


Vu le pourvoi, enregistré le 10 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07DA01475 du 3 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0602474 du 10 mai 2007 du tribunal administratif de Lille ayant prononcé la réduction de la cotisation primitive de taxe professionnelle à laquelle la SAS Fjord Seafood Appeti Marine a été assujettie

au titre de l'année 2005 dans les rôles de la commune de Dunkerque ...

Vu le pourvoi, enregistré le 10 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07DA01475 du 3 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0602474 du 10 mai 2007 du tribunal administratif de Lille ayant prononcé la réduction de la cotisation primitive de taxe professionnelle à laquelle la SAS Fjord Seafood Appeti Marine a été assujettie au titre de l'année 2005 dans les rôles de la commune de Dunkerque ;

2°) réglant l'affaire au fond, de remettre à la charge de la SAS Fjord Seafood Appeti Marine la cotisation de taxe professionnelle en litige ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SAS Fjord Seafood Appeti Marine,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SAS Fjord Seafood Appeti Marine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par actes établis le 31 mars 2004, la SA Six Holding, associée unique de la SA Appeti Marine, a procédé à la dissolution sans liquidation de cette dernière ; que cette opération, réalisée en application de l'article 1844-5 du code civil, a entraîné la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute à la société Six Holding, devenue SAS Fjord Seafood Appeti Marine ; que cette société a souscrit le 26 avril 2004 une déclaration rectificative de ses bases d'imposition à la taxe professionnelle en mentionnant un montant de 282 909 euros correspondant à la valeur locative des biens inscrits au bilan de la société dissoute ; que, par une réclamation du 14 novembre 2005, la SAS Fjord Seafood Appeti Marine a demandé à l'administration de substituer à la valeur locative d'origine initialement déclarée, et sur la base de laquelle la cotisation de taxe professionnelle due au titre de l'année 2005 avait été calculée, la valeur nette comptable de ces mêmes biens, estimée par elle à la somme de 102 205 euros ; que, par décision du 9 février 2006, l'administration a rejeté cette réclamation en se fondant sur les dispositions du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 10 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de la SAS Fjord Seafood Appeti Marine tendant à la réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2005 dans les rôles de la commune de Dunkerque ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1844-5 du code civil : "La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an. (...). / En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation (...)" ; que, selon les dispositions de l'article 1469 du code général des impôts, relatif à la taxe professionnelle, alors en vigueur : "La valeur locative est déterminée comme suit : (...) / 3° quater Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement : / a) l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ; / b) ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise (...)" ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts qu'ainsi que l'a relevé l'arrêt attaqué, les cessions de biens visées par les dispositions précitées, invoquées en l'espèce par l'administration, s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire ; que ces dispositions, dont les termes renvoient à une opération définie et régie par le droit civil, ne sauraient s'entendre comme incluant toutes autres opérations qui, sans constituer des "cessions" proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale ; que, si en vertu des dispositions précitées de l'article 1844-5 du code civil, la dissolution sans liquidation d'une société dont toutes les parts ont été réunies en une seule main entraîne le transfert du patrimoine de la société dissoute à l'associé unique qui subsiste, cette mutation patrimoniale, qui ne constitue pas une cession au regard du droit civil, n'entre pas dans le champ d'application du 3° quater de l'article 1469 ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit, d'une part, en conférant cette portée à ces dispositions sans se référer aux débats parlementaires ayant précédé leur adoption et, d'autre part, en jugeant, par un arrêt exempt de contradiction de motifs, que la transmission de biens intervenue en l'espèce au profit de la société Fjord Seafood Appeti Marine ne pouvait être regardée comme une cession au sens des dispositions précitées du 3° quater de l'article 1469 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que le moyen invoqué par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et tiré de ce que, si une transmission universelle de patrimoine ne pouvait être assimilée à une cession, il y aurait nécessairement lieu de l'assimiler à une succession, n'avait pas été soulevé devant la cour administrative d'appel de Douai ; qu'il n'est pas d'ordre public ; que, par suite, il ne peut être utilement invoqué devant le juge de cassation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS Fjord Seafood Appeti Marine de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Fjord Seafood Appeti Marine la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la SAS Fjord Seafood Appeti Marine.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 318285
Date de la décision : 28/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXE PROFESSIONNELLE. ASSIETTE. - IMMOBILISATIONS CORPORELLES - VALEUR LOCATIVE - RÈGLE DU MAINTIEN DU PRIX DE REVIENT INITIAL EN CAS DE CESSION ENTRE ENTREPRISES LIÉES DE BIENS RESTANT RATTACHÉS AU MÊME ÉTABLISSEMENT (ART. 1469 3° QUATER DU CGI) - NOTION DE CESSION DE BIENS - TRANSMISSION UNIVERSELLE DU PATRIMOINE D'UNE SOCIÉTÉ DISSOUTE SANS LIQUIDATION À SON ASSOCIÉ (ART. 1844-5 DU CODE CIVIL) - EXCLUSION.

19-03-04-04 Il résulte des termes mêmes de l'article 1469, 3° quater du code général des impôts (CGI) que les cessions de biens visées par ces dispositions s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire. Ces dispositions, dont les termes renvoient à une opération définie et régie par le droit civil, ne sauraient s'entendre comme incluant toutes autres opérations qui, sans constituer des « cessions » proprement dites, ont pour conséquence une mutation patrimoniale. Si en vertu des dispositions de l'article 1844-5 du code civil, la dissolution sans liquidation d'une société dont toutes les parts ont été réunies en une seule main entraîne le transfert du patrimoine de la société dissoute à l'associé unique qui subsiste, cette mutation patrimoniale, qui n'est pas une cession au regard du droit civil, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1469, 3° quater du CGI.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2011, n° 318285
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:318285.20110728
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