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28/07/2011 | FRANCE | N°326016

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 28 juillet 2011, 326016


Vu la requête, enregistré le 12 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'ASSOCIATION L.A.P.R.E.S.E.A.N.C.E, dont le siège est BP 15854 à Nouméa Cedex (98804) ; l'ASSOCIATION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 relatif à l'indemnité temporaire accordée aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;r>
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1e...

Vu la requête, enregistré le 12 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par l'ASSOCIATION L.A.P.R.E.S.E.A.N.C.E, dont le siège est BP 15854 à Nouméa Cedex (98804) ; l'ASSOCIATION demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 relatif à l'indemnité temporaire accordée aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er juin 2011, présentée pour l'ASSOCIATION L.A.P.R.E.S.E.A.N.C.E ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

Vu la décision n° 327174 du 23 avril 2010 et la décision n° 326444 du 2 juin 2010 par lesquelles le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées respectivement par M. Alain Cachard et l'association des pensionnés civils et militaires en Nouvelle-Calédonie ;

Vu la décision n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010 statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. Alain C. et autre ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'ASSOCIATION L.A.P.R.E.S.E.A.N.C.E et de la SCP Peignot, Garreau, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'ASSOCIATION L.A.P.R.E.S.E.A.N.C.E et à la SCP Peignot, Garreau, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Sur la légalité externe :

Considérant que ni la Constitution, ni les dispositions de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, ni aucune autre disposition législative ne faisaient obligation au Gouvernement de soumettre au Conseil d'Etat les décrets portant application de cet article ; que le moyen tiré de l'absence de consultation du Conseil d'Etat doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution ;

Considérant que, par sa décision du 22 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les paragraphes III et IV de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ; que, par suite, les moyens tirés de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution doivent être écartés ;

Quant aux moyens tirés de la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 méconnaitrait les stipulations de l'article 6 de cette convention n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 14 de cette convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;

Considérant que les indemnités temporaires régies par les dispositions de l'article 137 du 30 décembre 2008 de la loi de finances rectificative pour 2008 accordées aux personnels retraités relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite doivent être regardées comme des biens au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; que, toutefois et d'une part, ces stipulations n'ont ni pour objet, ni pour effet de conférer un droit au maintien des réglementations en vigueur ; que l'article 137 ne méconnaît, par suite, pas ces stipulations, combinées avec celles de l'article 14 de cette convention, en tant qu'il prévoit un traitement différent pour les personnels ayant pris leur retraite à compter du 1er janvier 2009 ; que, d'autre part, ces dispositions ont pour objet de concilier la compensation du coût de la vie dans certains territoires d'outre-mer avec le bon usage des deniers publics ; que la différence de traitement qui en résulte pour les personnels retraités en fonction du montant de leur pension est en rapport avec cet objet et justifié par un objectif d'intérêt général ; qu'il en résulte que le moyen doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que selon le VI de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 l'indemnité temporaire de retraite cesse d'être versée lorsque la personne attributaire cesse de remplir les conditions d'effectivité de la résidence ; qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article 9 du décret n° 2009-114 du 30 janvier 2009 : Pour les absences dont la durée cumulée est supérieure à trois mois, le paiement de l'indemnité temporaire est suspendu et reprend sans effet rétroactif à compter du premier jour du quatrième mois suivant le mois du retour ; qu'il résulte de la lettre même de ces dispositions qu'elles ont pour seul objet de tirer les conséquences du non respect pendant un délai de plus de trois mois de la condition de résidence prévue par la loi, et qu'elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer une sanction ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de cette convention par l'article 9 du décret du 30 janvier 2009 doit, par suite, être écarté ;

Quant au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'alinéa 3 de l'article 9 du décret attaqué n'institue pas une sanction ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que cette disposition du décret instituerait une sanction non prévue par la loi doit être écarté ;

Quant aux moyens dirigés contre le plafonnement et l'écrêtement des indemnités temporaires de retraite ;

Considérant que le législateur a fixé, par l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, d'une part, les critères auxquels le bénéfice de l'indemnité temporaire de retraite est subordonné et, d'autre part, le principe du plafonnement et de l'écrêtement de l'indemnité temporaire pour les personnels relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il en résulte que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'illégalité ni en ce qu'il prévoit de tels plafonnement et écrêtement, ni en tant qu'il traiterait les personnels retraités différemment des personnels en activité ;

Considérant, par ailleurs, que l'article 2 du décret attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il fixe les plafonds de l'indemnité temporaire de retraite à 8 000 euros pour les bénéficiaires résidant dans les territoires mentionnés à l'article 1er et, par exception à cette règle, à 10 000 euros s'agissant de ceux qui résident en Nouvelle-Calédonie, à Wallis et Futuna et en Polynésie française ;

Quant aux moyens relatifs à la rétroactivité du décret en litige ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le décret attaqué ait été publié postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi dont il fait application est sans incidence sur sa légalité ;

Considérant, en second lieu, que le premier alinéa de l'article 137 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, en prévoyant que les indemnités temporaires octroyées avant le 1er janvier 2009 seraient plafonnées à leur valeur en paiement au 31 décembre 2008 et ne pourraient excéder un montant annuel défini par décret selon la collectivité de résidence et que la part de l'indemnité temporaire de retraite dépassant le plafond serait écrêtée chaque année pour atteindre le montant annuel relatif à l'année 2018, a nécessairement entendu prévoir que l'écrêtement entrerait en vigueur au 1er janvier 2009 ; que, par suite, le décret attaqué n'est pas entaché de rétroactivité illégale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'ASSOCIATION L.A.P.R.E.S.E.A.N.C.E et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION L.A.P.R.E.S.E.A.N.C.E est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION L.A.P.R.E.S.E.A.N.C.E, à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 326016
Date de la décision : 28/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2011, n° 326016
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jean-Pierre Jouguelet
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:326016.20110728
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