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28/07/2011 | FRANCE | N°336945

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 28 juillet 2011, 336945


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 21 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BOURG-SAINT-MAURICE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BOURG-SAINT-MAURICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0704730-0800729 du 22 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les titres de perception des 12 juin et 17 décembre 2007 émis par le maire à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arandelières" pour le rec

ouvrement de 222 760,70 euros et 9 179,40 euros correspondant au montant...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février et 21 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BOURG-SAINT-MAURICE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BOURG-SAINT-MAURICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0704730-0800729 du 22 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé les titres de perception des 12 juin et 17 décembre 2007 émis par le maire à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arandelières" pour le recouvrement de 222 760,70 euros et 9 179,40 euros correspondant au montant de travaux réalisés d'office dans le " parking des Villards ", à la suite d'un arrêté de péril imminent du 13 octobre 2005 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arandelières" ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arandelières" la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

Vu le décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE et de la SCP Boulloche, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence "les Arandelières",

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE et à la SCP Boulloche, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence "les Arandelières" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté de péril imminent du 13 octobre 2005, pris sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors en vigueur, le maire de Bourg-Saint-Maurice a ordonné aux propriétaires de l'immeuble dit " parking des Villards " de réaliser des travaux sur cet immeuble ; qu'après avoir fait exécuter d'office ces travaux, le maire a émis les 12 juin 2007 et 17 décembre 2007 à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arandelières", propriétaire d'une partie de l'immeuble, deux titres exécutoires d'un montant de 222 760, 70 euros et de 9 179, 40 euros pour le recouvrement de la part du coût des travaux qu'il a mis à sa charge ; que la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE se pourvoit en cassation contre le jugement du 22 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces titres exécutoires ;

Considérant que, par son jugement du 22 décembre 2009, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les titres exécutoires attaqués au motif que l'arrêté de péril du 13 octobre 2005 était entaché d'illégalité, sans répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, par lequel la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE soutenait que cet arrêté était devenu définitif ; que ce jugement est dès lors entaché d'irrégularité ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE BOURG-SAINT-MAURICE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de ses réunions des 12 octobre 2007 et 23 avril 2008, l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires de la résidence " Les Arandelières " a, en vertu de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour son application, donné mandat à son syndic pour agir en justice au nom des copropriétaires et demander l'annulation des titres exécutoires attaqués ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune et tirée du défaut de qualité pour agir du syndic doit, par suite, être écartée ;

Sur les conclusions dirigées contre les titres exécutoires :

Considérant, en premier lieu, qu'une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou, si elle a fait l'objet d'un recours contentieux dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable ;

Considérant que si, par un jugement du 20 octobre 2009, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande dirigée par le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les Arandelières " contre l'arrêté de péril du 13 octobre 2005, ce jugement pouvait faire l'objet d'un pourvoi en cassation dans un délai de deux mois à compter de sa notification aux parties ; que cet arrêté ne présentait donc pas le caractère d'une décision définitive à la date du 4 novembre 2009 à laquelle le tribunal administratif a informé les parties que son jugement sur les demandes du syndicat des copropriétaires tendant à l'annulation des titres exécutoires des 12 juin et 17 décembre 2007 était susceptible d'être fondé sur l'illégalité de l'arrêté de péril du 13 octobre 2005 ; que, la recevabilité d'un moyen s'appréciant à la date à laquelle il est soulevé devant le juge de l'excès de pouvoir et non à la date à laquelle ce dernier statue sur son bien-fondé, l'exception d'illégalité communiquée par le tribunal administratif et reprise par le syndicat des copropriétaires est donc recevable ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté de péril : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique " ;

Considérant que les mesures prescrites par l'arrêté de péril pris par le maire de Bourg-Saint-Maurice le 13 octobre 2005 visaient à " assurer la stabilité au feu des structures béton niveau -2 et -3 et des joints de dalle ; en ce qui concerne les colonnes sèches, déplacer l'alimentation, protéger les colonnes contre l'incendie, alimenter les sas ; désigner un maître d'oeuvre unique et un contrôleur technique pour établir un projet de mise en conformité générale " ; qu'elles avaient ainsi pour but de prévenir les risques qui résulteraient d'un incendie et non pas ceux qui résulteraient d'un défaut de solidité de l'immeuble ; qu'un tel motif n'est pas au nombre de ceux qui permettent au maire de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 511-1 ; que dès lors, le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les Arandelières " est fondé à soutenir que l'arrêté de péril du maire de Bourg-Saint-Maurice du 13 octobre 2005 est entaché d'illégalité et ne pouvait légalement servir de fondement aux titres exécutoires émis par le maire les 12 juin 2007 et 17 décembre 2007 pour le recouvrement des sommes de 222 760, 70 euros et de 9179, 40 euros ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des demandes, le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les Arandelières " est fondé à demander la décharge des sommes qui lui ont été réclamées par ces titres exécutoires ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du syndicat des copropriétaires de la résidence " Les Arandelières " au titre des frais exposés par la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE le versement au syndicat des copropriétaires de la résidence " Les Arandelières " d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 22 décembre 2009 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les Arandelières " est déchargé des sommes qui lui ont été réclamées par les titres exécutoires émis par le maire de Bourg-Saint-Maurice les 12 juin 2007 et 17 décembre 2007.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE est rejeté.

Article 4 : La COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE versera au syndicat des copropriétaires de la résidence " Les Arandelières " la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires de la résidence "Les Arandelières" et à la COMMUNE DE BOURG SAINT-MAURICE.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-07-01-04-04-02 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. QUESTIONS GÉNÉRALES. MOYENS. EXCEPTION D'ILLÉGALITÉ. RECEVABILITÉ. - EXCEPTION D'ILLÉGALITÉ SOULEVÉE À L'ENCONTRE D'UNE DÉCISION INDIVIDUELLE - EXCEPTION RECEVABLE TANT QUE LA DÉCISION N'EST PAS DEVENUE DÉFINITIVE - CAS D'UNE DÉCISION AYANT FAIT L'OBJET D'UNE DEMANDE D'ANNULATION REJETÉE PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF MAIS ENCORE SUSCEPTIBLE DE FAIRE L'OBJET D'UN POURVOI EN CASSATION - RECEVABILITÉ.

54-07-01-04-04-02 Une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'une décision individuelle est recevable tant que cette décision ne présente pas de caractère définitif. Tel est le cas d'une exception d'illégalité soulevée à l'encontre d'un arrêté de péril ayant l'objet d'une demande d'annulation par un jugement de tribunal administratif encore susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation à la date à laquelle l'exception est soulevée, fût-ce d'office.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 jui. 2011, n° 336945
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE ; SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Date de la décision : 28/07/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 336945
Numéro NOR : CETATEXT000024448337 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-07-28;336945 ?
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