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03/08/2011 | FRANCE | N°322041

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 03 août 2011, 322041


Vu le pourvoi, enregistré le 31 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 4 de l'arrêt n° 04PA01380 du 2 septembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à la requête de la société Sirio Antenne SRL, a annulé le jugement n° 00191367 du 5 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la

demande de la société tendant à l'annulation de la décision d...

Vu le pourvoi, enregistré le 31 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 4 de l'arrêt n° 04PA01380 du 2 septembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à la requête de la société Sirio Antenne SRL, a annulé le jugement n° 00191367 du 5 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2000 du directeur général des impôts rejetant sa demande d'indemnisation, a condamné l'Etat à verser à la société, à titre de dommages et intérêts, une somme de 2 500 000 euros et a décidé que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2000, avec capitalisation des intérêts échus au 18 février 2002, et à chaque échéance annuelle jusqu'au paiement du principal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 juin 2011 présentée pour la société Sirio Antenne SRL ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne devenue Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son protocole n° 1 additionnel ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Sirio Antenne SRL,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Sirio Antenne SRL ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société de droit italien Sirio Antenne SRL fournissait à des sociétés françaises des antennes pour des postes émetteurs-récepteurs fonctionnant sur canaux banalisés dits postes CB que celles-ci commercialisaient ; que les livraisons en France des postes CB étaient soumises à une taxe dont le régime était fixé à l'article 302 bis X du code général des impôts ; que la taxe était due par les fabricants, les importateurs et les personnes effectuant des acquisitions intracommunautaires ; que, par un arrêt du 22 avril 1999 CRT France International SA (aff. C-109/98), la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que, pour les livraisons en France de postes CB importés d'Etats membres de la Communauté économique européenne, les articles 9 et 12 (devenus 23 et 25 CE qui correspondent aux articles 28 et 30 TFUE) du traité instituant la Communauté économique européenne s'opposaient à l'instauration d'une telle taxe au motif qu'elle constituait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane et qu'il en allait de même pour les livraisons de postes CB importés de pays tiers en application des articles 9, 12 et 113 (devenu 133 CE qui correspond à l'article 207 TFUE) du traité ; que cette taxe a été supprimée à compter du 1er janvier 2000 par l'article 30 de la loi de finances pour 2000 ; qu'à la suite de cet arrêt, la société Sirio Antenne SRL a demandé au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'indemniser des préjudices qu'elle alléguait avoir subis en raison de la baisse de ses ventes sur le marché français sur la période couvrant les années 1993 à 2000 ; qu'à la suite du rejet de cette demande, elle a saisi le tribunal administratif de Paris qui, par jugement du 5 décembre 2003, a rejeté ses conclusions ; que la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt du 2 septembre 2008 à l'encontre duquel le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation, annulé ce jugement et condamné l'Etat à verser à la société Sirio Antenne SRL une somme de 2 500 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la diminution de ses bénéfices ainsi que les intérêts de cette somme et la capitalisation de ces intérêts ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'en vertu de l'article 83 de la loi de finances rectificative du 31 décembre 1992 et de l'article 27 de la loi du 30 décembre 1993, codifiés à l'article 302 bis X du code général des impôts, les livraisons en France de certains postes émetteurs-récepteurs fonctionnant sur canaux banalisés dits postes CB ont été soumises, à partir du 1er janvier 1993, à une taxe forfaitaire fixée à 250 F par appareil, puis à compter de janvier 1994, à une taxe proportionnelle fixée à 30 % du prix de vente hors taxe, sans pouvoir être inférieure à 150 F ni excéder 350 F par appareil ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'institution de cette taxe était incompatible avec les articles 9, 12 et 113 du traité instituant la Communauté économique européenne dès lors qu'alors qu'il n'existait pas de production nationale de postes CB, elle constituait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ; qu'en conséquence, l'administration ne pouvait mettre à la charge des sociétés établies en France qui achetaient des antennes à la société requérante la taxe prévue par ces dispositions du code général des impôts ; que cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant que, pour faire partiellement droit à la demande présentée par la société Sirio Antenne SRL, la cour a, après avoir fait mention de l'arrêt du 22 avril 1999 de la Cour de justice des Communautés européennes, jugé que la responsabilité de l'Etat du fait des lois était engagée en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques ; qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice dont la réparation était demandée par cette société ne pouvait résulter que de l'incompatibilité avec le droit communautaire de la taxe fondée sur l'article 302 bis X du code général des impôts et due par les sociétés dont elle était le fournisseur, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 4 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la diminution de la valeur du fonds de commerce de la société Sirio Antenne SRL, la perte de chance de développer son activité de vente d'antennes en France et la baisse de son bénéfice sur ce marché ne sont pas les conséquences nécessaires de la taxation sur le fondement de l'article 302 bis X du code général des impôts des sociétés établies en France dont elle était le fournisseur ; qu'ainsi, les dommages allégués par la société Sirio Antenne SRL ne sont pas directement imputables à l'illégalité de la taxe mise à la charge de ces sociétés ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la société serait privée de ce fait d'un recours effectif doit être écarté ; qu'en l'absence de toute créance, la société ne peut invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de toute personne au respect de ses biens ; que, par suite, elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice dont elle s'est prévalue ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans cette instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er à 4 de l'arrêt du 2 septembre 2008 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : La requête de la société Sirio Antenne SRL présentée devant la cour administrative d'appel de Paris et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Sirio Antenne SRL.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 322041
Date de la décision : 03/08/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 aoû. 2011, n° 322041
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Christian Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:322041.20110803
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