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05/10/2011 | FRANCE | N°325107

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 05 octobre 2011, 325107


Vu le pourvoi, enregistré le 11 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Youssef Ben Haj Hédi A, demeurant chez M. Rachidi Bouraoui 21, avenue Taïeb M'Hiri à Sbeitla (12500), Tunisie ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07/00075 du 3 octobre 2008 par lequel la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône en date du 24 mars 2007 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 8 juillet 200

4, confirmée le 2 novembre 2004, rejetant sa demande de pension militai...

Vu le pourvoi, enregistré le 11 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Youssef Ben Haj Hédi A, demeurant chez M. Rachidi Bouraoui 21, avenue Taïeb M'Hiri à Sbeitla (12500), Tunisie ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07/00075 du 3 octobre 2008 par lequel la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône en date du 24 mars 2007 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 8 juillet 2004, confirmée le 2 novembre 2004, rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de la guerre ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes civiles de la guerre ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;

Vu les décisions n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 et n° 2011-108 du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant que le pourvoi de M. A est, contrairement à ce que soutient le ministre, suffisamment motivé ; que la fin de non-recevoir qu'il soulève ne peut, par suite, qu'être écartée ;

Sur le pourvoi :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, de nationalité tunisienne, a demandé le 24 avril 2004 le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en qualité de victime civile de guerre ; que cette demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 8 juillet 2004, confirmée le 2 novembre 2004 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 octobre 2008 par lequel la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du 24 mars 2008 du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution qu'une disposition législative déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pas annulée rétroactivement mais abrogée pour l'avenir à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que, par sa décision n° 2010-108 QPC en date du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ;

Considérant que, lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions précitées, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ;

Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII ; qu'il a jugé que : afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision ;

Considérant que, à la suite de cette décision, l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a défini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France et abrogé plusieurs dispositions législatives, notamment celles de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960 ; que, par ailleurs, son paragraphe VI prévoit que le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances ; qu'enfin, aux termes du XI du même article : Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 ;

Considérant que, comme il a été dit, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au législateur de prévoir une application aux instances en cours à la date de sa décision des dispositions qu'il adopterait en vue de remédier à l'inconstitutionnalité constatée ; que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 ne se borne pas à déterminer les règles de calcul des pensions servies aux personnes qu'il mentionne, mais abroge aussi plusieurs dispositions législatives ; qu'ainsi, et alors même qu'il mentionne la révision des pensions , le paragraphe VI de l'article 211 précité doit être regardé comme s'appliquant aussi aux demandes nouvelles de pension ;

Considérant que pour statuer sur la demande de pension présentée par M. A, la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence s'est exclusivement fondée sur les dispositions de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 ; qu'il s'ensuit qu'afin de préserver l'effet utile de la décision précitée du Conseil constitutionnel à la solution de l'instance ouverte par la demande de M. A, il incombe au juge de cassation, après avoir sursis à statuer comme l'y invitait la décision du Conseil constitutionnel, d'annuler l'arrêt attaqué ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt en date du 3 octobre 2008 de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Montpellier.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Youssef Ben Haj Hédi A et au ministre de la défense et des anciens combattants.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 oct. 2011, n° 325107
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: M. Edouard Geffray

Origine de la décision
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 05/10/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 325107
Numéro NOR : CETATEXT000024662415 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-10-05;325107 ?
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