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05/10/2011 | FRANCE | N°343725

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 05 octobre 2011, 343725


Vu l'ordonnance du 29 septembre 2010, enregistrée le 7 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Dijon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Patrice A ;

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 20 mars 2009 et1er juillet 2010 au greffe du tribunal administratif de Dijon, présentés par M. A, demeurant 16 rue Bourvil à Chevigny-Saint-Sauveur (21800) et le nouveau mémoire, enregistré au secré

tariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 décembre 2010, présenté...

Vu l'ordonnance du 29 septembre 2010, enregistrée le 7 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Dijon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. Patrice A ;

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 20 mars 2009 et1er juillet 2010 au greffe du tribunal administratif de Dijon, présentés par M. A, demeurant 16 rue Bourvil à Chevigny-Saint-Sauveur (21800) et le nouveau mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 16 décembre 2010, présenté pour M. A ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 4 février 2009 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a rejeté sa demande tendant à ce que la prime spéciale prévue par le décret du 13 mars 2000 lui soit attribuée à compter de la mise en place de cette prime ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête, correspondant au montant de la prime spéciale prévue par le décret du 13 mars 2000 qu'il aurait dû percevoir à compter de la mise en place de cette prime ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 ;

Vu le décret n° 2002-261 du 22 février 2002 ;

Vu l'arrêté du 13 mars 2000 fixant la liste des corps et des emplois prévue à l'article 1er du décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture ;

Vu l'arrêté du 13 mars 2000 pris pour l'application du décret n° 2000-239 du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A,

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 13 mars 2000 instituant une prime spéciale en faveur de certains personnels du ministère chargé de l'agriculture : Une prime spéciale, non soumise à retenue pour pension civile, peut être attribuée aux fonctionnaires de certains corps ou emplois du ministère chargé de l'agriculture, dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la fonction publique et du budget, lorsqu'ils sont en position normale d'activité dans les services de l'administration centrale et les services déconcentrés, dans les services à compétence nationale et dans certains établissements publics, ou lorsqu'ils sont mis à disposition./ La liste des établissements publics mentionnés à l'alinéa ci dessus est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de la fonction publique et du budget. ; que, par un premier arrêté pris le même jour, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministre de l'agriculture et de la pêche et le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ont fixé la liste des corps, au nombre desquels figure le corps des ingénieurs du génie rural, des eaux et forêts, dont les membres sont susceptibles de bénéficier de la prime spéciale ; que, par un second arrêté du 13 mars 2000, les mêmes ministres ont fixé la liste des établissements publics mentionnés à l'article 1er précité du décret du 13 mars 2000 ; que cette liste ne comporte que deux établissements d'enseignement supérieur agricole : l'Ecole nationale du génie rural, des eaux et des forêts et l'Ecole nationale du génie rural de l'eau et de l'environnement de Strasbourg ;

Considérant que, par une lettre du 3 décembre 2008 adressée au ministère de l'agriculture et de la pêche, M. A, ingénieur en chef du génie rural, des eaux et des forêts occupant les fonctions de responsable de la formation initiale d'ingénieur à l'Etablissement national d'enseignement supérieur agronomique de Dijon (ENESAD), a réclamé, à compter de sa mise en place, le bénéfice de la prime spéciale créée par le décret du 13 mars 2000 mentionné ci-dessus ; qu'à l'appui de cette demande, il faisait valoir que l'absence, dans la liste des établissements d'enseignement supérieur agricole dressée par le second arrêté du 13 mars 2000 mentionné ci-dessus, des autres établissements d'enseignement supérieur agricole, en particulier de l'ENESAD de Dijon, méconnaissait le principe d'égalité ; que, par une décision du 4 février 2009, le ministre de l'agriculture et de la pêche a rejeté cette demande ; que M. A demande l'annulation de cette décision et la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité, assortie des intérêts au taux légal capitalisés, correspondant à la différence entre le montant de la prime spéciale à laquelle il estime avoir droit à compter de l'année 2000, en prenant pour base le montant individuel théorique mentionné à l'article 2 du décret du 13 mars 2000 dont la formule de calcul a été précisée par l'article 3 de l'arrêté interministériel du même jour, après modulation au taux analogue à celui appliqué dans les établissements d'enseignement supérieur mentionnés par l'arrêté du 13 mars 2000 pour des postes à niveau de responsabilité comparable, et le montant de la prime d'enseignement supérieur ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2009 :

Considérant que si, en application de l'article 1er du décret du 13 mars 2000, il leur appartient de dresser la liste des établissements d'enseignement supérieur agricole au sein desquels l'affectation en position normale d'activité des membres de certains corps ouvre droit au bénéfice de la prime que ce décret institue, les ministres chargés de l'agriculture, de la fonction publique et du budget ne peuvent, sans méconnaître le principe d'égalité, créer une discrimination injustifiée au regard des conditions d'exercice des fonctions ou encore des nécessités ou de l'intérêt général du service, ou manifestement disproportionnée au regard des différences ou des objectifs susceptibles de les justifier ;

Considérant que le ministre chargé de l'agriculture ne fait état d'aucun élément objectif, tenant aux conditions d'exercice de leurs fonctions par les ingénieurs du génie rural, des eaux et forêts qui y sont affectés ou à l'intérêt général du service, de nature à justifier que l'Etablissement national d'enseignement supérieur agronomique de Dijon (ENESAD), devenu l'Institut national supérieur des sciences agronomiques, de l'alimentation et de l'environnement (Agrosup Dijon) depuis le 1er mars 2009, qui est aussi un établissement d'enseignement supérieur agricole mentionné à l'article D. 812-1 du code rural, ne figure pas, à la différence de l'Ecole nationale du génie rural, des eaux et des forêts et de l'Ecole nationale du génie rural de l'eau et de l'environnement de Strasbourg, sur la liste des établissements publics au sein desquels l'affectation d'un ingénieur du génie rural, des eaux et forêts permet de bénéficier de la prime spéciale ; qu'il ressort au contraire des pièces du dossier, en particulier d'une lettre du vice-président du Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, en date du 24 janvier 2006, adressée au secrétaire général du ministère de l'agriculture et de la réponse, en date du 17 février de la même année, que lui a faite le directeur général de l'enseignement et de la recherche de ce ministère qu'une telle discrimination n'a aucune justification ; que M. A est, par suite, fondé à soutenir que l'arrêté du 13 mars 2000 est illégal en tant que la liste des établissements publics qu'il dresse ne comporte pas l'établissement d'enseignement supérieur agricole au sein duquel il est affecté ; que la décision du 4 février 2009 du ministre de l'agriculture et de la pêche lui refusant le bénéfice de la prime spéciale ayant pour seul motif son affectation au sein de l'ENESAD de Dijon, M. A est fondé à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement de la somme de 154 870 euros :

Considérant que M. A a droit à la réparation du préjudice que lui a causé le refus illégal de l'Etat de lui accorder le bénéfice de la prime spéciale ; qu'il demande, à ce titre, la condamnation de l'Etat à lui verser une somme correspondant à la différence entre le montant de la prime spéciale à laquelle il avait droit à compter de l'année 2000, et le montant de la prime d'enseignement supérieur ; qu'il évalue le montant de cette réparation à 154 870 euros ;

S'agissant de la prime spéciale due au titre des années antérieures à 2004 :

Considérant que le ministre de l'agriculture et de la pêche oppose la prescription quadriennale aux conclusions indemnitaires présentées par M. A ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. ; que M. A n'a réclamé le paiement de la prime spéciale que dans son courrier du 3 décembre 2008 ; que, par suite, sont prescrites les créances relatives au paiement de la prime spéciale due au titre des années antérieures à 2004 ;

S'agissant de la période du 1er janvier 2004 au 3 décembre 2008 :

Considérant qu'en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du refus illégal de l'Etat de lui accorder le bénéfice de la prime spéciale au titre de la période du 1er janvier 2004 au 3 décembre 2008, M. A a droit au versement d'une indemnité d'un montant égal à celui de la prime spéciale qui lui était due, calculée en prenant pour base le montant individuel théorique mentionné par l'article 2 du décret du 13 mars 2000 dont la formule de calcul a été précisée par l'article 3 de l'arrêté interministériel du même jour, dont sera déduit le montant qui lui a été versé pendant cette période au titre de la ou des primes qui, en raison de l'existence de la prime spéciale, n'étaient pas versées aux ingénieurs bénéficiant de cette prime dans les établissements mentionnés par le second arrêté du 13 mars 2000 et ont donc un objet comparable au sien ; qu'en l'état de l'instruction, il n'est pas possible au Conseil d'Etat de déterminer la somme exacte à laquelle M. A pouvait effectivement prétendre au titre de la prime spéciale au cours des années 2004 à 2008 ; qu'il y a lieu de renvoyer ce dernier devant l'administration afin que celle-ci procède au calcul de la réparation qui lui est due ;

Sur la période postérieure au 3 décembre 2008 et les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A :

Considérant que M. A demande à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'agriculture de lui accorder le bénéfice de la prime spéciale ; que l'exécution de la présente décision annulant la décision de refus du ministre chargé de l'agriculture du 4 février 2009 implique nécessairement, sous réserve de l'absence de changement des circonstances relatives à la situation administrative de l'intéressé, que le bénéfice de cette prime lui soit accordé ; qu'il y a donc lieu de renvoyer l'intéressé devant l'administration pour l'examen de cette demande concernant la période postérieure au 3 décembre 2008 et pour la détermination du montant devant lui être, le cas échéant, versé ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. A a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 3 décembre 2008 ; qu'à la date du 4 avril 2011, à laquelle M. A a présenté des conclusions à fin de capitalisation des intérêts, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à sa demande de capitalisation pour les intérêts échus à cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions de M. A présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du 4 février 2009 du ministre de l'agriculture et de la pêche refusant le bénéfice de la prime spéciale à M. A est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A, en réparation du préjudice qu'il a subi, une somme, calculée comme il est indiqué ci-dessus. Cette somme portera intérêts à compter du 3 décembre 2008. Les intérêts échus à la date du 4 avril 2011, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : M. A est renvoyé devant l'administration pour le calcul de la somme mentionnée à l'article 2 et pour l'examen de sa demande tendant au bénéfice de la prime spéciale pour la période postérieure au 3 décembre 2008.

Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Patrice A et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 343725
Date de la décision : 05/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 oct. 2011, n° 343725
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:343725.20111005
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