Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Sohail A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 17 juin 2010 portant retrait du décret de naturalisation du 1er juin 2004 lui accordant la nationalité française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Constance Rivière, Maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors du dépôt de sa demande de naturalisation auprès de la préfecture du Val-de-Marne, le 25 octobre 2001, M. A a déclaré être célibataire et sans enfant ; qu'il a ultérieurement attesté, par déclaration du 18 novembre 2003, qu'aucun changement n'était intervenu dans sa situation personnelle et familiale depuis le dépôt de sa demande ; qu'au vu de ces déclarations, il a été naturalisé par décret du 1er juin 2004 ; que le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a toutefois été informé par le ministre des affaires étrangères et européennes, par bordereau en date du 5 juin 2008 reçu le 1er juillet 2008, que M. A s'était marié le 15 mars 1995 à Lahore (Pakistan) avec Mme Irum B, de nationalité pakistanaise, et qu'un enfant était né de cette union le 18 novembre 1999 à Richmond Hill (Canada) ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret de naturalisation de M. A au motif qu'il avait été pris au vu de documents mensongers, en raison de l'omission de la déclaration du mariage du 15 mars 1995 avec Mme B et de l'enfant issu de cette union ;
Considérant qu'il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par le secrétaire général du gouvernement, que ce décret a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; que le fait que l'ampliation notifiée à M. A ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'il ressort des visas du décret attaqué que le Conseil d'Etat a bien eu communication des observations de M. A en date du 5 septembre 2008 avant de rendre son avis ;
Considérant que le délai de deux ans imparti au Premier ministre pour rapporter le décret de naturalisation de M. A a commencé à courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé de l'immigration, autorité compétente pour proposer la naturalisation ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce ministre en a été informé le 1er juillet 2008 par courrier du ministre des affaires étrangères et européennes ; qu'ainsi, le décret du 10 juin 2010 a été pris dans le délai prévu à l'article 27-2 du code civil ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Sohail A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.