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20/10/2011 | FRANCE | N°353458

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 octobre 2011, 353458


Vu le recours, enregistré le 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°/ d'annuler l'ordonnance n° 1101615 du 18 octobre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE et au recteur de l'académie de

Limoges de prendre avant le 20 octobre 2011 à 17 heures toutes dispos...

Vu le recours, enregistré le 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°/ d'annuler l'ordonnance n° 1101615 du 18 octobre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE et au recteur de l'académie de Limoges de prendre avant le 20 octobre 2011 à 17 heures toutes dispositions permettant l'authentification de M. A et l'ajout de son vote dans des conditions telles qu'il ne soit pas porté atteinte aux opérations de scellement et que ce vote puisse être comptabilisé parmi les votes exprimés ;

2°/ de rejeter la demande de première instance de M. A ;

il soutient, à titre liminaire, que l'arrêté du 18 juillet 2011 ne prévoit aucune autre modalité de vote que le vote électronique par internet ; que le décret du 26 mai 2011 fixe des modalités rigoureuses tendant à la sécurité des opérations électorales ; que l'autorité administrative est en situation de compétence liée en raison de ces dispositions règlementaires ; qu'elle est contrainte de refuser de remédier à un défaut d'inscription sur les listes électorales nationales après le scellement de l'urne, intervenu juste avant le début du scrutin qui a commencé le 13 octobre 2011 ; que toute modification sur les listes entraîne un risque d'atteinte à l'intégrité de l'urne électronique ; qu'une intervention sur l'un des scrutins en cause et sur la liste électorale associée entraînerait l'interruption de l'ensemble des scrutins en cours concernant les organismes de concertation du ministère ; que les règles de sécurisation du vote électronique sont conformes à la délibération n° 2010-371 du 21 octobre 2010 portant adoption d'une recommandation relative à la sécurité des systèmes de vote électronique de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que M. A ne figurait pas sur la liste électorale scellée et définitivement arrêtée à laquelle l'administration ne peut plus avoir accès ; qu'il ne peut plus être remédié au défaut d'inscription sans porter atteinte aux opérations de scellement ; que la situation de M. A ne caractérise pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que l'atteinte à sa liberté de vote ne présente pas un degré de gravité de nature à justifier l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que la condition d'urgence n'est pas remplie eu égard aux intérêts publics en cause ; que, s'il devait être fait droit à la demande de M. A, le processus électoral serait irrémédiablement compromis dans son ensemble, avec des conséquences d'une gravité extrême pour l'installation des instances paritaires et l'ensemble des opérations de gestion sur lesquelles elles sont amenées à se prononcer ; qu'aucun vote à l'urne n'est envisageable sans modification préalable des textes réglementaires ; qu'eu égard au faible nombre d'électeurs concernés par les erreurs affectant les listes électorales, le secret du vote ne serait, en tout état de cause, pas garanti ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que le recours a été communiqué à M. Jean-Dominique A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2011-595 du 26 mai 2011 relatif aux conditions et modalités de mise en oeuvre du vote électronique par internet pour l'élection des représentants du personnel au sein des instances de représentation du personnel de la fonction publique ;

Vu l'arrêté interministériel du 18 juillet 2011 relatif aux modalités d'organisation du vote électronique par internet des personnels relevant des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'élection des représentants des personnels aux comités techniques, aux commissions administratives paritaires et aux commissions consultatives paritaires pour les élections fixées du 13 octobre 2011 au 20 octobre 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE et, d'autre part, M. A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 19 octobre 2011 à 17 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE ;

- Me de Nervo, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ; que la condition d'urgence posée à cet article doit être appréciée compte tenu non seulement des intérêts du requérant mais aussi des intérêts publics en jeu ;

Considérant que le MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE fait appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Limoges lui a enjoint, sur le fondement de ces dispositions, de prendre avant le 20 octobre 2011 à 17 heures toutes dispositions permettant l'authentification de M. A et l'ajout de son vote dans des conditions telles qu'il ne soit pas porté atteinte aux opérations de scellement et que ce vote puisse être comptabilisé parmi les votes exprimés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 26 mai 2011 relatif aux conditions et modalités de mise en oeuvre du vote électronique par internet pour l'élection des représentants du personnel au sein des instances de représentation du personnel de la fonction publique de l'Etat : I. - Le vote électronique par internet peut constituer la modalité exclusive d'expression des suffrages ou constituer l'une de ces modalités./ II. - Le recours au vote électronique par internet est organisé dans le respect des principes fondamentaux qui commandent les opérations électorales, notamment la sincérité des opérations électorales, l'accès au vote de tous les électeurs, le secret du scrutin, le caractère personnel, libre et anonyme du vote, l'intégrité des suffrages exprimés, la surveillance effective du scrutin et le contrôle a posteriori par le juge de l'élection. ( ...) ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : Les modalités d'organisation du vote électronique sont définies par arrêté du ministre intéressé ou par décision de l'autorité administrative habilitée, pris après avis du comité technique compétent ; qu'aux termes du III de l'article 6 du même décret : Les listes électorales de chaque scrutin sont établies conformément aux dispositions réglementaires prévues pour chaque instance de représentation du personnel. Les modalités d'accès et les droits de rectification des données s'exercent dans le cadre de ces mêmes dispositions./ Si un événement, postérieur à l'établissement de la liste électorale et prenant effet au plus tard la veille du premier jour du scrutin, entraîne, pour un agent, l'acquisition ou la perte de la qualité d'électeur, l'inscription ou la radiation est prononcée au plus tard la veille du premier jour du scrutin et avant le scellement de l'urne, soit à l'initiative de l'administration, soit à la demande de l'intéressé. (...) ; qu'aux termes du II de l'article 11 du même décret : Avant le début du scrutin, le bureau de vote électronique : / (...) 4° Procède au scellement du système de vote électronique, de la liste des candidats, de la liste des électeurs (...) ; qu'enfin aux termes de l'article 12 du même décret : I. - Durant la période de déroulement du scrutin, la liste d'émargement et l'urne électronique font l'objet d'un procédé garantissant qu'elles ne peuvent être modifiées respectivement que par l'ajout d'un émargement et par l'ajout d'un bulletin, qui émanent d'un électeur authentifié dans les conditions prévues à l'article 13 et dont l'intégrité est assurée. / II. - Durant la même période : / 1° Les fichiers comportant les éléments d'authentification des électeurs et le contenu de l'urne sont inaccessibles ; / 2° La liste d'émargement et le compteur des votes ne sont accessibles qu'aux membres du bureau de vote à des fins de contrôle du déroulement du scrutin ; / (...) III. - Les interventions sur le système de vote sont réservées aux seules personnes chargées de la gestion et de la maintenance mentionnées à l'article 3 et ne peuvent avoir lieu qu'en cas de risque d'altération des données. (...) ;

Considérant qu'en vertu de l'arrêté interministériel du 18 juillet 2011 relatif aux modalités d'organisation du vote électronique par internet des personnels relevant des ministres chargés de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche pour l'élection des représentants des personnels aux comités techniques, aux commissions administratives paritaires et aux commissions consultatives paritaires, le vote électronique constitue la modalité exclusive d'expression des suffrages pour ces élections se déroulant du 13 au 20 octobre 2011 ;

Considérant qu'il est constant que M. A, professeur des écoles mis à disposition de la maison départementale des personnes handicapées de la Haute-Vienne, remplissait les conditions permettant d'être inscrit sur les listes électorales pour l'élection de la commission administrative paritaire nationale compétente à l'égard des professeurs des écoles, de la commission administrative paritaire départementale du département de la Haute-Vienne compétente à l'égard du même corps, du comité technique national et du comité technique académique de l'académie de Limoges ; qu'il est d'ailleurs candidat sur une liste présentée pour l'élection à ce dernier comité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des précisions apportées lors de l'audience que l'impossibilité pour M. A de voter aux scrutins susmentionnés ne résulte pas d'un obstacle technique, tenant à la structure ou à l'organisation du dispositif de vote électronique, mais du fait qu'il n'a pas été inscrit sur les listes électorales établies en vue de ces scrutins ; que, faute d'avoir été informé en temps utile de cette situation, il n'a pas été en mesure d'obtenir la rectification des listes électorales avant le début des opérations de vote ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées des articles 6 et 12 du décret du 26 mai 2011, la rectification des listes électorales n'est plus possible à compter du jour du scrutin, ces listes étant scellées jusqu'au terme des opérations électorales afin de garantir la sincérité du scrutin ; que le scellement du système de vote électronique fait ainsi obstacle à ce qu'un agent qui n'a pas été inscrit, fût-ce par erreur, sur ces listes puisse être inscrit après le début des opérations de vote ; qu'il ne pourrait être procédé à la rectification des listes électorales, une fois le scrutin ouvert, qu'après avoir interrompu ces opérations pour les reporter à une date ultérieure ; qu'eu égard au nombre des agents concernés par les élections en cause et à la complexité des mesures d'organisation du scrutin, un tel report entraînerait, pour l'installation des instances de concertation concernées, un retard important et préjudiciable au bon déroulement de l'ensemble des procédures administratives et statutaires nécessitant la consultation des organismes de concertation du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ; que, par suite, compte tenu de l'intérêt public qui s'attache à l'installation rapide de ces instances et à la poursuite du processus électoral en cours, M. A ne justifie pas d'une urgence de nature à justifier que le juge des référés enjoigne à l'administration de faire procéder à son inscription sur la liste électorale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours, que les conditions auxquelles l'article L. 521-2 du code de justice administrative subordonne l'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il lui confère ne sont pas remplies et que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du 18 octobre 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE et à M. Jean-Dominique A.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 353458
Date de la décision : 20/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2011, n° 353458
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Séners
Avocat(s) : DE NERVO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:353458.20111020
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