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21/10/2011 | FRANCE | N°342498

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 21 octobre 2011, 342498


Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 16 août et 16 novembre 2010 et le 16 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AUTO BILAN FRANCE, dont le siège est 11-13, avenue Georges Politzer à Trappes (77190) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY00247 du 16 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0700616 du 15 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Dijon a, su

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Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 16 août et 16 novembre 2010 et le 16 janvier 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AUTO BILAN FRANCE, dont le siège est 11-13, avenue Georges Politzer à Trappes (77190) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY00247 du 16 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0700616 du 15 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Dijon a, sur la demande de la Sarl ICTA, annulé la décision du 12 février 2007 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire lui avait délivré un agrément pour l'exploitation d'un centre de contrôle auxiliaire de poids lourds à Varennes-sous-Dun et, d'autre part, au rejet de la demande de la Sarl ICTA ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIÉTÉ AUTO BILAN FRANCE et de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Icta,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la SOCIÉTÉ AUTO BILAN FRANCE et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Icta ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas du mémoire en réplique présenté par la SOCIETE AUTO BILAN FRANCE le 24 septembre 2008 devant la cour administrative d'appel de Lyon qu'il aurait articulé un moyen distinct de ceux développés dans la requête introductive d'appel ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour, qui n'était pas tenue de mentionner tous les arguments des parties, aurait irrégulièrement omis d'analyser dans les visas de l'arrêt un moyen nouveau doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas soulevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité par les dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route, ce moyen ayant été soulevé par la société Icta ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de la route : " Lorsqu'en application du présent code, des véhicules sont astreints à un contrôle technique, celui-ci est effectué par les services de l'Etat ou par des contrôleurs agréés par l'Etat. / Cet agrément peut être délivré soit à des contrôleurs indépendants, soit à des contrôleurs organisés en réseaux d'importance nationale (...) / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement du système de contrôle et en particulier les conditions d'agrément des contrôleurs, des installations nécessaires au contrôle et des réseaux visés au deuxième alinéa " ; que, selon l'article R. 323-8 du même code : " Les réseaux de contrôle sont les personnes morales de droit privé soumises à l'agrément du ministre chargé des transports. / Pour être agréé, un réseau doit comporter des centres de contrôle de véhicules légers répartis dans au moins quatre-vingt-dix départements. Pour être agréé pour le contrôle technique des véhicules lourds, un réseau doit comporter au moins trente centres de contrôle répartis dans au moins vingt régions et exploiter lui-même les centres de contrôle qui lui sont rattachés (...) " ; que selon l'article R. 323-10 du même code : " Le réseau de contrôle s'assure en permanence de la bonne exécution des contrôles techniques conformément aux dispositions de la présente section. Il transmet à l'organisme technique central les données relatives aux contrôles techniques transmises par les installations de contrôle qui lui sont rattachées " ; qu'aux termes de l'article R. 323-11 du même code : " Le réseau de contrôle doit respecter les modalités d'organisation fixées par arrêté du ministre chargé des transports destinées à assurer la disponibilité et la qualité des prestations et veiller à ce que les contrôleurs et toute personne physique ou morale exerçant des fonctions au sein du réseau n'aient pas d'activité dans la réparation ou le commerce automobile et ne soient pas salariés d'une entreprise ayant un lien avec une telle activité " ;

Considérant, d'autre part, que le I de l'article R. 323-13 du même code dispose que : " Les installations de contrôle doivent comporter les moyens matériels nécessaires aux catégories de contrôles techniques réalisés et les moyens techniques permettant de recueillir les données relatives à ces contrôles et de transmettre ces données dans le délai fixé par arrêté du ministre chargé des transports soit à la direction du réseau de contrôle auquel elles sont rattachées, soit à l'organisme technique central, selon qu'il s'agit d'installations rattachées ou non à un réseau (...) " ; que selon le II de cet article : " L'activité d'un centre de contrôle doit s'exercer dans des locaux n'abritant aucune activité de réparation ou de commerce automobile et ne communiquant avec aucun local abritant une telle activité. / Toutefois, afin d'assurer une meilleure couverture géographique, de répondre aux besoins des usagers ou, s'agissant des véhicules lourds, de réduire les déplacements, un réseau de contrôle agréé peut utiliser des installations auxiliaires situées dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile. Il doit pour cela obtenir un agrément particulier (...) " ;

Considérant, enfin, que les dispositions de l'article R. 323-14 précisent les conditions dans lesquelles l'agrément des installations d'un centre de contrôle est délivré par le préfet du département, l'exploitant devant en particulier fournir un document par lequel il s'engage à respecter les prescriptions d'un cahier des charges en décrivant notamment l'organisation et les moyens techniques mis en oeuvre pour assurer la qualité et l'objectivité des contrôles techniques effectués et éviter que les installations soient utilisées par des personnes ayant une activité dans la réparation ou le commerce automobile ; que le IV de ce même article prévoit que l'agrément peut être suspendu ou retiré si les conditions de bon fonctionnement des installations ou si les prescriptions qui leur sont imposées ne sont plus respectées ;

Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

Considérant que, pour accueillir l'exception tirée de l'illégalité des dispositions du deuxième alinéa du II de l'article R. 323-13, selon lesquelles la faculté d'exploiter des installations auxiliaires situées dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile, par dérogation à la règle mentionnée en son premier alinéa, est réservée aux seuls centres rattachés aux réseaux de contrôle agréés, la cour a jugé qu'elle méconnaissaient le principe d'égalité, au motif que la différence de traitement ainsi instituée entre les deux catégories de centres était manifestement disproportionnée par rapport à leur différence de situation ;

Considérant que, si les réseaux de contrôle sont soumis à certaines contraintes spécifiques, d'ailleurs largement inhérentes à leur organisation collective, et notamment celles d'obtenir préalablement un agrément ministériel et de s'assurer en permanence de la bonne exécution des contrôles techniques par les centres qui leur sont rattachés, tous les centres, qu'ils soient indépendants ou rattachés à un réseau, exercent la même activité, doivent solliciter un agrément préfectoral et respecter des obligations semblables et sont assujettis à un dispositif de surveillance administrative commun ; que si la SOCIETE AUTO BILAN FRANCE se prévaut, pour justifier la différence de traitement opérée au profit des réseaux, du motif d'intérêt général de favoriser la couverture de l'ensemble du territoire, compte tenu des obligations de présence locale imposées aux seuls réseaux par le deuxième alinéa de l'article R. 323-8, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond et il n'est au demeurant pas soutenu que certains départements ou régions seraient confrontés, que ce soit pour les véhicules légers ou les poids lourds, à une pénurie de centres de contrôle technique ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette différence de traitement, qui a pour effet d'attribuer un avantage substantiel aux centres organisés en réseau, était manifestement disproportionnée par rapport à leur différence de situation avec les autres centres et en en déduisant que les dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route méconnaissaient le principe d'égalité ;

Considérant qu'eu égard à l'objet de l'interdiction édictée par les dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route et du dispositif dérogatoire institué par ces dispositions et à la nature de l'illégalité qui les entache, celle-ci prive de fondement juridique tant les décisions de refus d'agrément des centres indépendants que celles d'agrément des centres rattachés à des réseaux ; qu'il appartient au titulaire du pouvoir réglementaire de tirer les conséquences de cette illégalité, soit en abrogeant ces dispositions, soit en les modifiant pour en étendre le bénéfice, avec les adaptations qui apparaîtraient nécessaires, à l'ensemble des centres ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en déduisant de l'illégalité des dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route, soulevée par la voie de l'exception, celle de l'agrément qui a été délivré à la SOCIETE AUTO BILAN FRANCE en qualité de réseau de contrôle agréé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SOCIETE AUTO BILAN FRANCE doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros à verser à la société Icta au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE AUTO BILAN FRANCE est rejeté.

Article 2 : La SOCIETE AUTO BILAN FRANCE versera à la société Icta une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AUTO BILAN FRANCE et à la société Icta.

Copie en sera adressée pour information à la société Hermey VI et à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - ÉGALITÉ DEVANT LA LOI - DISPOSITIONS DU DEUXIÈME ALINÉA DU II DE L'ARTICLE R - 323-13 DU CODE DE LA ROUTE - RÉSERVANT LA FACULTÉ - QU'ELLES OUVRENT PAR DÉROGATION - D'EXPLOITER DES INSTALLATIONS AUXILIAIRES POUR LE CONTRÔLE TECHNIQUE DES VÉHICULES DANS DES LOCAUX ABRITANT DES ACTIVITÉS DE RÉPARATION OU DE COMMERCE AUTOMOBILE AUX SEULS CENTRES RATTACHÉS AUX RÉSEAUX DE CONTRÔLE AGRÉÉS - 1) MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ - EXISTENCE - MOTIF - DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT MANIFESTEMENT DISPROPORTIONNÉE À LA DIFFÉRENCE DE SITUATION EXISTANTE - 2) CONSÉQUENCES SUR LES AGRÉMENTS ET REFUS D'AGRÉMENT DÉLIVRÉS - ILLÉGALITÉ.

01-04-03-01 Dispositions du deuxième alinéa du II de l'article R. 323-13 du code de la route, réservant la faculté, qu'elles ouvrent par dérogation, d'exploiter des installations auxiliaires pour le contrôle technique des véhicules dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile aux seuls centres rattachés aux réseaux de contrôle agréés.... ...1) Si les réseaux de contrôle sont soumis à certaines contraintes spécifiques, d'ailleurs largement inhérentes à leur organisation collective, et notamment celles d'obtenir préalablement un agrément ministériel et de s'assurer en permanence de la bonne exécution des contrôles techniques par les centres qui leur sont rattachés, tous les centres, qu'ils soient indépendants ou rattachés à un réseau, exercent la même activité, doivent solliciter un agrément préfectoral et respecter des obligations semblables et sont assujettis à un dispositif de surveillance administrative commun. Par suite, la différence de traitement instaurée par ces dispositions, qui a pour effet d'attribuer un avantage substantiel aux centres organisés en réseau, est manifestement disproportionnée par rapport à leur différence de situation avec les autres centres et méconnaît le principe d'égalité.,,2) Eu égard à l'objet de l'interdiction édictée par les dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route et du dispositif dérogatoire institué par ces dispositions et à la nature de l'illégalité qui les entache, celle-ci prive de fondement juridique tant les décisions de refus d'agrément des centres indépendants que celles d'agrément des centres rattachés à des réseaux.

POLICE ADMINISTRATIVE - POLICE GÉNÉRALE - CIRCULATION ET STATIONNEMENT - CONTRÔLE TECHNIQUE AUTOMOBILE - DISPOSITIONS DU DEUXIÈME ALINÉA DU II DE L'ARTICLE R - 323-13 - RÉSERVANT LA FACULTÉ - QU'ELLES OUVRENT PAR DÉROGATION - D'EXPLOITER DES INSTALLATIONS AUXILIAIRES POUR LE CONTRÔLE TECHNIQUE DES VÉHICULES DANS DES LOCAUX ABRITANT DES ACTIVITÉS DE RÉPARATION OU DE COMMERCE AUTOMOBILE AUX SEULS CENTRES RATTACHÉS AUX RÉSEAUX DE CONTRÔLE AGRÉÉS - 1) MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ - EXISTENCE - 2) CONSÉQUENCES SUR LES AGRÉMENTS ET REFUS D'AGRÉMENT DÉLIVRÉS - ILLÉGALITÉ.

49-04-01 Dispositions du deuxième alinéa du II de l'article R. 323-13, réservant la faculté, qu'elles ouvrent par dérogation, d'exploiter des installations auxiliaires pour le contrôle technique des véhicules dans des locaux abritant des activités de réparation ou de commerce automobile aux seuls centres rattachés aux réseaux de contrôle agréés.... ...1) Si les réseaux de contrôle sont soumis à certaines contraintes spécifiques, d'ailleurs largement inhérentes à leur organisation collective, et notamment celles d'obtenir préalablement un agrément ministériel et de s'assurer en permanence de la bonne exécution des contrôles techniques par les centres qui leur sont rattachés, tous les centres, qu'ils soient indépendants ou rattachés à un réseau, exercent la même activité, doivent solliciter un agrément préfectoral et respecter des obligations semblables et sont assujettis à un dispositif de surveillance administrative commun. Par suite, la différence de traitement instaurée par ces dispositions, qui a pour effet d'attribuer un avantage substantiel aux centres organisés en réseau est manifestement disproportionnée par rapport à leur différence de situation avec les autres centres, méconnaît le principe d'égalité.,,2) Eu égard à l'objet de l'interdiction édictée par les dispositions du II de l'article R. 323-13 du code de la route et du dispositif dérogatoire institué par ces dispositions et à la nature de l'illégalité qui les entache, celle-ci prive de fondement juridique tant les décisions de refus d'agrément des centres indépendants que celles d'agrément des centres rattachés à des réseaux.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 oct. 2011, n° 342498
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Raphaël Chambon
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Date de la décision : 21/10/2011
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 342498
Numéro NOR : CETATEXT000024698720 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-10-21;342498 ?
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