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27/10/2011 | FRANCE | N°340476

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 27 octobre 2011, 340476


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 13 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Boubacar A, domicilié ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA00086 du 16 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de police, d'une part, annulé le jugement du 5 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté, en date du 3 juillet 2008, par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un tit

re de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français et a enjoint...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 13 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Boubacar A, domicilié ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA00086 du 16 octobre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de police, d'une part, annulé le jugement du 5 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté, en date du 3 juillet 2008, par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français et a enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois, d'autre part, rejeté sa demande devant le tribunal administratif de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au profit de son avocat, la SCP Capron, Capron, qui renoncera à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Constance Rivière, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Capron, Capron, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Capron, Capron, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (....) ;

Considérant que, pour annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 décembre 2008 ayant annulé, à la demande de M. A, l'arrêté du 3 juillet 2008 du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au titre du 11° de l'article L. 313-11 précité, la cour administrative d'appel s'est fondée sur la circonstance que la disponibilité en Guinée, pays d'origine du requérant, d'un traitement approprié à son état de santé était établie par l'administration à partir du guide internet des médicaments disponibles dans les pays d'Afrique subsaharienne ; qu'en se fondant uniquement sur la disponibilité des médicaments nécessaires au suivi du requérant sans se prononcer sur la possibilité de la prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors qu'il ressort de pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A avait établi, par les certificats médicaux qu'il avait produits, devoir se soumettre à un contrôle médical régulier dans une structure hospitalière spécialisée dont l'accessibilité n'était pas assurée en Guinée, la cour administrative d'appel a entaché sa décision d'une erreur de droit au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821 2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient le préfet de police, les certificats médicaux produits par M. A établissent la gravité de l'affection dont il souffre ainsi que les risques qu'il court en cas d'arrêt de son traitement ; qu'il ressort en particulier des certificats établis en 2008 par le docteur Dorent, cardiologue à l'assistance publique des hôpitaux de Paris et adjoint au chef du service de cardiologie dans lequel l'intéressé est suivi, que celui-ci est atteint d'une hypertension artérielle sévère traitée par une quadrithérapie anti-hypertensive dont l'interruption pourrait entrainer des conséquences irréversibles sur son état de santé cardio-vasculaire ; que ces certificats circonstanciés contredisent l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police sur l'absence de conséquences d'une extrême gravité d'un défaut de prise en charge médicale de M. A ;

Considérant, d'autre part, que pour soutenir que M. A peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le préfet de police fait valoir que la Guinée dispose d'hôpitaux dotés des services de médecine interne, notamment de cardiologie, et que les médicaments nécessaires au traitement de l'intéressé sont, pour trois d'entre eux, recensés par le guide internet des médicaments disponibles dans les pays d'Afrique subsaharienne, le quatrième l'étant sous forme générique ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les possibilités de traitement ainsi décrites soient de nature à permettre au requérant de bénéficier effectivement, dans son pays d'origine, des soins adaptés à la pathologie dont il est atteint dès lors que le suivi médical auquel l'intéressé est astreint comporte un bilan hospitalier tous les quatre mois, composé d'un bilan cardiaque, rénal et métabolique mettant en oeuvre des examens échographiques, biologiques et d'électrocardiogrammes qui ne peuvent être réalisés que par des services spécialisés dont l'accessibilité n'est pas établie ; qu'en outre, l'inscription sur la liste internet des médicaments disponibles dans les pays d'Afrique subsaharienne n'assure pas, par sa généralité, qu'ils sont effectivement disponibles dans chaque pays considéré, ainsi qu'en atteste le courrier produit par le requérant et rédigé par le laboratoire fabricant l'un des médicaments de sa thérapie, le Coaprovel, qui indique ne pas le commercialiser en Guinée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 5 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 juillet 2008 ;

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Capron, Capron, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Capron, Capron de la somme de 2 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 16 octobre 2009 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : La requête du préfet de police devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Capron, Capron, avocat de M. A, qui renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 2 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Boubacar A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 340476
Date de la décision : 27/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2011, n° 340476
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Edmond Honorat
Rapporteur ?: Mme Constance Rivière
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP CAPRON, CAPRON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:340476.20111027
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