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10/11/2011 | FRANCE | N°353586

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 novembre 2011, 353586


Vu le recours, enregistré le 24 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1117116 du 8 octobre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande présentée par M. Omar A sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, d'une part, enjoint au préfet de police de convoquer M. A

dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'ordonna...

Vu le recours, enregistré le 24 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1117116 du 8 octobre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande présentée par M. Omar A sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, d'une part, enjoint au préfet de police de convoquer M. A dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'ordonnance afin de lui permettre de déposer son dossier d'admission au séjour au titre de l'asile et de statuer dans le délai prévu à l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur son admission au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A ;

il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que M. A n'a contesté, ni au fond, ni en référé suspension, la mesure de réadmission dont il a fait l'objet le 1er juillet 2010 ; qu'il ne pouvait pas établir une urgence particulière nécessitant l'intervention du juge des référés du tribunal administratif de Paris un an après l'intervention de la décision de réadmission ; que les conséquences attachées à la mesure de réadmission ne sauraient porter une atteinte excessive aux intérêts de M. A dès lors que l'examen de sa demande d'asile relève des autorités suisses ; que la circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale serait avérée n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une situation d'urgence ; que l'intéressé ne démontre pas que l'arrêté portant réadmission vers la Suisse créait pour lui une situation d'urgence particulière ; que sa situation ne constitue pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit ; que M. A s'est intentionnellement soustrait à l'exécution de la mesure de réadmission ; qu'il n'a pas respecté le délai de départ volontaire d'un mois imparti par la préfecture de police pour quitter le territoire français ; qu'il appartenait à l'administration d'exécuter la mesure de réadmission en organisant matériellement le départ de M. A vers la Suisse ; que ce dernier n'a pas répondu à la convocation fixée au 2 septembre 2010 à la préfecture et n'a pas justifié cette absence ; que les démarches multipliées auprès d'élus aux fins de se maintenir sur le territoire français créent une ambiguïté sur sa volonté de ne pas exécuter la mesure de réadmission ; qu'il a manifesté à plusieurs reprises son intention de ne pas rejoindre la Suisse ; que son comportement révèle ainsi une fuite ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2011, présenté par M. A qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la condition d'urgence est remplie ; qu'il n'a pas contesté la décision de remise aux autorités suisses dès lors qu'il n'y voyait aucun motif d'illégalité pertinent à y opposer ; que les autorités françaises sont devenues responsables de l'examen de sa demande après l'expiration du délai de six mois pour exécuter la reprise en charge ; que son maintien en situation irrégulière en tant que demandeur d'asile crée une situation d'urgence ; que la mesure de reprise en charge par l'administration est exécutoire ; qu'il est susceptible de faire l'objet de poursuites pénales sur le fondement des articles L. 621-1 et 624-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le seul fait de ne pas déférer à une convocation n'est pas un élément de nature à remettre en cause l'urgence à statuer sur une demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; qu'il ne peut lui être fait grief de ne s'être présenté que quatorze mois après la notification de la décision de remise dès lors que l'administration l'avait informé que les effets de la décision notifiée était portée à dix-huit mois ; que sa situation constitue une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ; qu'il appartient à un Etat requérant d'assurer le transfert du demandeur d'asile ; que l'administration ne rapporte ni la preuve qu'une décision de prolongation ait été notifiée, ni que son comportement pouvait être qualifié de fuite ; que le préfet de police lui a refusé le droit de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ainsi que son admission au séjour ; qu'il lui a opposé le caractère exécutoire d'une décision devenue caduque ; que le caractère manifestement illégal du refus opposé est établi ; que ce refus est d'une gravité suffisante au regard de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et, d'autre part, M. A ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 4 novembre 2011 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;

- Me Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

- le représentant de M. A ;

- M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ;

Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 applicable à l'égard de la Suisse en vertu de l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, de nationalité irakienne, né le 27 décembre 1990, est entré en France le 15 janvier 2010 selon ses déclarations, et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 21 mai 2010 auprès de la préfecture de police ; que la consultation du fichier Eurodac des empreintes digitales a permis de constater qu'il avait transité par la Suisse ; que les autorités suisses ont accepté sa réadmission le 28 juin 2010 ; que, en conséquence, le préfet de police a refusé l'admission de l'intéressé sur le territoire au titre de l'asile sur le fondement de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ordonné sa réadmission vers la Suisse par un arrêté du 1er juillet 2010, notifié le 7 juillet suivant ; que, par courrier en date du 18 août 2010, le préfet de police a convoqué M. A pour le 2 septembre 2010, mais celui-ci ne s'est pas manifesté ; que, le préfet de police a demandé une prolongation de la mesure de réadmission aux autorités suisses le 27 septembre 2011 en application de l'article 20.2 du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 ; que l'intéressé s'est présenté le 4 octobre 2011 à la préfecture de police pour solliciter à nouveau l'admission au séjour en France au titre de l'asile ; que, par l'ordonnance n° 1117116 du 8 octobre 2011 dont le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L 'IMMIGRATION fait appel, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de police de convoquer M. A et de statuer dans le délai prévu à l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur son admission au séjour au titre de l'asile ;

Considérant que M. A ne conteste pas la décision de remise aux autorités suisses, qu'il s'est maintenu sur le territoire français et ne s'est présenté à la préfecture de police que plus d'un an après la notification de la décision de réadmission sans avoir fait état durant cette période de difficulté pour rejoindre la Suisse ; que, ces circonstances, compte tenu des effets qui s'attachent tant à un refus de séjour qu'à une réadmission vers la Suisse, ne suffisent pas à caractériser une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à soutenir que c'est à tort qu'en l'absence d'une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 précité, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande présentée par M. A ; que le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. A présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er: L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 8 octobre 2011 est annulée.

Article 2 : La demande présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris par M. A est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M. Omar A.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 353586
Date de la décision : 10/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2011, n° 353586
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Vigouroux
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:353586.20111110
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