La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2011 | FRANCE | N°321708

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 16 novembre 2011, 321708


Vu le pourvoi, enregistré le 21 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1, 2 et 3 de l'arrêt n° 07DA00486 du 21 août 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, sur l'appel de la SA Valnor tendant à l'annulation du jugement n° 0506429 du 11 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cot

isations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles...

Vu le pourvoi, enregistré le 21 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1, 2 et 3 de l'arrêt n° 07DA00486 du 21 août 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, sur l'appel de la SA Valnor tendant à l'annulation du jugement n° 0506429 du 11 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001, 2002 et 2003 dans les rôles de la commune de Maubeuge et à la décharge demandée, a, d'une part, réduit les bases imposables à la taxe professionnelle de la SA Valnor des montants de 13 928 709 euros en 2001, 2 123 418 euros en 2002 et 2 123 418 euros en 2003 et, d'autre part, déchargé la société des rappels de taxe professionnelle correspondant à cette réduction des bases d'imposition définies ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SA Valnor,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SA Valnor ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Valnor, qui exerce une activité de traitement et de valorisation des déchets ménagers, exploite le centre de valorisation énergétique de Maubeuge en vertu d'un contrat conclu avec le syndicat mixte d'incinération de l'arrondissement d'Avesnes ; qu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité de cette société, l'administration fiscale a constaté qu'elle n'avait pas compris les immobilisations corporelles liées à cette usine d'incinération dans sa base d'imposition à la taxe professionnelle sur le territoire de la commune de Maubeuge ; qu'en conséquence, cette société a été informée le 19 mai 2003 de l'intention de l'administration de rehausser la valeur locative des installations dont elle disposait au titre des années 2001 à 2003 ; que les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle correspondantes ont été mises en recouvrement le 30 avril 2004 pour un montant global s'élevant à 1 645 694 euros ; qu'après rejet de ses réclamations dirigées contre ces impositions supplémentaires, la société a porté le litige devant la juridiction administrative ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre les articles 1, 2 et 3 de l'arrêt du 21 août 2008 par lesquels la cour administrative d'appel de Douai, sur l'appel de la SA Valnor tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille du 11 janvier 2007 rejetant sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires de taxe professionnelle, a réduit les bases imposables à la taxe professionnelle de la SA Valnor pour ces mêmes années respectivement de 13 928 709 francs, 2 123 418 euros et 2 123 418 euros et accordé à cette société la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle correspondant à cette réduction ; que la SA Valnor a formé un pourvoi incident contre cet arrêt ;

Sur le pourvoi principal :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : La taxe professionnelle a pour base : 1° (...) a) la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période ; qu'aux termes du 3° bis de l'article 1469 du même code, dans sa rédaction issue du I de l'article 59 de la loi du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003, rendu applicable aux impositions des années antérieures par le II du même article : Les biens visés aux 2° et 3°, utilisés par une personne qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire, sont imposés au nom de leur sous-locataire ou, à défaut, de leur locataire ou, à défaut, de leur propriétaire dans le cas où ceux-ci sont passibles de taxe professionnelle ; que ces dispositions ont pour objet d'instituer redevable des droits assis sur les immobilisations corporelles constituées de biens et d'équipements mobiliers, dans le cas qu'elles définissent et par exception à la règle découlant des termes du a) du 1° de l'article 1467, un contribuable autre que celui qui a disposé des biens pour effectuer les opérations que comporte son activité ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1449 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Sont exonérés de la taxe professionnelle : / 1° Les collectivités locales, les établissements publics et les organismes de l'Etat, pour leurs activités de caractère essentiellement culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou touristique, quelle que soit leur situation à l'égard de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ;

Considérant que la cour a estimé que la SA Valnor exerçait au sein du centre de valorisation énergétique de Maubeuge deux activités distinctes, l'une de traitement des ordures ménagères, de caractère essentiellement sanitaire et pour laquelle le syndicat mixte d'incinération de l'arrondissement d'Avesnes bénéficiait de l'exonération de taxe professionnelle en application de l'article 1449 du code général des impôts précité, et l'autre de transformation et de valorisation des déchets, qui n'entrait pas dans le champ de cette exonération ; qu'elle en a déduit que, la SA Valnor ayant la disposition à titre gratuit des biens et immobilisations qu'elle exploitait et dont le syndicat mixte était propriétaire, les biens visés aux 2° et 3° de l'article 1469 du même code devaient, par application du 3° bis du même article, entrer dans les bases imposables du syndicat mixte d'incinération de l'arrondissement d'Avesnes et non dans celles de la SA Valnor ;

Considérant que, par les dispositions de l'article 1449 du code général des impôts, le législateur a entendu faire bénéficier les collectivités locales, les établissements publics et les organismes de l'Etat d'une exonération de taxe professionnelle pour leurs activités de caractère essentiellement culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou touristique mais non pour celles de leurs activités qui, alors même qu'elles ne sont pas dépourvues de lien avec les précédentes, ne présentent pas ce caractère et n'en sont pas le complément indispensable ; que, par suite, la cour, qui ne s'est pas fondée exclusivement sur la perception de recettes au titre de la transformation et de la valorisation des déchets, n'a pas commis d'erreur de droit en distinguant dans l'exploitation du centre de valorisation énergétique de Maubeuge deux activités, dont l'une bénéficiait de l'exonération de taxe professionnelle prévue par l'article 1449 et l'autre non ; qu'en estimant que l'activité de transformation et de valorisation des déchets ne pouvait être regardée comme le complément indispensable de l'activité de traitement des ordures ménagères mais qu'il s'agissait d'une activité distincte, elle s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui n'est pas entachée de dénaturation ;

Considérant, toutefois, qu'après avoir opéré cette distinction, la cour a estimé que l'ensemble des biens du centre de valorisation énergétique de Maubeuge relevant des 2° et 3° de l'article 1469 du code général des impôts entraient dans les bases d'imposition du syndicat mixte d'incinération de l'arrondissement d'Avesnes et a réduit à due concurrence les bases d'imposition de la SA Valnor ; qu'en procédant ainsi, au lieu de distinguer selon que les biens concouraient à l'une ou l'autre activité ou, si les mêmes immobilisations étaient utilisées pour les deux activités, de prendre en considération leur valeur locative au prorata de leur temps d'utilisation, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré d'une erreur de fait, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONTION PUBLIQUE est fondé à demander l'annulation des articles 1, 2 et 3 de l'arrêt qu'il attaque ;

Sur le pourvoi incident de la SA Valnor :

Considérant que les moyens par lesquels le pourvoi incident critique l'appréciation portée par la cour sur la nature de l'activité exercée au sein du centre de valorisation énergétique de Maubeuge n'ont d'incidence sur l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il statue sur l'inclusion, dans la base imposable à la taxe professionnelle de la société, de la valeur locative des biens mentionnés aux 2° et 3° de l'article 1469 précité du code général des impôts et ne peuvent être utilement invoqués par la SA Valnor à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'article 4 de l'arrêt qu'elle attaque, rejetant le surplus des conclusions de sa requête ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu d'examiner les autres moyens du pourvoi incident, qui, s'ils étaient fondés, entraîneraient l'annulation de l'arrêt en tant qu'il confirme le maintien dans la base imposable à la taxe professionnelle des biens passibles d'une taxe foncière, mentionnés au 1° de l'article 1469 du code général des impôts ;

Considérant que les immobilisations mentionnées par les dispositions précitées de l'article 1467 du code général des impôts dont la valeur locative doit être incluse dans la base imposable à la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du cahier des clauses techniques particulières définissant les droits et obligations relatifs à l'exploitation du centre de valorisation énergétique de Maubeuge, que la SA Valnor avait la disposition exclusive des installations du centre, qu'elle utilisait pour assurer sa mission de traitement et de valorisation des déchets qui lui avait été confiée par le Syndicat Mixte d'Incinération de l'Arrondissement d'Avesnes ; qu'elle assurait l'entretien de ces installations et en assumait la responsabilité vis-à-vis des tiers ; qu'en se fondant sur ces éléments de fait, qu'elle n'a pas dénaturés, la cour administrative d'appel de Douai a pu juger, par un arrêt suffisamment motivé et sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique des faits que, bien que le syndicat mixte ait été seul titulaire des autorisations administratives nécessaires à l'exploitation de l'installation, ait perçu les recettes de l'activité de valorisation des déchets et ait supporté le financement de certains travaux de mise en conformité, la SA Valnor devait être regardée comme ayant disposé de ces immobilisations pour son activité professionnelle au sens des dispositions précitées du a) du 1° de l'article 1467 du code général des impôts, et que par suite, l'administration était fondée à inclure dans sa base d'imposition à la taxe professionnelle la valeur locative des biens passibles de taxe foncière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident de la SA Valnor doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SA Valnor au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 de l'arrêt du 21 août 2008 de la cour administrative d'appel de Douai sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : Le pourvoi incident de la SA Valnor et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la SA Valnor.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 16 nov. 2011, n° 321708
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Bernard Stirn
Rapporteur ?: M. Benoit Bohnert
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 16/11/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 321708
Numéro NOR : CETATEXT000024815310 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-11-16;321708 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award