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18/11/2011 | FRANCE | N°324301

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 18 novembre 2011, 324301


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 21 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Eliane A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06MA01357 du 13 novembre 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille rejetant sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 3 mai 2002 du maire de Grasse refusant la délivranc

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 21 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Eliane A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06MA01357 du 13 novembre 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille rejetant sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 3 mai 2002 du maire de Grasse refusant la délivrance d'un permis de construire relatif à l'édification d'une maison d'habitation ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Grasse le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de Mme A et de Me Georges, avocat de la commune de Grasse,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de Mme A et à Me Georges, avocat de la commune de Grasse ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a déposé une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison individuelle sur un terrain situé près du hameau de Plascassier à Grasse (Alpes-Maritimes) ; que, postérieurement à la naissance d'un permis de construire tacite, le maire de Grasse s'est opposé à la délivrance de ce permis par une décision du 3 mai 2002, aux motifs que le projet méconnaissait tant les dispositions de l'article NB 11 du plan d'occupation des sols que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que, par l'arrêt attaqué du 13 novembre 2008, la cour administrative d'appel de Marseille, confirmant le jugement du 13 mars 2006 du tribunal administratif de Nice, a rejeté la requête de Mme A tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté municipal, en estimant que le permis tacite obtenu le 14 avril 2002 était entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article NB 11 du plan d'occupation des sols et que le maire avait pu, en conséquence, en prononcer légalement le retrait le 3 mai 2002, malgré la délivrance antérieure d'un certificat d'urbanisme positif ;

Considérant que les dispositions combinées des articles NB 1 et NB 2 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Grasse approuvé le 27 mars 1986, applicable en l'espèce, autorisent dans cette zone les constructions ou extensions de constructions à usage d'habitation, à l'exception des immeubles collectifs, et, dans certains secteurs, des lotissements ; que, selon l'article NB 11 de ce même règlement : Toute construction susceptible par son aspect de porter atteinte à l'environnement bâti ou non bâti, pourra être interdite. Il est recommandé une simplicité des formes, une harmonie des volumes et des couleurs, un accord avec les constructions existantes avoisinantes et une intégration dans le site pour les constructions nouvelles (...) ; qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions qu'un refus d'autoriser une construction à usage d'habitation individuelle dans la zone NB ne peut être fondé sur l'article NB 11 que si cette construction est susceptible, par son aspect, de porter atteinte à l'environnement ; qu'en prenant uniquement en compte, pour juger que le permis tacite né au profit de Mme A méconnaissait les dispositions de l'article NB 11, la localisation du terrain d'assiette dans un site encore vierge de constructions, à proximité d'un hameau ayant conservé un grand intérêt architectural et paysager, sans rechercher si les caractéristiques de la maison envisagée étaient de nature à porter atteinte à l'environnement, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la commune de Grasse soutient que le permis tacite délivré à Mme A méconnaissait tant les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme que celles de l'article NB 11 du plan d'occupation des sols de la commune ;

Considérant que Mme A soutient que, compte tenu du certificat d'urbanisme qui lui a été délivré le 8 décembre 2000 en vue de la réalisation de son projet de construction, le maire de Grasse était tenu de lui délivrer le permis de construire ; que les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction alors applicable, confèrent à la personne à laquelle un certificat d'urbanisme a été délivré un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant l'année qui suit, examinée au regard des dispositions d'urbanisme mentionnées dans ce certificat ; qu'elles n'ont toutefois pas pour effet de justifier la délivrance par l'autorité administrative d'un permis de construire fondé sur une appréciation erronée de l'application de ces dispositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date du permis de construire, applicable à l'ensemble des communes en vertu de l'article R. 111-1 du même code : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction envisagée, dont l'aspect est proche de celui des constructions avoisinantes, soit de nature à porter atteinte au site du hameau de Plascassier, lequel ne faisait d'ailleurs l'objet d'aucune mesure particulière de protection à la date du permis de construire obtenu tacitement par la requérante ; qu'ainsi, ce permis tacite n'était entaché d'erreur manifeste d'appréciation ni au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du l'urbanisme, ni au regard des dispositions précitées de l'article NB 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Grasse ; que, par suite, le maire de Grasse ne pouvait légalement en prononcer le retrait ;

Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen soulevé par la requérante, tiré de ce que la décision de retrait serait illégale pour avoir été prise sur le fondement du nouveau plan local d'urbanisme de la commune, qui n'était pas encore entré en vigueur, n'est pas de nature à justifier l'annulation de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 mars 2006, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code du justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Grasse ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Grasse, au titre des mêmes dispositions, le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 13 novembre 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille, le jugement du 13 mars 2006 du tribunal administratif de Nice et la décision du 3 mai 2002 du maire de Grasse sont annulés.

Article 2 : La commune de Grasse versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Grasse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Eliane A et à la commune de Grasse.

Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 324301
Date de la décision : 18/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2011, n° 324301
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: M. Pascal Trouilly
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; GEORGES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:324301.20111118
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