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18/11/2011 | FRANCE | N°335532

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 18 novembre 2011, 335532


Vu 1°/ sous le n° 335532, la requête, enregistrée le 14 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE), dont le siège est à l'ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris 11, place Dauphine à Paris (75001), le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE (SAF), dont le siège est 34, rue Saint-Lazare à Paris (75009) ; l'ADDE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) avant dire

droit, d'enjoindre aux ministres de produire les plans d'aménagement i...

Vu 1°/ sous le n° 335532, la requête, enregistrée le 14 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE), dont le siège est à l'ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris 11, place Dauphine à Paris (75001), le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE (SAF), dont le siège est 34, rue Saint-Lazare à Paris (75009) ; l'ADDE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) avant dire droit, d'enjoindre aux ministres de produire les plans d'aménagement intérieur du centre de rétention administrative dit "Le Mesnil-Amelot 2" ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 novembre 2009 pris en application de l'article R. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par lequel la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, le ministre de la défense et le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ont créé le centre de rétention administrative "Le Mesnil-Amelot 2" ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°/ sous le n° 335559, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier 2010 et 25 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CIMADE, dont le siège est 64, rue Clisson à Paris (75013) ; la CIMADE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 novembre 2009 pris en application de l'article R. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par lequel la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, le ministre de la défense et le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ont créé le centre de rétention administrative "Le Mesnil-Amelot 2" ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu, 3°/ sous le n° 341983, la requête, enregistrée le 28 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la CIMADE, dont le siège est 64, rue Clisson à Paris (75013) ; la CIMADE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mai 2010 pris en application de l'article R. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par lequel la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, le ministre de la défense et le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ont créé le centre de rétention administrative "Le Mesnil-Amelot 3" ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu 4°/, sous le n° 342071, la requête, enregistrée le 2 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE), dont le siège est à l'ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris 11, place Dauphine à Paris (75001), le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE (SAF), dont le siège est 34, rue Saint-Lazare à Paris (75009) ; l'ADDE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mai 2010 pris en application de l'article R. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par lequel la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, le ministre de la défense et le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ont créé le centre de rétention administrative "Le Mesnil-Amelot 3" ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu 5°/ sous le n° 347892, la requête, enregistrée le 28 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la CIMADE, dont le siège est 64, rue Clisson à Paris (75013) ; la CIMADE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 janvier 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, et du ministre des solidarités et de la cohésion sociale, qui abroge l'arrêté du 21 mai 2010, en tant qu'il procède à la création et autorise l'ouverture des centres de rétention administrative "Le Mesnil Amelot 2" et "Le Mesnil Amelot 3" ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu 6°/ sous le n° 348079, la requête, enregistrée le 1er avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE), dont le siège est Ordre des Avocats à la Cour d'Appel de Paris 11, place Dauphine à Paris (75001), le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, villa Marcès à Paris (75011), le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE (SAF), dont le siège est 34, rue Saint-Lazare à Paris (75009) ; l'ADDE et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 janvier 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, et du ministre des solidarités et de la cohésion sociale, qui abroge l'arrêté du 21 mai 2010, en tant qu'il procède à la création et autorise l'ouverture des centres de rétention administrative "Le Mesnil Amelot 2" et "Le Mesnil Amelot 3" ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu 7°/, sous le n° 349647, la requête, enregistrée le 26 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la CIMADE, dont le siège est 64, rue Clisson à Paris (75013) ; la CIMADE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mars 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, et du ministre des solidarités et de la cohésion sociale, qui abroge l'arrêté du 28 janvier 2011, en tant qu'il procède à la création et autorise l'ouverture des centres de rétention administrative "Le Mesnil Amelot 2" et "Le Mesnil Amelot 3" ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 octobre 2011, présentée pour la CIMADE ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment la Charte de l'environnement qui lui est annexée ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 8 ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Constance Rivière, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la CIMADE,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la CIMADE ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les centres de rétention administrative sont créés, sur proposition du ministre chargé de l'immigration, par arrêté conjoint du ministre chargé des affaires sociales, du ministre chargé de l'immigration, du ministre de l'intérieur et du ministre de la justice. Cet arrêté mentionne l'adresse du centre et précise, d'une part, si sa surveillance en est confiée à la police nationale ou à la gendarmerie nationale et, d'autre part, si ce centre est susceptible d'accueillir des familles " ;

Considérant que les requêtes n° 335532 et 335559 sont dirigées contre l'arrêté du 4 novembre 2009 par lequel le ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le ministre chargé des affaires sociales, le ministre de la défense et le ministre chargé de l'immigration ont, en application de ces dispositions, procédé à la création juridique du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot 2 en le faisant apparaître dans la liste, dressée par cet arrêté, de l'ensemble des centres de rétention administrative placés sous la surveillance de la police nationale et en précisant que ce centre est autorisé à accueillir des familles ; que les requêtes n° 341983 et 342071 sont dirigées contre l'arrêté du 21 mai 2010 qui, abrogeant et remplaçant l'arrêté du 4 novembre 2009, a conservé le centre de Mesnil-Amelot 2 dans la liste et procédé à la création juridique du centre de rétention du Mesnil-Amelot 3 en le faisant apparaître dans la même liste ; que les requêtes n° 347892 et 348079 sont dirigées contre l'arrêté du 28 janvier 2011 en tant qu'il abroge les arrêtés précédents et crée les centres du Mesnil-Amelot 2 et 3 ; qu'enfin, la requête n° 349647 est dirigée contre l'arrêté du 30 mars 2011 qui abroge ce dernier arrêté et maintient les deux centres dans la même liste ; que, compte tenu des abrogations successivement prononcées, ces requêtes doivent être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 30 mars 2011 en tant qu'il autorise la création ainsi que l'ouverture des centres de rétention administrative du Mesnil-Amelot 2 et 3 ; qu'elles présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été pris sur proposition du ministre chargé de l'immigration ; que le moyen tiré de ce que l'article R. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile aurait été méconnu ne peut par conséquent qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 12 du décret du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires alors applicable : " Les comités techniques paritaires connaissent dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 13 et 14 du présent décret des questions et des projets de textes relatifs : / 1° Aux problèmes généraux d'organisation des administrations, établissements ou services ; / 2° Aux conditions générales de fonctionnement des administrations et services (...) " ; que la création de deux unités locales de rétention ne constitue pas une questions générale d'organisation de la police nationale qui aurait nécessité la consultation du comité paritaire central placé auprès du directeur général de la police nationale ; que si l'ASSOCIATION AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE) vise la consultation d'un autre comité technique paritaire, sa requête n'est pas assortie des précisions suffisantes permettant d'apprécier le moyen ainsi formulé ;

Sur les moyens relatifs aux conditions de rétention dans les nouveaux centres :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 553-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Les centres de rétention administrative, dont la capacité d'accueil ne pourra pas dépasser 140 places, offrent aux étrangers retenus des équipements de type hôtelier et des prestations de restauration collective. Ils répondent aux normes suivantes : / (...) 6° Au-delà de quarante personnes retenues, une salle de loisirs et de détente distincte du réfectoire, dont la superficie est d'au moins 50 mètres carrés, majorée de 10 mètres carrés pour quinze retenus supplémentaires (...) " ;

Considérant, en premier lieu, que la fixation d'une capacité maximale d'accueil des centres de rétention administrative vise, en particulier, à garantir la dignité des personnes retenues ainsi que la sécurité publique à l'intérieur des centres ; qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que les deux centres créés par les arrêtés attaqués auront chacun une capacité maximale de 120 personnes, seront installés dans une enceinte commune disposant d'une entrée unique sur la route départementale et seront séparés l'un de l'autre par une clôture ; qu'il ressort toutefois de ces mêmes pièces, d'une part, que, d'un point de vue matériel, les locaux d'hébergement, organisés en structure pavillonnaire déconcentrée, comme les bâtiments administratifs, y compris pour les associations requérantes, sont distincts et autonomes pour chacun des deux centres ; que la clôture entre les deux centres rend impossible tout passage des personnes retenues d'un centre à l'autre ; que, d'autre part, d'un point de vue administratif, chaque centre dispose de son propre service d'accueil, d'un système de surveillance, d'une équipe de direction distincte et de personnels dédiés ; que l'affectation de l'étranger, dans l'un des deux centres, lors du placement en rétention, comme le transfert d'une personne retenue entre les deux centres voisins doivent faire l'objet d'une décision administrative précisant sans ambigüité de quel centre il s'agit, les deux centres correspondant à des entités administratives distinctes ; que le choix fait par l'administration de mutualiser certains services, lorsque cela était possible sans mise en cause de l'autonomie de chaque centre, notamment la salle de repos pour les personnels travaillant dans les centres, la passerelle accueillant la police aux frontières et reliant les deux centres ou les parkings, ne fait pas obstacle à ce qu'il s'agisse tant matériellement qu'administrativement de deux centres distincts ; que, dans ces conditions, les deux centres accolés mais autonomes, dont l'organisation interne par unités de vie de taille limitée à quarante personnes a pour objet l'amélioration des conditions de rétention et la diminution des risques de troubles à l'ordre public, ne saurait être regardés comme un centre de rétention administrative unique d'une capacité maximale de 240 personnes ; que, dès lors, les arrêtés attaqués ne méconnaissent pas les dispositions de l'article R. 553-3 et ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation ; que, pour les mêmes raisons, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu du choix d'aménagement modulaire retenu pour chacun des centres, des salles de détente ont été installées dans chaque module de vie d'une capacité maximale de 20 personnes retenues, c'est-à-dire en dessous du seuil de 50 personnes fixé par l'article R. 553-3, qui n'impose la création d'une grande salle que lorsque ce seuil est dépassé ; qu'au surplus, la surface totale attribuée aux salles de loisir et de détente, de 198 m2 pour chaque centre, est supérieure au seuil prévu par cet article ; que le choix fait par l'administration de répartir la surface totale imposée par ces dispositions pour chaque centre en plusieurs salles installées dans chaque bâtiment, en lieu et place d'une seule grande salle par centre, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 du code civil : " Chacun a droit au respect de sa vie privée " ; qu'il ressort des dernières écritures du ministre et qu'il n'est pas contesté que les chambres et sanitaires sont désormais dotés de portes pleines, garantissant l'intimité des personnes retenues ; que, par suite et en tout état de cause, ni ces dispositions, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont méconnues ;

Sur les moyens relatifs à l'exposition au bruit des centres :

Considérant que conformément à l'article L. 147-3 du code de l'urbanisme, un plan d'exposition au bruit a été adopté pour l'aérodrome Roissy-Charles-de-Gaulle dans lequel le terrain sur lequel ont été construits les centres est classé en zone B ; qu'aux termes de l'article L. 147-5 du même code : " Dans les zones définies par le plan d'exposition au bruit, l'extension de l'urbanisation et la création ou l'extension d'équipements publics sont interdites lorsqu'elles conduisent à exposer immédiatement ou à terme de nouvelles populations aux nuisances de bruit. A cet effet : (...) 3° Dans les zones A et B, les équipements publics ou collectifs ne sont admis que lorsqu'ils sont nécessaires à l'activité aéronautique ou indispensables aux populations existantes (...) " ;

Considérant qu'ainsi que les associations requérantes le soutiennent, les centres sont situés dans des zones de forte exposition aux nuisances sonores du fait de la proximité de l'aéroport de Roissy et de la route départementale ; que toutefois, compte-tenu du caractère temporaire de la rétention dans ces bâtiments, de la destination des lieux, ainsi que de l'isolation acoustique des bâtiments, l'ouverture des centres construits sur ce terrain n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que, par ailleurs, les dispositions d'urbanisme invoquées au soutien de ce moyen, notamment le plan d'exposition au bruit en vigueur sur le territoire du Mesnil-Amelot, ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre des arrêtés qui ne sont pas des autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme ; que les moyens tirés de ce que l'exposition au bruit et à la pollution atmosphérique des centres porterait atteinte à la sécurité et la santé des étrangers retenus et des personnes qui y travaillent, et en particulier les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 4431-2 du code du travail et de la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989, ne sont, en tout état de cause, pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'enfin, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 1er de la charte de l'environnement ainsi que du principe de précaution consacré par l'article 5 de la charte ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre des arrêtés attaqués ;

Sur les moyens relatifs au placement en rétention de mineurs :

Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 : " 1. Les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu'en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible. / 2. Les familles placées en rétention dans l'attente d'un éloignement disposent d'un lieu d'hébergement séparé qui leur garantit une intimité adéquate. / 3. Les mineurs placés en rétention ont la possibilité de pratiquer des activités de loisirs, y compris des jeux et des activités récréatives adaptés à leur âge, et ont, en fonction de la durée de leur séjour, accès à l'éducation. (...) / 5. L'intérêt supérieur de l'enfant constitue une considération primordiale dans le cadre de la rétention de mineurs dans l'attente d'un éloignement " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) " ;

Considérant que les arrêtés attaqués prévoient que le centre du Mesnil-Amelot 2 est autorisé à accueillir des familles ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en conséquence un bâtiment spécial a été aménagé à cet effet ; que ces dispositions n'ont pas pour objet de permettre aux autorités préfectorales de prendre des mesures privatives de liberté à l'encontre des enfants mineurs des personnes placées en rétention ; qu'elles visent seulement à organiser l'accueil des familles, et notamment des enfants mineurs, des étrangers placés en rétention ; qu'il s'ensuit qu'en prévoyant l'accueil des familles dans ce centre le pouvoir réglementaire n'a, en tout état de cause, méconnu ni les articles L. 511-4 et L. 521-4, ni aucune autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les articles 3-1 et 3-7 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, ni les articles 1er et 5 de la charte de l'environnement ; que ces dispositions ne sont pas non plus, en elles-mêmes, de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par les dispositions de la directive du 16 décembre 2008 précitée dont le délai de transposition a expiré le 24 décembre 2010 ;

Sur les moyens relatifs à l'installation de salles d'audience à proximité des centres :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement en rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. (...) si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il statue dans cette salle " ; que la tenue d'une audience dans une salle à proximité immédiate d'un lieu de rétention n'est, dès lors qu'elle n'est pas située dans le centre lui-même, pas contraire à l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ressort des pièces du dossier que les salles d'audience, dépendant du ministère de la justice, sont prévues en dehors des centres eux-mêmes, qu'il existe une entrée publique autonome située avant l'entrée dans les centres et que ces salles ne sont pas reliées aux bâtiments composant les centres ; que ces conditions permettent au juge de statuer publiquement, dans le respect de l'indépendance des magistrats et de la liberté des parties ; que, dès lors, les moyens tirés d'une méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité de la justice ainsi que ceux tirés d'une violation du droit à un procès équitable ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par les ministres, ni d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées par les associations et qui n'auraient pas été satisfaites au cours de la procédure, que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation des arrêtés qu'elles attaquent ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'ADDE, le GISTI et le SAF, d'une part, la CIMADE, d'autre part, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l'ADDE et autres et de la CIMADE sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS, au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, au SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, à la CIMADE, au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 335532
Date de la décision : 18/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONSULTATIVE - CONSULTATION NON OBLIGATOIRE - COMITÉ TECHNIQUE PARITAIRE - COMITÉ PARITAIRE CENTRAL PLACÉ AUPRÈS DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POLICE NATIONALE - CRÉATION DE CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE.

01-03-02-03 La création de deux unités locales de rétention ne constitue pas une question générale d'organisation de la police nationale qui aurait nécessité, en vertu de l'article 12 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires alors applicable, la consultation du comité paritaire central placé auprès du directeur général de la police nationale.

335 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONSULTATIVE - CONSULTATION NON OBLIGATOIRE - CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE - 1) CRÉATION - CONSULTATION OBLIGATOIRE DU COMITÉ PARITAIRE CENTRAL PLACÉ AUPRÈS DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POLICE NATIONALE - ABSENCE - 2) CONFIGURATION DES LIEUX - A) CAPACITÉ D'ACCUEIL - LIMITATION À 140 PLACES (ART - R - DU CESEDA) - CENTRES ACCOLÉS - MAIS AUTONOMES - D'UNE CAPACITÉ DE 120 PLACES CHACUN - LÉGALITÉ - EXISTENCE - B) SUPERFICIE MINIMALE DE LA SALLE DE LOISIR AU-DELÀ DE QUARANTE PERSONNES RETENUES (6° DE L'ARTICLE R - DU CESEDA) - APPRÉCIATION AU REGARD DE L'EFFECTIF DE CHAQUE UNITÉ DE VIE - 3) EXPOSITION AU BRUIT - A) INVOCATION DES ARTICLES L - 147-1 DU CODE DE L'URBANISME À L'ENCONTRE DE L'ARRÊTÉ DE CRÉATION D'UN CENTRE - INDÉPENDANCE DES LÉGISLATIONS - CONSÉQUENCE - INOPÉRANCE - B) IMPLANTATION DES CENTRES EN ZONE DE FORTE EXPOSITION AU BRUIT - ERREUR MANIFESTE D'APPRÉCIATION - ABSENCE - 4) ATTRIBUTION D'UNE SALLE D'AUDIENCE AU MINISTÈRE DE LA JUSTICE À PROXIMITÉ DU CENTRE DE RÉTENTION (ART - L - 552-1 DU CESEDA) - NOTION DE PROXIMITÉ [RJ1].

335 1) La création de deux unités locales de rétention ne constitue pas une question générale d'organisation de la police nationale qui aurait nécessité, en vertu de l'article 12 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires alors applicable, la consultation du comité paritaire central placé auprès du directeur général de la police nationale.,,2) a) Deux centres de rétention administrative d'une capacité d'accueil de 120 places chacun, accolés l'un à l'autre, desservis par une entrée commune et dont certains services sont mutualisés, mais dont les locaux sont matériellement séparés, gérés de façon autonome par deux équipes dirigeantes différentes et dans lesquels les étrangers sont affectés de façon distincte ne constituent pas un centre de rétention unique de 240 places prohibé par l'article R. 553-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui limite à 140 places la capacité d'accueil des centres de rétention.,,b) Les exigences du 6° de l'article L. 553-3 du CESEDA, qui prévoit qu'au-delà de quarante personnes retenues, un centre de rétention administrative comporte une salle de loisirs et de détente distincte du réfectoire, dont la superficie est d'au moins 50 mètres carrés, majorée de 10 mètres carrés pour quinze retenus supplémentaires, s'apprécient au regard de l'effectif de chaque unité de vie, et non par au regard de l'effectif global du centre.... ...3) a) Les dispositions des articles L. 147-1 et suivants du code de l'urbanisme, relatifs aux conditions d'utilisation des sols exposés aux nuisances dues au bruit des aéronefs, ne peuvent être utilement invoquées l'encontre de l'arrêté de création d'un centre de rétention administrative, qui n'est pas une autorisation délivrée en application du code de l'urbanisme.,,b) Compte-tenu du caractère temporaire de la rétention dans les bâtiments, de la destination des lieux, ainsi que de l'isolation acoustique, l'ouverture de centres de rétention administrative dans une zone de forte exposition aux nuisances sonores (proximité de l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle et d'une route départementale) n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.,,4) L'article L. 552-1 du CESEDA permet l'attribution au ministère de la justice d'une salle d'audience spécialement aménagée lui permettant de statuer publiquement sur la prolongation de la rétention à proximité immédiate du lieu de cette rétention. Ces dispositions excluent que la salle d'audience soit située dans l'enceinte du centre de rétention. En revanche, dès lors que les salles, dépendant du ministère de la justice, sont prévues en dehors des centres eux-mêmes, qu'il existe une entrée publique autonome et qu'elles ne sont pas reliées aux bâtiments composant les centres, elles permettent au juge de statuer publiquement, dans le respect de l'indépendance des magistrats et de la liberté des parties, sans méconnaissance des principes d'indépendance et d'impartialité de la justice ou du droit à un procès équitable.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - COMITÉS TECHNIQUES PARITAIRES - CONSULTATION NON OBLIGATOIRE - COMITÉ PARITAIRE CENTRAL PLACÉ AUPRÈS DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POLICE NATIONALE - CRÉATION DE CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE.

36-07-06-04 La création de deux unités locales de rétention ne constitue pas une question générale d'organisation de la police nationale qui aurait nécessité, en vertu de l'article 12 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires alors applicable, la consultation du comité paritaire central placé auprès du directeur général de la police nationale.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cons. Const., 20 novembre 2003, n° 2003-484 DC ;

Cass. 1re civ., 16 avril 2008, n° 06-20390.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2011, n° 335532
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Constance Rivière
Rapporteur public ?: M. Damien Botteghi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:335532.20111118
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