La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2011 | FRANCE | N°333900

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 21 novembre 2011, 333900


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 novembre 2009 et 17 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DELMAS, dont le siège est 1 quai Colbert BP 7007X au Havre (76080 cedex) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°s 08DA01268 et 08DA02085 du 17 septembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après annulation du jugement n° 0702728 du 10 juillet 2008 du tribunal administratif de Rouen et évocation, l'a condamnée à verser au Grand port maritime du Ha

vre, lequel s'est substitué au Port autonome du Havre, la somme de 2 97...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 novembre 2009 et 17 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE DELMAS, dont le siège est 1 quai Colbert BP 7007X au Havre (76080 cedex) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n°s 08DA01268 et 08DA02085 du 17 septembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après annulation du jugement n° 0702728 du 10 juillet 2008 du tribunal administratif de Rouen et évocation, l'a condamnée à verser au Grand port maritime du Havre, lequel s'est substitué au Port autonome du Havre, la somme de 2 972 050 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2007 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de la relaxer des fins de la poursuite engagée à son encontre pour contravention de grande voirie ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu l'ordonnance n° 2005-898 du 2 août 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Prévost, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE DELMAS et de la SCP Richard, avocat de la société Grand port maritime du Havre,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE DELMAS et à la SCP Richard, avocat de la société Grand port maritime du Havre ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 4 juillet 2003, le navire de commerce Roland Delmas , propriété de la SOCIETE DELMAS, a, lors d'une manoeuvre, heurté avec le haut de sa rampe arrière l'avant-bec, resté en position horizontale, du portique de manutention de conteneurs n° 725 situé sur le quai de Bougainville du port autonome du Havre ; qu'à raison de ces faits, regardés par l'administration comme constituant une infraction aux articles L. 331-1, L. 331-2 et R. 322-2 du code des ports maritimes, un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 4 avril 2007 ; que le préfet de la Seine-Maritime a transmis le 18 octobre 2007 au tribunal administratif de Rouen ce procès-verbal ; que, compte tenu de son argumentation, la SOCIETE DELMAS doit être regardée comme formant un pourvoi en cassation contre l'article 4 de l'arrêt du 17 septembre 2009 par lequel, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif et statuant par la voie de l'évocation, la cour administrative d'appel de Douai l'a condamnée à verser au Grand port maritime du Havre, qui s'était substitué au Port autonome du Havre, les sommes dues en réparation du préjudice subi par le port du fait des dommages causés à ce portique, majorées des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2007 ;

Considérant que, d'une part, lorsque les faits relevés à l'encontre de l'auteur d'une contravention de grande voirie ont été commis avant l'entrée en vigueur, fixée au 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, les dispositions de ce code ne peuvent servir de fondement aux poursuites, alors même que le procès-verbal est rédigé postérieurement à cette entrée en vigueur, si elles constituent des dispositions nouvelles et ne se bornent pas à réitérer en le codifiant le droit existant antérieurement ; que, d'autre part, il appartient aux juges du fond de rechercher, au besoin d'office, si, à la date des faits, les atteintes portées au domaine public étaient réprimées par une contravention de grande voirie ; que dans ce cas, ils doivent également vérifier qu'à la date à laquelle ils statuent, l'atteinte portée au domaine public constitue toujours une telle contravention ; qu'il leur appartient enfin de rechercher, même d'office, si les faits constatés par un procès-verbal constituent une contravention à d'autres dispositions que celles expressément mentionnées dans ce procès-verbal ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques : Font également partie du domaine public les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable. ;

Considérant que la cour s'est fondée notamment sur ces dispositions pour juger que, nonobstant son caractère mobilier, le portique n° 725 constituait un bien domanial en tant qu'accessoire indispensable à l'exploitation du port autonome et en déduire que l'atteinte portée à ce portique était constitutive d'une contravention de grande voirie ; que, toutefois, les dispositions de l'article L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques ne réitèrent pas en le codifiant l'état du droit antérieurement applicable ; que, par suite, la cour ne pouvait faire application de ces dispositions pour condamner la requérante ;

Considérant que, si la cour s'est fondée également sur les articles L. 2111-6 et L. 2132-2 de ce code, ces dispositions ne pouvaient servir de fondement aux poursuites dès lors que l'article L. 2111-6 se borne à mentionner les éléments immobiliers constitutifs du domaine public maritime artificiel et ne contient aucune disposition relative à la poursuite du contrevenant et que l'article L. 2132-2 a pour seul objet de définir, de manière générale, la contravention de grande voirie et renvoie, pour chaque contravention, aux textes qui instituent de telles contraventions ;

Considérant que la cour s'est enfin fondée sur les dispositions de l'article L. 331-1 du code des ports maritimes alors en vigueur, dans une rédaction qu'elle a reproduite et selon laquelle : Sans préjudice des sanctions pénales encourues, toute atteinte à la conservation du domaine public des ports maritimes constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues au présent chapitre. / Ont compétence pour constater les contraventions en matière de grande voirie prévues par le présent livre et les textes pris pour son application : / 1° Les officiers de port et officiers de port adjoints (...) ; que toutefois, si cet article était notamment mentionné dans le procès-verbal dressé à l'encontre de la société requérante, la rédaction de cet article, reproduite par la cour, est issue de l'ordonnance du 2 août 2005 portant actualisation et adaptation des livres III et IV du code des ports maritimes (partie législative) ; que le même article dans sa rédaction applicable aux faits commis par la société le 4 juillet 2003 ne réprime pas de tels faits ; que la cour a ainsi omis de rechercher si, à cette date, ces installations portuaires étaient protégées par le régime de contravention de grande voirie ;

Considérant, par suite, qu'en retenant l'ensemble de ces motifs pour estimer que l'atteinte portée par la société au portique appartenant au Grand port maritime du Havre était constitutive d'une contravention de grande voirie, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, la SOCIETE DELMAS est fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt du 17 septembre 2009 de la cour administrative d'appel de Douai ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SOCIETE DELMAS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette société qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 4 de l'arrêt du 17 septembre 2009 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE DELMAS est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DELMAS, à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au Grand port maritime du Havre.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 333900
Date de la décision : 21/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2011, n° 333900
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Guillaume Prévost
Rapporteur public ?: M. Laurent Olléon
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:333900.20111121
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award