Vu la requête, enregistrée le 4 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Amadou A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours dirigé contre la décision du 5 mai 2009 par laquelle le chef de la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée a refusé de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à son épouse Loua C et à ses enfants Mamadou Aliou B et Amadou Bailo B en qualité de membres de famille de réfugié ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de délivrer les visas sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant que M. A demande l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision des autorités consulaires de l'ambassade de France en Guinée refusant de délivrer des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié à sa compagne Loua C et à leurs enfants, Mamadou Aliou B et Amadou Bailo B, ressortissants guinéens ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de M. A, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le caractère apocryphe des actes de naissance produits à l'appui de la demande de visa des enfants Mamadou Aliou B et Amadou Bailo B ;
Considérant qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint et aux enfants d'un réfugié statutaire les visas qu'ils sollicitent ; qu'elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public, notamment en cas de fraude ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 23 janvier 2006 ; qu'il a déclaré, dès sa demande d'asile le 18 août 2005, être le père de Mamadou Aliou B, né le 10 juin 1999 à Conakry, et d'Amadou Bailo B né le 26 février 2001, à Conakry et qu'il en a constamment fait état dans ses démarches postérieures ; que, dans ces conditions, la seule circonstance retenue par les autorités consulaires, que la numérotation des actes d'état civil produits par le requérant à l'appui de la demande de visa pour ses enfants ne serait pas conforme aux pratiques des services d'état civil de la République de Guinée ne suffit pas à établir l'existence d'une fraude ; que, par suite, la commission a inexactement apprécié les faits de l'espèce en estimant que le caractère frauduleux des documents présentés par le requérant à l'appui de sa demande de visas révélait un risque d'atteinte à l'ordre public justifiant le refus de délivrer les visas sollicités ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de délivrer les visas sollicités par M. A dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano de la somme de 2 500 euros, sous réserve que cette SCP renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de faire délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 500 euros à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A, en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Amadou A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.